Vacanciers marocains tués: Des tirs face à «un refus d'obtempérer»

Des personnes assistent aux funérailles de Bilal Kissi, l'un des deux jet skieurs tués par les gardes-frontières algériens, dans la ville de Saïdia, au Maroc, le 31 août 2023 (Photo, AP).
Des personnes assistent aux funérailles de Bilal Kissi, l'un des deux jet skieurs tués par les gardes-frontières algériens, dans la ville de Saïdia, au Maroc, le 31 août 2023 (Photo, AP).
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Publié le Lundi 04 septembre 2023

Vacanciers marocains tués: Des tirs face à «un refus d'obtempérer»

  • Leurs frontières sont fermées depuis 1994 et l'Algérie a rompu ses liens diplomatiques avec le Maroc en août 2021
  • Rabat ne s'est pas encore exprimé officiellement

ALGER: "Des tirs de sommation" ont été effectués mardi par des garde-côtes algériens puis des "coups de feu tirés" face à "un refus d'obtempérer" de Marocains sur des jets-skis, a indiqué dimanche le ministère de la Défense algérien, après l'annonce par les médias marocains de la mort de deux vacanciers perdus en mer.

Selon les médias marocains et des avocats qui ont dit vouloir porter plainte en France, Bilal Kissi, un vacancier franco-marocain et son cousin Abdelali Mechouar, titulaire d'un titre de séjour régulier en France, ont été tués par les garde-côtes algériens, après s'être égarés.

Ils étaient partis de la station balnéaire de Saïdia (nord-ouest), à la frontière avec l'Algérie, à bord de jets-skis, selon le témoignage du frère aîné de M. Kissi, Mohamed qui a pu regagner la plage.

"Lors d'une patrouille de sécurisation et de contrôle au niveau de nos eaux territoriales, une unité des garde-côtes a intercepté, mardi à 19H47 (18H47 GMT), trois jet-skis ayant franchi clandestinement nos eaux territoriales", a indiqué le ministère algérien dans un communiqué.

"Après avoir lancé un avertissement sonore et les avoir sommés de s'arrêter à plusieurs reprises, les mis en cause ont refusé d'obtempérer et ont pris la fuite en effectuant des manœuvres dangereuses", selon la même source.

Après plusieurs "tirs de sommation", "des coups de feu ont été tirés contraignant un des jet-skis à s'immobiliser, alors que les deux autres ont pris la fuite", a ajouté le ministère.

Le ministère a expliqué ces tirs par "une activité accrue de bandes de narcotrafic et du crime organisé" dans cette zone frontalière, et en raison de "l'obstination des passagers des jet-skis".

Le ministère a demandé dans son communiqué de "ne pas prêter attention aux fausses informations qui circulent visant à nuire à l'image honorable de l'Armée" algérienne.

«incident violent»

Selon le ministère, mercredi, "un cadavre de sexe masculin non identifié, présentant un impact de balle par arme à feu" a été retrouvé et transféré à Tlemcen pour autopsie.

Le corps de Bilal Kissi, un commerçant de 29 ans, père de deux enfants, a été retrouvé sur la plage côté marocain. La famille de son cousin Abdelali Mechouar (ou Mchiouer), un commerçant résidant en France de 40 ans, père d'un enfant de cinq ans, réclame que son corps lui soit restitué au plus vite.

Un autre membre du groupe, Smaïl Snabé, également franco-marocain, a été blessé, selon Mohamed Kissi cité par les médias, et est détenu en Algérie.

La France a confirmé la mort d'un Français d'origine marocaine et "l'incarcération d'un autre compatriote en Algérie dans un incident impliquant plusieurs de nos ressortissants".

Le parquet d'Oujda, ville dont dépend Saïdia, a ouvert une enquête pour déterminer les circonstances "d'un incident violent en mer", a annoncé vendredi une source judiciaire à l'agence marocaine MAP.

Les avocats de la famille annoncent une plainte en France

La famille des deux vacanciers, dont un Franco-Marocain, tués mardi en mer par des tirs attribués à des garde-côtes algériens dans une zone frontalière entre le Maroc et l'Algérie, va déposer une plainte en France notamment pour assassinat, ont annoncé ses avocats dimanche.

La plainte sera déposée "lundi ou mardi" pour "assassinat aggravé, tentative d'assassinat aggravé, détournement de navire et non-assistance à personne en danger", a indiqué à l'AFP Me Hakim Chergui, l'un des avocats de la famille des victimes.

"La rupture des relations diplomatiques entre le Royaume du Maroc et la République algérienne, à l'initiative de cette dernière, ne saurait justifier la commission du moindre crime et encore moins, l'impunité de ses auteurs", écrivent dans un communiqué Me Chergui et Me Ghizlane Mouhtaram qui défend la famille au Maroc.

"C'est la raison pour laquelle, contraints par le mutisme des autorités algériennes, sur le territoire desquelles les assassinats ont eu lieu, ils n'ont pas d'autres choix que de recourir à la justice française pour que toute la lumière soit faite sur ce drame d'une cruauté sans nom", ajoutent les deux avocats.

Rabat ne s'est pas encore exprimé officiellement.

Mais le Conseil National des droits de l'Homme (organisme officiel constitutionnel marocain, indépendant du gouvernement) a "condamné l'usage de balles réelles par les garde-côtes algériens à l'encontre de citoyens sans défense, au lieu de porter secours à des personnes perdues en mer, ce qui est une grave violation des normes internationales", selon un communiqué dimanche.

"Un troisième jeune se trouve toujours en réanimation à Oujda", a affirmé le CNDH sans donner son identité ni sa nationalité. Le CNDH a aussi indiqué que M. Snabé "a été condamné à 18 mois" de prison en Algérie, sans donner les motifs.

Cette affaire risque d'exacerber les vives frictions entre Rabat et Alger, alimentées par leur antagonisme sur le dossier du territoire disputé du Sahara occidental, considéré comme un "territoire non autonome" par l'ONU en l'absence d'un règlement définitif.

Les indépendantistes du Polisario réclament un référendum d'autodétermination prévu par l'ONU en 1991 mais jamais organisé. Le Maroc, qui contrôle près de 80% du territoire, propose un plan d'autonomie sous sa souveraineté.

Leurs frontières sont fermées depuis 1994 et l'Algérie a rompu ses liens diplomatiques avec le Maroc en août 2021.


Gaza: les corps de deux otages détenus par le Hamas ramenés en Israël lors d'une opération spéciale 

Les corps de deux otages israélo-américains enlevés lors de l'attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas du 7 octobre 2023 ont été ramenés en Israël à l'issue d'une opération spéciale dans la bande de Gaza, a annoncé jeudi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. (AFP)
Les corps de deux otages israélo-américains enlevés lors de l'attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas du 7 octobre 2023 ont été ramenés en Israël à l'issue d'une opération spéciale dans la bande de Gaza, a annoncé jeudi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. (AFP)
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  • "Judy et Gad ont été assassinés le 7 octobre" puis leurs corps ont été emmenés dans la bande de Gaza, a-t-il ajouté
  • Le président israélien Isaac Herzog a quant à lui qualifié le rapatriement de leurs corps de moment de "douleur profonde mais aussi de soulagement, de réconfort et de levée de l'incertitude", après plus de 600 jours d'attente pour leur famille

JERUSALEM: Les corps de deux otages israélo-américains enlevés lors de l'attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas du 7 octobre 2023 ont été ramenés en Israël à l'issue d'une opération spéciale dans la bande de Gaza, a annoncé jeudi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

"Au cours d'une opération spéciale du Shin Bet (l'agence de la sécurité intérieure, NDLR) et de l'armée dans la bande de Gaza, les corps de deux de nos otages détenus par l'organisation terroriste meurtrière Hamas ont été ramenés en Israël: Judy Weinstein-Haggai et Gad Haggai du kibboutz Nir Oz, que leur mémoire soit bénie", a-t-il déclaré dans un communiqué.

"Judy et Gad ont été assassinés le 7 octobre" puis leurs corps ont été emmenés dans la bande de Gaza, a-t-il ajouté.

Le président israélien Isaac Herzog a quant à lui qualifié le rapatriement de leurs corps de moment de "douleur profonde mais aussi de soulagement, de réconfort et de levée de l'incertitude", après plus de 600 jours d'attente pour leur famille.

"L'opération (...) a été menée par les troupes de l'armée israélienne en coordination avec la Direction du renseignement et les forces spéciales", a indiqué l'armée dans un communiqué.

"L'opération a été rendue possible grâce à des renseignements précis fournis par le groupe de travail sur les otages, la Direction du renseignement et l'Agence de sécurité intérieure".

Selon un responsable militaire, les deux septuagénaires ont été assassinés puis leurs corps emmenés à Gaza par le même groupuscule jihadiste, les Brigades des Moudjahidines, proches du Jihad islamique, qui avait enlevé et tué Shira Bibas et ses deux petits garçons, Kfir et Ariel Bibas, âgés respectivement de 8 mois et demi et quatre ans lors de leur enlèvement.

Selon un communiqué du kibboutz Nir Oz, le couple, membre du kibboutz, qui avait quatre enfants et sept petits-enfants, a été assassiné dans les champs près de leur maison de Nir Oz, près de la bande de Gaza.

Gadi Haggai, âgé de 72 ans lors de son assassinat, était "un homme à l'esprit vif (...) attaché à la terre" et son épouse Judy Weinstein Haggai, tuée à l'âge de 70 ans, était une "professeur d'anglais spécialisée dans les enfants ayant des besoins spéciaux (...) dévouée à la paix et à la fraternité", selon le kibboutz.

Le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, a estimé sur X que le retour des corps des deux otages était une "preuve évidente qu'il est possible de ramener nos proches à la maison par la force militaire".

"Il est temps de ne plus hésiter, d'autoriser Tsahal (l'armée israélienne, NDLR) à mettre en oeuvre ses plans de conquête de la bande de Gaza, d'y entrer en force, de démanteler le Hamas, de libérer les otages et d'encourager l'émigration" des Palestiniens de Gaza, a ajouté ce ministre d'extrême droite.

Israël a intensifié à la mi-mai son offensive dans la bande de Gaza, dans le but affiché de libérer les otages kidnappés lors de l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, de prendre le contrôle de l'ensemble du territoire et d'anéantir le mouvement islamiste palestinien qui y a pris le pouvoir en 2007.

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées par le Hamas ce jour-là, 55 sont toujours retenues dans la bande Gaza, dont au moins 32 sont mortes, selon les autorités israéliennes. Le Hamas retient également la dépouille d'un soldat israélien tué lors d'une précédente guerre à Gaza, en 2014.

Plus de 54.607 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans la campagne militaire israélienne de représailles, selon des données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.


Soins de la peau et forte chaleur pendant le pèlerinage de La Mecque

Les longues heures passées à l'extérieur, les foules nombreuses et les mouvements incessants entre les rituels sont autant d'éléments qui sollicitent fortement le corps, en particulier la peau. Mont Arafat, 5 juin 2025. (Abdulrahman Alshalhoub)
Les longues heures passées à l'extérieur, les foules nombreuses et les mouvements incessants entre les rituels sont autant d'éléments qui sollicitent fortement le corps, en particulier la peau. Mont Arafat, 5 juin 2025. (Abdulrahman Alshalhoub)
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  • Un expert donne des conseils pour rester en bonne santé pendant ce pèlerinage physiquement éprouvant.
  • Les affections cutanées courantes peuvent être évitées avec un peu d'anticipation.

DJEDDAH : La saison du Hajj est un voyage profondément spirituel, mais elle comporte également des défis physiques uniques, en particulier sous la chaleur estivale intense de La Mecque.

Les longues heures passées à l'extérieur, les foules nombreuses et les mouvements incessants entre les rituels sont autant d'éléments qui sollicitent fortement le corps, et en particulier la peau.

Pour les pèlerins, il est essentiel de veiller aux soins de la peau afin d'assurer leur confort et de prévenir les affections cutanées courantes liées à la chaleur qui peuvent perturber l'expérience du Hadj.

Le ministère saoudien de la santé rappelle chaque année aux pèlerins de prendre des mesures simples mais efficaces pour protéger leur peau de la chaleur et de la sécheresse pendant le voyage du Hadj.

Selon le ministère, les problèmes de peau les plus courants pendant le Hadj sont les dermatites, les irritations cutanées, les coups de soleil et les infections fongiques telles que la teigne et le tinea cruris.

L'un des problèmes les plus fréquemment signalés pendant le pèlerinage est le frottement de la peau ou intertrigo, en particulier à l'intérieur des cuisses, sous les aisselles et sous les seins.

Ce problème est plus fréquent chez les pèlerins souffrant de diabète ou d'obésité et est généralement causé par le frottement, la chaleur et l'accumulation de sueur.

Les coups de soleil sont un autre problème courant, en particulier pour les pèlerins qui ne sont pas habitués à la lumière intense du soleil. Une exposition prolongée sans protection peut entraîner des rougeurs douloureuses, des gonflements ou même des cloques.

Les conditions chaudes et humides du Hadj créent un environnement idéal pour les infections fongiques telles que la teigne, qui se manifeste généralement par des taches circulaires sombres et prurigineuses, en particulier dans des zones comme l'aine ou l'intérieur des cuisses.

Le docteur Fatimah Sattof, dermatologue, a déclaré à Arab News : "Les soins de la peau sont particulièrement importants pendant la saison du Hadj en raison de l'exposition directe et prolongée des pèlerins au soleil, qui peut entraîner une sécheresse excessive, une pigmentation et même un cancer de la peau dans les cas extrêmes.

"L'exposition au soleil est également un facteur majeur de dégradation du collagène, qui contribue à l'amincissement de la peau et à l'apparition de rides précoces. L'hydratation est essentielle - en buvant beaucoup d'eau et en utilisant des crèmes protectrices", a-t-elle ajouté.

Outre les recommandations médicales, Mme Sattof a mis l'accent sur les mesures pratiques que les pèlerins peuvent prendre pour protéger leur peau.

"Les crèmes hydratantes sans parfum sont toujours préférables, car les produits parfumés peuvent accroître la sensibilité de la peau", a-t-elle déclaré.

"Je recommande de combiner différentes méthodes de protection : Les écrans solaires chimiques, les barrières physiques comme les parapluies et les masques, et le port de vêtements de couleur claire pour refléter les rayons du soleil.

"Si vous ressentez une brûlure ou une sensibilité, essayez la pommade MEBO et évitez l'exposition au soleil jusqu'à ce que les symptômes s'atténuent.

Elle rappelle également aux pèlerins que l'hydratation est essentielle, non seulement pour le corps, mais aussi pour la peau. "Il est essentiel de boire suffisamment d'eau et les pèlerins doivent appliquer des crèmes hydratantes lorsque le soleil n'est pas intense. Ces produits doivent être exempts de parfums et de substances irritantes afin d'éviter les réactions allergiques", a-t-elle ajouté.

"Heureusement, tous les produits nécessaires au soin de la peau - crème solaire, crème hydratante et vêtements de protection - sont facilement disponibles en Arabie saoudite dans la pharmacie la plus proche. Il n'est pas nécessaire d'emporter trop de bagages. Un bon écran solaire et une crème hydratante douce suffisent amplement."

Dermatologue Dr. Fatimah Sattof. 
Dermatologue Dr. Fatimah Sattof. 

Préserver sa santé cutanée pendant le Hajj : quelques gestes essentiels

Durant le Hajj, les conditions climatiques et l’intensité physique peuvent favoriser l’apparition d’irritations, de coups de soleil ou d’infections fongiques.

Pour éviter les irritations de la peau, il est recommandé de maintenir les zones sensibles propres et bien sèches, de privilégier des vêtements amples et respirants, et d’appliquer des pommades ou des poudres protectrices avant de marcher.

Une hygiène quotidienne rigoureuse, avec une attention particulière au séchage après les ablutions, est également primordiale. En cas de coup de soleil, il est conseillé de rester à l’ombre autant que possible, de prendre des douches fraîches pour soulager la peau, et d’utiliser des crèmes hydratantes douces, sans parfum, à base d’aloe vera ou de soja. 

Boire suffisamment d’eau aide aussi à limiter l’inconfort. Il faut éviter de percer les ampoules, qui protègent naturellement la peau en cours de cicatrisation.

Enfin, pour prévenir les infections fongiques, il est important de porter des sous-vêtements propres et secs, et de ne pas partager de serviettes ou de vêtements avec d’autres pèlerins.

L'année dernière, la saison du Hadj a été marquée par des températures sans précédent à La Mecque, comprises entre 46 et 51 degrés Celsius, ce qui a entraîné plus de 2 760 cas d'insolation en une seule journée.

Hussein Al-Qahtani, porte-parole du Centre national de météorologie, a déclaré que les prévisions indiquent que le Hadj de cette année sera également marqué par des températures extrêmement élevées, pouvant dépasser 49 degrés Celsius.

M. Sattof a souligné l'importance de la protection solaire : La saison du Hadj 2025 sera la dernière à se dérouler en été au cours des 16 prochaines années, en raison du changement progressif du calendrier lunaire islamique.

À partir de 2026, le Hadj se déroulera pendant les mois les plus frais, passant progressivement du printemps à l'hiver, ce qui permettra aux futurs pèlerins de ne pas souffrir de la chaleur extrême. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com

 

 


Gaza: la question brûlante d'un possible génocide

Les membres du Conseil de sécurité des Nations unies votent une résolution appelant à un cessez-le-feu et à un accès humanitaire illimité à Gaza, au siège des Nations unies à New York, le 4 juin 2025. (AFP)
Les membres du Conseil de sécurité des Nations unies votent une résolution appelant à un cessez-le-feu et à un accès humanitaire illimité à Gaza, au siège des Nations unies à New York, le 4 juin 2025. (AFP)
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  • Face aux récits et images dantesques qui sortent de Gaza, des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour qualifier de "génocide" la guerre menée par Israël dans le territoire palestinien
  • Mais 19 mois plus tard, les dizaines de milliers de victimes, l'ampleur des destructions, la faim et les déplacements imposés à la population gazaouie, ainsi que les déclarations incendiaires de responsables israéliens ont entraîné un changement de ton

PARIS: Face aux récits et images dantesques qui sortent de Gaza, des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour qualifier de "génocide" la guerre menée par Israël dans le territoire palestinien. Un terme dont la portée politique peut s'avérer paralysante, préviennent toutefois des juristes.

La charge symbolique de l'accusation de "génocide" est démultipliée s'agissant d'Israël, Etat créé après la Shoah, et dont le traumatisme fondateur a été ravivé par les massacres commis le 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Si le terme de "génocide" est apparu rapidement dans le débat juridique, quelques mois après le déclenchement des représailles israéliennes visant à "annihiler" le Hamas à Gaza et libérer les otages, cette guerre a longtemps été considérée par les alliés d'Israël comme relevant de la légitime défense.

Mais 19 mois plus tard, les dizaines de milliers de victimes, l'ampleur des destructions, la faim et les déplacements imposés à la population gazaouie, ainsi que les déclarations incendiaires de responsables israéliens ont entraîné un changement de ton des Européens.

Aucun dirigeant cependant n'est allé jusqu'à parler de génocide, à l'exception du président turc Recep Tayyip Erdogan.

"Mon opinion personnelle est que cela s'apparente fortement à un génocide. Je ne sais pas quelles autres horreurs doivent encore se produire avant que l'on ose utiliser ce mot", a déclaré le ministre belge des Affaires étrangères Maxime Prévot, en soulignant qu'il s'exprimait bien à titre personnel.

Le drame de Gaza fracture aussi en Israël et dans la communauté juive, certains utilisant désormais ce terme pour qualifier ce qui se déroule dans le territoire palestinien.

Israël, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l'ex-ministre de la Défense Yoav Gallant sont par ailleurs visés par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crime contre l'humanité, rejette catégoriquement des accusations "scandaleuses".

Un mandat d'arrêt a aussi été émis par la CPI à l'encontre du chef de la branche armée du Hamas, Mohammed Deif, retiré en février après sa mort.

Quels sont les enjeux juridiques et politiques d'une telle qualification? Est-elle pertinente pour mettre un terme à la tragédie?

Plus de 54.000 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans la campagne militaire israélienne de représailles à l'attaque du 7-Octobre, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.

Les massacres du 7-Octobre ont entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes alors enlevées, 57 restent retenues à Gaza, dont 34 déclarées mortes par l'armée.

Qui parle de génocide?

Du côté des organisations internationales, la FIDH (Fédération internationale des droits de l'Homme) a été la première en décembre 2023 à affirmer qu'Israël commettait un génocide, suivie par Amnesty International un an plus tard et Human Rights Watch (HRW).

Dans une décision retentissante en janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ), saisie par l'Afrique du Sud, a appelé Israël à prévenir tout acte de génocide, mettant en garde contre un "risque réel et imminent" de "préjudice irréparable" pour les Palestiniens.

Sans statuer sur le fond, la CIJ a pris en janvier, mars et mai 2024 des ordonnances conservatoires exigeant notamment qu'Israël permette l'accès de l'aide humanitaire et prévienne et punisse l'incitation au génocide. Ces ordonnances sont juridiquement contraignantes mais n'ont pas été exécutées par Israël.

A l'ONU, le chef des opérations humanitaires, Tom Fletcher, a exhorté mi-mai dans un discours choc les dirigeants mondiaux à "agir pour empêcher un génocide".

Des historiens israéliens comme Amos Goldberg ou Omer Bartov ont eux aussi évoqué un "génocide" à Gaza.

Dans un long récit publié en août 2024 dans The Guardian, M. Bartov, spécialiste américano-israélien renommé de la Shoah racontait comment il était arrivé à la conclusion, après l'offensive d'Israël sur Rafah dans le sud de la bande de Gaza, que son pays s'était rendu "coupable de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et d'actions génocidaires systématiques".

De quoi s'agit-il?

Le génocide, concept forgé en 1944 par le juriste juif polonais Raphaël Lemkin, est défini juridiquement dans la convention des Nations unies de 1948 comme un "crime commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux".

Pour qualifier un génocide, il faut établir la commission d'au moins un des cinq actes constitutifs (dont "le meurtre de membres du groupe" ou la "soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle"), et l'intentionnalité de l'acte.

Pour autant, soulignent tous les juristes interrogés par l'AFP, contrairement à l'idée admise que le génocide est le "crime des crimes", le droit international n'établit pas de hiérarchie: il est équivalent en terme de peine encourue au crime de guerre ou au crime contre l'humanité.

A Gaza, "nous assistons à une violence de masse à grande échelle infligée aux civils" estime Thijs Bouwknegt, expert de l'institut néerlandais NIOD. "Il y a une politique visant à faire en sorte que la population civile parte, ou meure", résume-t-il, sans pour autant conclure à ce stade à un génocide, même s'il y a "des marques caractéristiques".

"Il n'y a pas de doute que des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, ont été et sont en train d'être commis", souligne l'avocat franco-israélien Omer Shatz, citant les destructions massives, le blocus total de l'aide humanitaire imposé par Israël depuis le 2 mars -à peine allégé ces derniers jours- et les déplacements forcés de la population.

"Il n'y a pas besoin d'avoir un doctorat en droit pour voir qu'il n'y a plus d'infrastructures, plus d'écoles, plus d'hôpitaux, plus rien", poursuit-il.

"On peut constater, en tant que juristes, que les indicateurs du crime de génocide sont réunis, mais ce débat ne devrait pas retarder les priorités humanitaires immédiates", estime de son côté l'Association des juristes pour le respect du droit international (Jurdi).

Quelles implications immédiates?

La convention de 1948 inclut l'obligation pour tous les Etats parties de "prévenir" le génocide, c'est-à-dire de détecter les signaux avant que ces crimes aient effectivement lieu, et agir pour les empêcher, comme l'a rappelé la CIJ en 2024.

Si le texte ne précise pas par quels moyens, un large éventail de mesures existent pour faire pression: arrêt des livraisons d'armes, adoption de sanctions politiques ou économiques...

L'Union européenne va par exemple entamer un réexamen de l'accord d'association avec Israël, réclamé fin mai par plusieurs Etats membres.

"Il aurait fallu réagir beaucoup plus tôt. En Europe comme aux USA, où (l'ex-président Joe) Biden aurait pu dire stop à n'importe quel moment", commente Omer Shatz.

Mais certains pays comme l'Allemagne et les États-Unis, les deux principaux fournisseurs d'armes d'Israël, rejettent toute remise en cause de leur coopération militaire ou commerciale, s'attirant des accusations de complicité de génocide.

Berlin est ainsi poursuivi devant la CIJ par le Nicaragua, qui l'accuse de "faciliter la commission de ce génocide" via son "appui politique, financier et militaire à Israël".

Pour l'association Jurdi, "le même raisonnement" devrait être appliqué aux conflits en Ukraine et à Gaza. "L'UE en est à son 17e paquet de sanctions contre la Russie, parce qu'elle viole le droit international en s'accaparant un territoire par la force et en ciblant les civils et leurs infrastructures. C'est exactement ce qui se passe à Gaza".

Au final, l'adoption ou non de mesures fortes dépend essentiellement de la "bonne volonté" des alliés d'Israël, conclut-on à Jurdi. "En réalité, on est dans le domaine du politique, on n'est pas dans le domaine du juridique".

Une qualification pour l'Histoire

Le crime de génocide, rappelle Thijs Bouwknegt, est "incroyablement difficile" à établir, tant au niveau individuel qu'au niveau étatique, "car il faut prouver l'intention et démontrer que celle-ci est la seule explication possible à ce qui s'est passé".

Le spécialiste rappelle qu'il a fallu plus de 10 ans aux juges du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), établi en 1994, pour dresser le "constat judiciaire" du génocide des Tutsi du Rwanda, le reconnaître comme un fait établi et incontestable.

Un génocide peut être reconnu par un tribunal international, l'ONU ou les Etats eux-mêmes, mais cette qualification a suscité de nombreuses controverses. Par exemple, la Turquie admet des massacres d'Arméniens perpétrés par l'Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale mais récuse le terme de génocide, pourtant reconnu par une trentaine de pays.

C'est en raison de cette difficulté d'établir l'intention que l'avocat Omer Shatz a demandé en décembre 2024 auprès du procureur de la CPI d'engager des poursuites contre huit dirigeants israéliens pour "incitation publique et directe au génocide".

Dans le signalement de 170 pages remis à la CPI, sont recensées plusieurs déclarations après le 7 octobre 2023 de dirigeants, dont celle de l'ancien ministre de la défense Yoav Gallant évoquant le combat d'Israël contre des "animaux humains", ou du ministre d'extrême droite Bezalel Smotrich évoquant une "extermination totale" à Gaza.

Selon des experts, d'autres propos récents de M. Smotrich, fervent partisan du plan du président américain Donald Trump de déplacer de force les Palestiniens hors de la bande de Gaza, sont susceptibles de constituer une incitation au génocide. En mai, il a ainsi assuré que la population gazaouie, après avoir été déplacée vers le sud, commencerait à "partir en grand nombre vers des pays tiers".

Pour M. Shatz, "si on établit qu'il y a incitation, on établit l'intention".

In fine, c'est le juge qui qualifie le crime de génocide et peut entraîner des poursuites, insiste Mathilde Philip-Gay, spécialiste de justice pénale internationale et auteur de "Peut-on juger Poutine?".

"Le droit ne peut pas faire cesser une guerre. La justice va intervenir après la guerre. La qualification est très importante pour les victimes, mais elle interviendra plus tard", conclut-elle.