Justice: Dupond-Moretti défend sa loi à l'Assemblée dans un contexte éruptif

Le ministre français de la Justice Eric Dupond-Moretti part après une réunion du conseil interministériel des villes à l'hôtel Matignon à Paris le 30 juin 2023. (Photo Geoffroy Van der Hasselt / AFP)
Le ministre français de la Justice Eric Dupond-Moretti part après une réunion du conseil interministériel des villes à l'hôtel Matignon à Paris le 30 juin 2023. (Photo Geoffroy Van der Hasselt / AFP)
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Publié le Lundi 03 juillet 2023

Justice: Dupond-Moretti défend sa loi à l'Assemblée dans un contexte éruptif

  • Après un large soutien du Sénat le 13 juin, le garde des Sceaux entame dans l'après-midi ce débat au Palais Bourbon dans un contexte politique compliqué, avec les nuits d'émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel
  • M. Dupond-Moretti va défendre deux textes dans l'hémicycle jusqu'au 11 juillet: la programmation budgétaire 2023-2027 de son ministère et un volet "organique" sur le statut des magistrats

PARIS: L'Assemblée nationale s'empare lundi du projet de loi de programmation de la Justice d'Eric Dupond-Moretti, une trajectoire de hausse des postes et du budget qui s'annonçait plutôt consensuelle, mais qui prend un tour polémique avec les émeutes urbaines et leur sanction.

Après un large soutien du Sénat le 13 juin, le garde des Sceaux entame dans l'après-midi ce débat au Palais Bourbon dans un contexte politique compliqué, avec les nuits d'émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel, tué par un policier lors d'un contrôle routier.

Les arrestations se sont multipliées et la justice "tape fort", assure le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, tandis que droite et extrême droite dénoncent un "laxisme" passé.

"Il faut qu'il y ait des incarcérations quasi systématiques", a réclamé dimanche le patron de LR Eric Ciotti qui demande d'ajouter 5.000 nouvelles places de prison supplémentaires au plan prévu, pour atteindre un parc pénitentiaire de 80.000 places en 2027. Sinon "je ne voterai pas cette loi", a-t-il averti.

Embauche de 10.000 personnes

M. Dupond-Moretti va défendre deux textes dans l'hémicycle jusqu'au 11 juillet: la programmation budgétaire 2023-2027 de son ministère et un volet "organique" sur le statut des magistrats.

L'ex-avocat promet une hausse "inédite" du budget, établi à près de 11 milliards d'euros en 2027, contre 9,6 milliards aujourd'hui, et l'embauche de 10.000 personnes, dont 1.500 magistrats en cinq ans.

"L'objectif est simple: je veux diviser par deux l'ensemble des délais de justice d'ici à 2027", lance le ministre.

C'est "ambitieux, mais jouable", assure le député et rapporteur général du texte Jean Terlier (Renaissance), qui souligne ce qui a déjà "été réussi" en matière de justice pénale des mineurs: des "délais réduits de 18 mois à 8 mois" grâce à une réforme entrée en vigueur fin septembre 2021.

Le texte autorise aussi le gouvernement à réécrire par ordonnance le code de procédure pénale, dont beaucoup soulignent la complexité actuelle avec ses plus de 2.400 articles. Lancé en janvier, le chantier devrait durer au moins un an et demi et le ministre s'est engagé à ce que le nouveau code n'entre pas en vigueur avant d'avoir été ratifié au Parlement.

«Pas Big Brother»

Le très large article 3 du projet de loi fait controverse, avec sa batterie de mesures dont l'extension du recours aux perquisitions de nuit.

Point le plus décrié par la gauche, cet article permet d'activer à distance les téléphones portables et objets connectés de personnes visées dans des enquêtes pour terrorisme, délinquance et criminalité organisées, afin de capter images et son.

Ce n'est "pas Big Brother", insiste le co-rapporteur Erwan Balanant (MoDem), qui souligne que seules les affaires "les plus graves" sont concernées, "quelques dizaines" seulement, et que l'approbation d'un juge sera indispensable.

Mais des avocats et défenseurs des libertés publiques sont déjà montés au créneau contre une "atteinte à la vie privée".

A l'Assemblée, LFI est vent debout contre une mesure jugée "liberticide". Et la socialiste Cécile Untermaier s'inquiète d'une "mesure très intrusive".

La disposition devrait toutefois passer avec le soutien du camp présidentiel, de la droite et de l'extrême droite. Les députés ont renforcé des "garanties" avec davantage de professions "protégées" de toute captation: journalistes, médecins, notaires, huissiers, s'ajoutant aux avocats, magistrats et parlementaires.

Joutes verbales

Et dans le style tempétueux qui le caractérise, Eric Dupond-Moretti a fini par élever la voix en commission: "J'ai été avocat pénaliste toute ma vie. Vous ne croyez pas que j'ai attendu 62 ans pour devenir le type qui va tout démolir en termes de libertés!".

Les débats dans l'hémicycle donneront d'ailleurs l'occasion au garde des Sceaux de s'adonner aux joutes verbales dont il a le goût, particulièrement avec LFI ou le RN.

"King Kong, quand il vient au banc" des ministres, "c'est pas forcément un gage d'apaisement non plus", reconnaît une élue macroniste.

Habitué de l'exercice, l'Insoumis Ugo Bernalicis a déjà titillé le ministre en commission, en comparant son texte à la loi de programmation du ministère de l'Intérieur, la LOPMI.

En cumulé sur cinq ans, "vous avez obtenu moitié moins que Gérald Darmanin: 7,5 milliards, contre 15 milliards", lui a-t-il lancé.


Emeutes en Nouvelle-Calédonie: Macron convoque une réunion de crise

Un habitant masqué surveille des militants à l'entrée de Tuband, dans le quartier Motor Pool de Nouméa, le 15 mai 2024, au milieu de manifestations liées au débat sur un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections dans l'outre-mer français de Nouvelle-Calédonie. (AFP)
Un habitant masqué surveille des militants à l'entrée de Tuband, dans le quartier Motor Pool de Nouméa, le 15 mai 2024, au milieu de manifestations liées au débat sur un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections dans l'outre-mer français de Nouvelle-Calédonie. (AFP)
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  • Les dirigeants des Républicains ont demandé que le Conseil des ministres instaure mercredi l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie pour mettre fin aux émeutes
  • Le président Emmanuel Macron a convoqué mercredi matin une réunion de crise après une nouvelle nuit d'émeutes en Nouvelle-Calédonie

PARIS: Le président Emmanuel Macron a convoqué mercredi matin une réunion de crise après une nouvelle nuit d'émeutes en Nouvelle-Calédonie, qui a fait deux morts et des centaines de blessés, ont annoncé ses services.


La mairie de Paris demande au préfet d'interdire les maraudes d'ultradroite «  discriminatoires  »

Dans le reportage, une vingtaine de membres du groupuscule Luminis proposent, lors d'une maraude nocturne dans la capitale, des aliments contenant du porc, et uniquement à certains sans-abri. (AFP).
Dans le reportage, une vingtaine de membres du groupuscule Luminis proposent, lors d'une maraude nocturne dans la capitale, des aliments contenant du porc, et uniquement à certains sans-abri. (AFP).
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  • Le reportage donne à voir "le pire de l'humanité: le tri dans la solidarité, le tri en fonction de l'ethnie, le tri en fonction de la religion", écrivent Emmanuel Grégoire et Léa Filoche, respectivement premier adjoint et adjointe aux solidarités
  • Dans le reportage, une vingtaine de membres du groupuscule Luminis proposent, lors d'une maraude nocturne dans la capitale, des aliments contenant du porc, et uniquement à certains sans-abri

PARIS: Deux adjoints de la maire de Paris Anne Hidalgo ont demandé mardi au préfet de police Laurent Nunez d'interdire les maraudes "discriminatoires" dans la capitale, menées par des groupes d'ultradroite aux propos "ouvertement racistes", après un reportage de BFMTV.

Le reportage en question donne à voir "le pire de l'humanité: le tri dans la solidarité, le tri en fonction de l'ethnie, le tri en fonction de la religion", écrivent Emmanuel Grégoire et Léa Filoche, respectivement premier adjoint et adjointe aux solidarités, dans un courrier transmis à l'AFP.

Dans le reportage, une vingtaine de membres du groupuscule Luminis proposent, lors d'une maraude nocturne dans la capitale, des aliments contenant du porc, et uniquement à certains sans-abri.

"On ne donne qu'aux Blancs", dit ainsi une jeune femme. "Les noirs évidemment et les arabes, on ne leur donne pas."

Des propos "extrêmement choquants, ouvertement racistes et discriminatoires" pour les deux adjoints, "qui sont de nature, selon nous, à relever d'une qualification pénale et salissent en tout état de cause l'image de notre ville, tout en étant susceptibles de troubler l'ordre public".

Les deux élus de gauche rappellent qu'en 2007, le Conseil d'Etat avait interdit la distribution des "soupes au cochon", une "façon détournée des extrémistes de droite d'exclure les musulmans".

Le groupuscule suivi par BFMTV "va plus loin en revendiquant son racisme et justifiant ces pratiques discriminatoires", s'alarment-ils.

Les élus de la municipalité demandent à Laurent Nunez et au ministre de l'Intérieur de "prendre les mesures d'interdiction de ce genre de distributions alimentaires qui sont plus sûrement des opérations de promotion de la haine que de solidarité".

Samedi, plusieurs centaines de militants d'ultradroite ont défilé à Paris. La préfecture de police de Paris avait pourtant interdit cette manifestation annuelle en arguant d'un risque de troubles à l'ordre public, mais le tribunal administratif de Paris a suspendu cette mesure.


Nouvelle-Calédonie: un mort lors d'une nouvelle nuit d'émeutes, lés députés votent la révision constitutionnelle

Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l'ordre, sillonnaient la ville. (AFP).
Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l'ordre, sillonnaient la ville. (AFP).
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  • Plusieurs bâtiments publics de Nouméa ont brûlé dans la nuit, a constaté un correspondant de l'AFP
  • Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l'ordre, sillonnaient la ville

NOUMEA: Une personne a été tuée par balle dans la nuit de mardi à mercredi lors d'une deuxième nuit consécutive d'émeutes en Nouvelle-Calédonie, alors que les députés votaient à Paris la révision constitutionnelle du corps électoral à l'origine de la colère du camp indépendantiste.

Selon le représentant de l'Etat dans l'archipel français du Pacifique Sud, cette personne, touchée par des tirs avec deux autres personnes, est décédée des suites de ses blessures à l'hôpital de Nouméa.

Le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, a précisé devant la presse que la victime n'avait pas été victime "d'un tir de la police ou de la gendarmerie, mais de quelqu'un qui a certainement voulu se défendre".

Malgré le couvre-feu mis en place dans la principale ville du territoire dès 18h00 locales mardi (9h00 à Paris), les graves violences qui ont débuté lundi dans l'archipel ont repris dès la nuit tombée, marquée par de nombreux incendies, pillages et  échanges de tirs, y compris contre les forces de l'ordre.

Plusieurs bâtiments publics de Nouméa ont brûlé dans la nuit, a constaté un correspondant de l'AFP.

Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l'ordre, sillonnaient la ville.

"On est dans une situation que je qualifierais d'insurrectionnelle", a déploré M. Le Franc, "L'heure doit être à l'apaisement (...) l'appel au calme est impératif", a-t-il insisté. "Je vous laisse imaginer ce qui va se passer si des milices se mettaient à tirer sur des gens armés".