Des rabbins américains perturbent une réunion de l’ONU en soutien à Gaza

Le siège des Nations unies vu de l’intérieur de la salle de l’Assemblée générale, le 21 septembre 2021 ( Photo, AP).
Le siège des Nations unies vu de l’intérieur de la salle de l’Assemblée générale, le 21 septembre 2021 ( Photo, AP).
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Publié le Mercredi 10 janvier 2024

Des rabbins américains perturbent une réunion de l’ONU en soutien à Gaza

  • Les 36 rabbins, venus de plusieurs États, ont chanté, prié, récité des extraits de la déclaration des droits de l’homme de l’ONU et organisé un service commémoratif
  • Ils ont brandi des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Biden: le monde exige un cessez-le-feu» et ont appelé le président américain à «cesser de mettre son veto à la paix»

NEW YORK: Des dizaines de rabbins américains ont perturbé mardi une réunion de l’Assemblée générale de l’ONU à New York pour exiger que Washington cesse d’empêcher le Conseil de sécurité de l’ONU de prendre des mesures urgentes en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza.

Au cours de leur manifestation – menée par l’organisation Rabbis 4 Ceasefire et coorganisée par Jews for Racial and Economic Justice, Jewish Voice for Peace et IfNotNow –, les 36 rabbins, venus de plusieurs États, ont chanté, prié, récité des extraits de la déclaration des droits de l’homme de l’ONU et organisé un service commémoratif. Ils ont brandi des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Biden: le monde exige un cessez-le-feu» et ont appelé le président américain à «cesser de mettre son veto à la paix».

Après avoir été escortés hors des locaux par le personnel de sécurité, ils ont tenu une conférence de presse devant le siège de l’ONU. Alissa Wise, rabbin qui a fondé Rabbis 4 Ceasefire, a déclaré qu’ils regardaient avec horreur le gouvernement américain «bloquer, à lui seul, les efforts qui visent à mettre fin aux bombardements israéliens et à la famine à Gaza».

Elle a ajouté: «Nous savons qu’il n’existe pas de solution militaire à cette violence. Nous prions ici parce que l’ONU est le lieu où une action diplomatique significative peut avoir lieu pour mettre fin à la violence et parce que la prière est pour nous, rabbins, un moyend’exprimer nos peurs, nos rêves, nos espoirs et notre désespoir.»

Le rabbin Abby Stein, membre de l’association Jews For Racial and Economic Justice, a soutenu que l’ONU a été créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste nazi contre le peuple juif avec l’intention de garantir qu’une telle atrocité ne se reproduise plus jamais.

«Je suis ici en tant que juive, en tant que rabbin, en tant que petite-fille de trois survivants de l’Holocauste, pour exhorter l’ONU à poursuivre cette noble mission», a-t-elle insisté. Plus jamais pour personne.»

Les États Unis défendent «l’indéfendable»

Le rabbin Elliot Kukla a affirmé quant à lui: «Les États-Unis défendent l’indéfendable lors d’une Assemblée générale, utilisant leur droit de veto pour empêcher l’ONU de prendre des mesures significatives en faveur d’un cessez-le-feu.»

«Je suis ici en tant que rabbin parce que la tradition juive exige que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour sauver des vies, ce qui signifie apporter une aide humanitaire aux Palestiniens qui sont déplacés, qui meurent de faim et qui n’ont aucun endroit sûr où s’abriter alors que les obus pleuvent.»

«Notre gouvernement refuse de répondre à cette demande extrêmement populaire; nous sommes venus ici directement pour nous représenter nous-mêmes et représenter nos valeurs juives.»

La réunion de mardi intervient après que les États-Unis ont utilisé leur droit de veto face à une proposition de la Russie qui vise à modifier une résolution du Conseil de sécurité pour inclure un appel à un cessez-le-feu à Gaza.

Le 22 décembre, le conseil a adopté une résolution rédigée par les Émirats arabes unis appelant à l’acheminement d’une aide accrue vers la bande de Gaza, avec des mesures urgentes, notamment un accès humanitaire sûr, sans entrave et élargi au territoire. Les États-Unis se sont abstenus lors du vote des 15 membres du conseil, mais ils n’ont pas utilisé leur droit de veto et la résolution a donc été adoptée.

La Russie avait proposé un amendement à la résolution, appelant à «une cessation urgente et durable des hostilités». Les États-Unis ont utilisé leur droit de veto face à ce changement proposé.

Une résolution de l’Assemblée générale stipule que, chaque fois qu’un membre du Conseil de sécurité utilise son pouvoir de veto, cela déclenche une réunion et un débat au sein de l’assemblée pour discuter de cette décision.

Robert Wood, représentant permanent adjoint des États-Unis auprès de l’ONU, a soulignéque, même si les États-Unis se sont abstenus lors du vote, ils ont néanmoins contribué «de bonne foi» à l’élaboration d’une résolution forte.

«Ce travail soutient la diplomatie directe dans laquelle les États-Unis sont engagés pour acheminer davantage d’aide humanitaire à Gaza et faire sortir les otages de Gaza», a-t-ilajouté.

Faisant allusion à l’amendement russe, M. Wood a accusé Moscou d’avancer des idées «déconnectées de la réalité sur le terrain».

Il a déclaré qu’il était «profondément troublant qu’autant d’États membres semblent avoir cessé de parler du sort des plus de 100 otages détenus par le Hamas et d’autres groupes. Les États-Unis restent déterminés à rapatrier tous les otages sans exception».

Il a poursuivi en ces termes: «Même si nous entendons de nombreux pays demander la fin de ce conflit – ce que nous aimerions tous voir –, nous entendons très peu d’appels à son initiateur – le Hamas – de cesser de se cacher derrière des civils et de déposer les armes.»

«Le conflit aurait pris fin si les dirigeants du Hamas avaient fait cela. Il nous faudrait une voix internationale forte pour inciter les dirigeants du Hamas à faire le nécessaire en vue de mettre fin au conflit qu’ils ont déclenché le 7 octobre.»

Riyad Mansour, l’observateur permanent de l’État de Palestine auprès de l’ONU, a affirmé qu’il se tenait devant l’Assemblée générale pour «représenter un peuple massacré, avec des familles entièrement tuées, des hommes et des femmes abattus dans les rues, des milliers de personnes enlevées, torturées et humiliées, des enfants tués, amputés, orphelins – traumatisés à vie».

Il est incompréhensible, a-t-il ajouté, que le Conseil de sécurité ne puisse appeler à un cessez-le-feu humanitaire immédiat, alors que c’est exactement ce qu’exigent 153 États membres de l’Assemblée générale et le secrétaire général de l’ONU.

La «guerre d’atrocités» menée par Israël est sans précédent dans l’histoire moderne, a souligné M. Mansour. «Il ne s’agit pas de la sécurité israélienne, mais de la destruction de la Palestine», a-t-il renchéri. «Les intérêts et les objectifs de ce gouvernement israélien extrémiste sont clairs et incompatibles avec ceux de tout pays qui soutient le droit international et la paix.»

Schizophrénie 

«Comment pouvez-vous concilier votre opposition aux atrocités et votre veto à un appel à mettre fin à la guerre?», a-t-il demandé.

Appelant à mettre fin à «cette schizophrénie», il a lancé: «N’appelez pas à la paix en attisantle feu. Si vous voulez la paix, commencez par un cessez-le-feu. Immédiatement.»

L’ambassadeur d’Israël auprès de l’ONU, Gilad Erdan, a dénoncé les appels au cessez-le-feu alors que les otages israéliens sont toujours en captivité.

«Je me demande à quel point ce corps est moralement en faillite. Il déclare que «malgré la pourriture morale de l’ONU», les citoyens d’Israël sont résilients, dotés de la foi, de l’espoir et d’une détermination inébranlable pour se défendre.

Il a accusé l’ONU de faire abstraction des victimes israéliennes du conflit, de se soucier uniquement des habitants de Gaza et de devenir «complice des terroristes». Par ailleurs, il a soutenu que l’organisation avait perdu sa raison d’être.

L’ONU «est uniquement obsédée par le bien-être des habitants de Gaza», ceux qui ont portéle Hamas au pouvoir et soutenu les atrocités du groupe. Vous occultez toutes les victimes israéliennes», a affirmé M. Erdan.

La représentante permanente adjointe de la Russie auprès de l’ONU, Anna Evstigneeva, a estimé que l’utilisation par les États-Unis de leur veto au Conseil de sécurité le 22 décembre les rendait coupables d’avoir joué un «jeu malhonnête» dans leur tentative de protéger Israël contre ses actions à Gaza.

En recourant au chantage et à l’intimidation, a-t-elle déclaré, les États-Unis ont donné à Israël l’autorisation de continuer à tuer des Palestiniens, lui accordant leur bénédiction pour «l’extermination en cours des Gazaouis», raison pour laquelle Moscou avait proposé son amendement.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La France se dit « prête à concourir à la sécurité des distributions alimentaires » à Gaza

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. (Photo AFP)
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. (Photo AFP)
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  • La France, ainsi que l'Europe, "se tiennent prêtes à contribuer à la sécurité des distributions alimentaires" dans la bande de Gaza en guerre, a déclaré samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.
  • Le ministre n’a pas précisé la nature exacte de cette assistance, mais a exprimé sa "colère" face aux "500 personnes" ayant perdu la vie lors de distributions alimentaires récentes à Gaza.

PARIS : La France, ainsi que l'Europe, "se tiennent prêtes à contribuer à la sécurité des distributions alimentaires" dans la bande de Gaza en guerre, a déclaré samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.

Cette initiative viserait à répondre à la préoccupation israélienne concernant le détournement de l’aide humanitaire par des groupes armés, faisant allusion au Hamas sans le nommer.

Le ministre n’a pas précisé la nature exacte de cette assistance, mais a exprimé sa "colère" face aux "500 personnes" ayant perdu la vie lors de distributions alimentaires récentes à Gaza.

Israël a partiellement assoupli fin mai un blocus total imposé depuis début mars, qui avait provoqué de graves pénuries de nourriture, médicaments et autres biens essentiels.

Un mécanisme de distribution piloté par la "Fondation humanitaire de Gaza" (GHF), soutenue par Israël et les États-Unis, a été mis en place, mais ses opérations ont donné lieu à des scènes chaotiques et meurtrières.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, près de 550 personnes ont été tuées et plus de 4 000 blessées dans les files d’attente depuis le lancement des opérations de la GHF fin mai.

La Défense civile de Gaza a par ailleurs rapporté vendredi la mort de 80 personnes dans des frappes ou tirs israéliens, dont 10 tuées alors qu’elles attendaient de l’aide humanitaire. L’armée israélienne nie catégoriquement avoir tiré sur des civils dans ces circonstances et examine ces allégations.

Après un cessez-le-feu entré en vigueur mardi avec l’Iran, le chef d’état-major israélien, le lieutenant-général Eyal Zamir, a indiqué que l’armée restait concentrée sur Gaza "pour ramener les otages et démanteler le régime du Hamas".

La guerre a débuté avec une attaque sans précédent du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, qui a fait 1 219 morts israéliens, principalement civils, selon un décompte AFP basé sur des données officielles. Parmi eux, 49 personnes ont été enlevées à Gaza, dont 27 déclarées mortes par l’armée israélienne.

De leur côté, plus de 56 412 Palestiniens, majoritairement civils, ont péri lors des représailles militaires israéliennes dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas, chiffres jugés fiables par l’ONU.


La France entend jouer "un rôle central" sur le nucléaire iranien

Des amendements ont assoupli le texte initial, en permettant que les drapeaux puissent être hissés à proximité des mairies ou sur leurs toits et surtout en exemptant les communes de moins de 1 500 habitants de l'obligation de pavoisement, pour des raisons financières (Photo, AFP).
Des amendements ont assoupli le texte initial, en permettant que les drapeaux puissent être hissés à proximité des mairies ou sur leurs toits et surtout en exemptant les communes de moins de 1 500 habitants de l'obligation de pavoisement, pour des raisons financières (Photo, AFP).
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  • "Si l'Iran refuse de négocier de bonne foi un encadrement strict et durable de son programme nucléaire,a déclaré le ministre.
  • Le mécanisme de réimposition des sanctions expirera le 18 octobre 2025.

PARIS : La France et ses principaux partenaires européens entendent jouer "un rôle central" dans les négociations sur le nucléaire iranien, en raison notamment de leur capacité à réimposer des sanctions contre Téhéran, a averti samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.

"Si l'Iran refuse de négocier de bonne foi un encadrement strict et durable de son programme nucléaire, la France, avec ses partenaires européens, peut, par une simple lettre, rétablir l'embargo mondial sur les armes, les équipements nucléaires, ainsi que sur les banques et les assurances", a-t-il déclaré.

Ce pouvoir de réactiver les sanctions appartient à chacun des signataires de l'accord de Vienne de 2015, appelé JCPOA ("Joint Comprehensive Plan of Action"), à savoir la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Chine et la Russie ,à l’exclusion des États-Unis, qui s'en sont retirés en 2018 sous la présidence de Donald Trump.

"C'est pourquoi nous jouons un rôle central dans ces négociations", a insisté M. Barrot, exprimant le souhait qu’un dialogue s’instaure entre l’Iran et les États-Unis, "qui tienne compte des exigences qui sont les nôtres" concernant l’activité nucléaire iranienne, soupçonnée par une grande partie de la communauté internationale de viser l’arme nucléaire, ce que Téhéran dément.

Le mécanisme de réimposition des sanctions expirera le 18 octobre 2025.

M. Barrot a également souligné que "ces derniers mois, le sort de nos otages a été au cœur des discussions avec les autorités iraniennes", en référence à Cécile Kohler, 40 ans, et à son compagnon Jacques Paris, arrêtés en mai 2022 à la fin d’un voyage touristique en Iran et accusés d’espionnage. Paris les considère comme des "otages" et réclame leur libération immédiate.

"J'ai demandé récemment qu’un contact soit établi avec eux, par notre consulat ou leurs familles. J’attends toujours une réponse claire, et je dois dire que je commence à m’impatienter", a-t-il ajouté. "Nous continuerons à accentuer la pression. Et comme vous avez sans doute pu le constater, nous disposons de leviers considérables vis-à-vis de l'Iran", a conclu le ministre.


Au Maroc, un projet ambitieux pour connecter le Sahel à l'Atlantique

Construction du port atlantique de Dakhla, situé à 40 km au nord de la ville de Dakhla, dans une zone relevant de la compétence de la commune rurale d'El-Argoub à Dakhla, dans le Sahara occidental contesté, principalement contrôlé par le Maroc, le 26 mai 2025 (Photo par Abdel Majid BZIOUAT / AFP)
Construction du port atlantique de Dakhla, situé à 40 km au nord de la ville de Dakhla, dans une zone relevant de la compétence de la commune rurale d'El-Argoub à Dakhla, dans le Sahara occidental contesté, principalement contrôlé par le Maroc, le 26 mai 2025 (Photo par Abdel Majid BZIOUAT / AFP)
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  • L'« Initiative Atlantique », annoncée en novembre 2023 par le roi du Maroc, vise à donner au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, tous enclavés, un accès à l'océan.
  • Cette annonce intervient dans un contexte géopolitique mouvant : entre 2020 et 2023, des coups d'État ont frappé ces trois pays.

MAROC : Le projet colossal de permettre aux pays du Sahel d'accéder à sa façade atlantique via des milliers de kilomètres de corridors logistiques terrestres est poursuivi par le Maroc, non sans défis, dans une région en pleine recomposition et minée par les violences jihadistes.

L'« Initiative Atlantique », annoncée en novembre 2023 par le roi du Maroc, vise à donner au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, tous enclavés, un accès à l'océan. Un projet qui, selon Mohammed VI, « transformera substantiellement l'économie de ces pays et de toute la région ».

Rabat ferait ainsi d'une pierre plusieurs coups : étendre son influence en Afrique, développer le territoire disputé du Sahara occidental dont la majeure partie est contrôlée par le Maroc mais revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l'Algérie, et damer le pion à Alger dont les relations avec le Mali, le Niger et le Burkina se sont dégradées.

Cette annonce intervient dans un contexte géopolitique mouvant : entre 2020 et 2023, des coups d'État ont frappé ces trois pays, et les régimes militaires qui y ont pris le pouvoir ont tourné le dos à l'Occident pour se rapprocher de la Russie.

Au même moment, certaines décisions de l'Union africaine et d'organismes régionaux comme la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) contribuaient à isoler les nouveaux régimes.

Or, fin avril à Rabat, le ministre des Affaires étrangères du Niger, Bakary Yaou Sangaré, a affirmé que le Maroc était « l'un des tout premiers pays auprès de qui on a trouvé la compréhension, au moment où la CEDEAO et d'autres pays étaient sur le point de nous livrer la guerre ».

Au regard de la situation, « l'initiative royale est une aubaine pour nos pays », a-t-il assuré après avoir été reçu par Mohammed VI en compagnie des ministres des Affaires étrangères du Burkina et du Mali. 

Actuellement, pour ses échanges commerciaux, l'AES s'appuie sur des ports situés dans plusieurs pays de la CEDEAO (Bénin, Togo, Sénégal, Côte d'Ivoire, Ghana), mais les tensions régionales peuvent compliquer l'accès à ces ports.

Le projet intervient également à un moment où les relations entre l'AES et son voisin algérien se tendent : les pays de l'alliance ont récemment rappelé leurs ambassadeurs à Alger, accusant les autorités algériennes d'avoir abattu un drone malien.

En outre, selon Beatriz Mesa, professeure à l'université internationale de Rabat, les mécanismes sécuritaires européens tels que Barkhane ou Takuba ont « échoué » en Afrique.

Le Maroc, qui se positionne dans une « triangularité » avec l'Afrique et l'Occident, est en train de « rentabiliser ces échecs en se positionnant comme partenaire fiable de l'Europe dans le Sud global », analyse-t-elle.

Après les grandes annonces, reste la question de la faisabilité et du financement. 

D'après la revue Afrique(s) en mouvement, qui réunit plusieurs experts, des pays comme les États-Unis, la France ou des États du Golfe, qui ont publiquement soutenu l'initiative marocaine, sont de potentiels bailleurs pour ce projet colossal.

Selon Abdelmalek Alaoui, président de l'Institut marocain d'intelligence stratégique (Imis), un réseau terrestre entre le Maroc et le Tchad, qui passerait par la Mauritanie, pourrait coûter près d'un milliard de dollars (environ 930 millions d'euros).

Le tracé reste pour l'instant flou, mais le Tchad, qui semble « un peu en retrait » dans le projet par rapport à l'AES, est distant de quelque 3 000 kilomètres du Maroc, souligne Seidik Abba, président du Centre international d'études et de réflexions sur le Sahel (CIRES). 

Il y a donc « encore des étapes à franchir », puisque pour l'instant, le « réseau routier ou ferroviaire n'existe pas », dit cet expert nigérien, relevant aussi le manque de parc automobile dans la région.

Selon Rida Lyammouri du Policy Center for the New South, un groupe de réflexion marocain, « une nouvelle route terrestre » entre le Maroc et la Mauritanie est « presque finalisée », et Nouakchott mène des travaux sur son territoire pour garantir la continuité du corridor.

Mais la question des routes dépend surtout de la sécurité au Sahel. « Si vous avez des escarmouches, de facto, vos travaux s'arrêtent », pointe M. Alaoui, alors que la région est en proie à des attaques persistantes de groupes jihadistes.

Concernant l'import-export, le futur port en eau profonde « Dakhla Atlantique », conçu dans le cadre du développement du Sahara occidental, sera mis à disposition de l'initiative marocaine.

Lancé fin 2021, ce chantier de 1,2 milliard d'euros, situé à El Argoub, au cœur du territoire, affiche un taux d'avancement de 38 %. La fin des travaux est prévue pour 2028.