Craintes pour le sud de Gaza, au cœur des affrontements

Des régions entières de Gaza ne sont plus qu'un amas de gravats (Photo, AFP).
Des régions entières de Gaza ne sont plus qu'un amas de gravats (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 05 décembre 2023

Craintes pour le sud de Gaza, au cœur des affrontements

  • Depuis la reprise des combats le 1er décembre à l'expiration d'une trêve de sept jours, l'armée israélienne pilonne le sud du petit territoire surpeuplé de 2,4 millions d'habitants, faisant de très nombreux morts et blessés
  • Des dizaines de chars, de transports de troupes et de bulldozers israéliens sont entrés dans le sud du territoire palestinien à proximité de Khan Younès, où s'entassent une partie des civils sommés par Israël de fuir le nord de Gaza

JERUSALEM: Après des semaines de combat contre le Hamas dans le nord de Gaza, l'armée israélienne intensifie mardi son déploiement dans le sud du territoire, faisant craindre un "scénario encore plus infernal" pour les civils.

Engagée depuis le 27 octobre dans une campagne terrestre dans le nord du territoire palestinien assiégé, l'armée israélienne a élargi ses opérations au sol à l'ensemble de la bande de Gaza, avec des tanks déployés près de Khan Younès, nouvel épicentre des tensions.

L'armée israélienne avait demandé au début de son opération terrestre à la population du nord de Gaza de migrer vers le sud du territoire, devenu encore plus densément peuplé avec l'afflux de centaines de milliers de ces déplacés.

Dans la nuit, des témoins ont fait état à l'AFP de violents combats près de Khan Younès et de raids aériens vers Rafah, à la pointe sud du territoire, tandis que l'agence palestinienne Wafa a rapporté "plusieurs" morts dans une frappe à Gaza-ville, plus au nord.

Des organisations internationales s'alarment des risques pour les civils à Gaza, où "tous les services de télécommunications" sont à l'arrêt, en raison "d'une coupure des principaux réseaux de fibre du côté israélien", selon le groupe de télécoms palestiniens Paltel

Gaza: «Un scénario encore plus infernal» se profile, alerte l'ONU

Depuis la reprise des hostilités le 1er décembre après une trêve de sept jours, "les opérations militaires israéliennes se sont étendues au sud de Gaza, forçant des dizaines de milliers d'autres personnes à fuir dans des espaces de plus en plus concentrés, avec un besoin désespéré de nourriture, d'eau, d'abris et de sécurité", a déclaré dans un communiqué Lynn Hastings, coordinatrice humanitaire de l'ONU pour les Territoires palestiniens.

"Les conditions nécessaires pour fournir de l'aide à la populations de Gaza n'existent pas. Si c'est possible, un scénario encore plus infernal est sur le point de se réaliser, auquel les opérations humanitaires ne pourront peut-être pas répondre", a-t-elle ajouté.

"Personne n'est en sécurité à Gaza et il ne reste plus nulle part où aller", a insisté la Canadienne, rejetant dans ces conditions l'idée de "zones sûres" évoquées par les Etats-Unis. Ces zones ne peuvent être "ni sûres ni humanitaires quand elles sont déclarées unilatéralement", a-t-elle dit.

Lundi, les militaires ont dit agir "avec force" à Khan Younès, où ils ont largué des tracts sur certains quartiers avertissant qu'"une terrible attaque est imminente" et ordonnant aux habitants d'en partir.

Des dizaines de chars, de transports de troupes et de bulldozers israéliens sont entrés dans le sud du territoire palestinien à proximité de Khan Younès, où s'entassent une partie des civils, ont indiqué des témoins à l'AFP.

Amine Abou Hola, 59 ans, a raconté que ces véhicules étaient entrés "sur une profondeur de deux kilomètres", dans le village d'al-Qarara, au nord de Khan Younès.

Israël nie avoir demandé à l'OMS de vider un entrepôt d'aide à Gaza

"Aujourd'hui, l'OMS a reçu une notification des Forces de défense israéliennes pour retirer nos fournitures de notre entrepôt médical dans le sud de la bande de Gaza dans les 24 heures, car les opérations au sol le rendront inutilisable", a annoncé le patron de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus, sur le réseau social X (ex-Twitter).

"Nous demandons à Israël de retirer cet ordre et de prendre toutes les mesures possibles pour protéger les civils et les infrastructures civiles, y compris les hôpitaux et les installations humanitaires", a-t-il ajouté.

L'organe de la Défense israélienne supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens (Cogat) a répondu à ce tweet par un autre.

"La vérité est que nous n'avons pas demandé à évacuer les entrepôts et nous l'avons signifié clairement et par écrit aux responsables compétents de l'ONU. Nous nous attendons de la part d'un responsable de l'ONU qu'il soit au moins exact (dans ses propos)", a indiqué le (Cogat).

Lundi, les militaires ont dit agir "avec force" à Khan Younès, où ils ont largué des tracts sur certains quartiers avertissant qu'"une terrible attaque est imminente" et ordonnant aux habitants d'en partir.

Des dizaines de chars, de transports de troupes et de bulldozers israéliens sont entrés dans le sud du territoire palestinien à proximité de Khan Younès, où s'entassent une partie des civils, ont indiqué des témoins à l'AFP.

Amine Abou Hola, 59 ans, a raconté que ces véhicules étaient entrés "sur une profondeur de deux kilomètres", dans le village d'al-Qarara, au nord de Khan Younès.

Dans un quartier dévasté de Rafah, ville frontalière de l'Egypte où les militaires israéliens ont dit chercher à détruire des tunnels souterrains du Hamas, des survivants fouillaient lundi les décombres.

"Nous étions à la maison, nous avons entendu un énorme bruit et des choses ont commencé à nous tomber dessus, c'était comme un tremblement de terre. Nous n'avions jamais vu cela auparavant, la terre a tremblé et le son était si fort", a témoigné un rescapé, Abou Jahar al-Hajj.

Deux civils, un Hamas

Le ministère de la Santé du Hamas a affirmé lundi que 15.899 personnes, à 70% des femmes ainsi que des enfants et adolescents, ont été tuées depuis le début des bombardements israéliens sur la bande de Gaza le 7 octobre.

Environ deux civils ont été tués pour chaque combattant du Hamas mort dans la bande de Gaza, ont affirmé lundi de hauts responsables militaires israéliens, sous couvert d'anonymat.

"Il faut espérer que ce ratio sera beaucoup plus bas dans la prochaine phase de la guerre", a indiqué un de ses responsables, ajoutant qu'un logiciel de cartographie de haute technologie avait été déployé pour tenter de réduire le nombre de morts parmi les non-combattants.

En Israël, l'attaque menée le 7 octobre par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza a fait 1.200 morts, en majorité des civils, selon les autorités.

En représailles, Israël a déclaré la guerre au Hamas et promis de détruire le mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza. L'armée a annoncé mardi matin le décès de trois de ses soldats la veille pour porter le bilan à 78 depuis le début de l'offensive terrestre.

D'après l'armée, 137 otages sont toujours retenus à Gaza, 105 ayant été relâchés pendant une trêve récente d'une semaine, dont 80 en échange de 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Les efforts pour prolonger la trêve ont échoué en partie parce que le Hamas ne voulait pas que des femmes otages révèlent ce qu'elles avaient subi, selon un responsable américain, des accusations rejetées par le mouvement islamiste.


Selon les États-Unis, les Houthis auraient lancé quatre drones et missiles sur le golfe d’Aden

Les Houthis présentent leur arsenal de missiles lors d’un défilé militaire marquant le neuvième anniversaire de leur prise de contrôle de Sanaa, le 21 septembre 2023. (Reuters)
Les Houthis présentent leur arsenal de missiles lors d’un défilé militaire marquant le neuvième anniversaire de leur prise de contrôle de Sanaa, le 21 septembre 2023. (Reuters)
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  • Yahya Sarea, porte-parole militaire des Houthis, qui confirme régulièrement les attaques contre des navires, n’a revendiqué aucune frappe au nom de la milice depuis vendredi
  • Au cours des six derniers mois, les Houthis ont coulé un navire, en ont saisi un autre et ont lancé des centaines de missiles balistiques, de drones et de bateaux télécommandés

AL-MOUKALLA: Le commandement central américain a déclaré que la milice houthie au Yémen a lancé, lundi et mardi, trois drones et un missile balistique antinavire sur des navires commerciaux et navals internationaux dans le golfe d’Aden.

Le groupe a lancé, lundi, trois véhicules aériens sans pilote depuis le Yémen vers le golfe d’Aden. L’un des drones a été détruit par des navires de la coalition maritime dirigée par les États-Unis, les forces du commandement central en ont détruit un autre et le troisième a coulé en mer, sans causer de dégâts, indique l’armée américaine.

Tôt mardi, les Houthis ont lancé un missile balistique antinavire au-dessus du golfe d’Aden, sans pour autant cibler les navires de guerre ou commerciaux dans les voies maritimes clés près du Yémen.

«Il s’est avéré que ces armes représentaient une menace imminente à la fois pour les forces de la coalition et pour les navires marchands dans la région», précise le commandement central américain.

L’UK Maritime Trade Operations, qui surveille les attaques contre les navires, a reçu, mardi, une alerte du capitaine d’un navire, faisant état de deux explosions à proximité du navire au large des côtes du Yémen, près de la ville méridionale d’Aden.

Yahya Sarea, porte-parole militaire des Houthis, qui confirme régulièrement les attaques contre des navires, n’a revendiqué aucune frappe au nom de la milice depuis vendredi.

Au cours des six derniers mois, les Houthis ont coulé un navire, en ont saisi un autre et ont lancé des centaines de missiles balistiques, de drones et de bateaux télécommandés ciblant des navires commerciaux et militaires internationaux dans les eaux au large des côtes du Yémen et dans l’océan Indien. Les Houthis affirment que leur objectif est de faire pression sur Israël afin qu'il mette fin à sa guerre contre le Hamas à Gaza.

Les États-Unis ont riposté, en janvier, aux attaques des Houthis, en réintégrant le groupe sur leur liste des organisations terroristes étrangères, dont il avait été retiré en février 2021, en organisant une coalition de forces navales pour protéger la mer Rouge et en lançant des frappes contre des positions houthies au Yémen.

Mahdi al-Mashat, chef du Conseil politique suprême des Houthis, a déclaré, mardi, lors d’un exercice de tir réel à Sanaa que les États-Unis avaient proposé des incitatifs au groupe en échange de l’arrêt de ses attaques contre les navires. Cependant, le groupe a promis que les attaques contre les navires ayant des liens avec Israël se poursuivraient, ainsi que les efforts visant à prendre le contrôle des parties du Yémen qui restent sous le contrôle du gouvernement.

«Nous poursuivrons nos activités… jusqu’à ce que l’ensemble du territoire national de notre pays soit libéré et que le blocus et l’injustice imposés à notre peuple à Gaza soient levés», a-t-il déclaré.

Parallèlement, les organisations locales et internationales de journalistes ont exhorté les Houthis à enquêter sur la tentative d’assassinat d’un journaliste yéménite mardi à Sanaa.

Le Syndicat des journalistes yéménites a déclaré que Mohammed Shubaita, secrétaire général de l’organisation et secrétaire général adjoint de la Fédération des journalistes arabes, a reçu une balle dans la jambe et dans le ventre. Il reçoit actuellement des soins dans un hôpital de Sanaa. Un proche qui l’accompagnait a été tué dans l’attaque, alors qu’un autre a été blessé.

«Le Syndicat des journalistes condamne fermement cette attaque ignoble et tient les autorités de facto de Sanaa entièrement responsables de la sécurité de notre collègue Mohammed Shubaita», soutient l’organisation.

La Fédération internationale des journalistes a également dénoncé l’attaque et exhorté les Houthis à enquêter sur l’incident.

Anthony Bellanger, secrétaire général de la fédération, déclare: «Les autorités doivent immédiatement ouvrir une enquête pour clarifier les circonstances de l’attentat odieux contre notre collègue Mohammed Shubaita et ses proches.»

«Le Yémen est un pays hostile aux journalistes. Leur sécurité y est menacée. Par ailleurs, l’enquête devrait tenir compte du rôle de Shubaita en tant que journaliste et dirigeant syndical.»

Dans un message publié sur X, Reporters sans frontières a condamné cette attaque et appelé à une «enquête approfondie sur ce crime odieux».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Liban: des tirs intenses sur le front sud font des victimes des deux côtés

Les services d’urgence arrivent sur le site d’une frappe aérienne israélienne sur le village de Khiam, au sud du Liban, le 8 mai 2024. (AFP)
Les services d’urgence arrivent sur le site d’une frappe aérienne israélienne sur le village de Khiam, au sud du Liban, le 8 mai 2024. (AFP)
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  • Dix frappes aériennes ont touché en quelques heures la zone forestière s’étendant de la périphérie d’Aïta el-Chaab à celle de Ramya
  • Les raids se sont poursuivis sur les villages de Yaroun, Jabal Blat, Kfar Kila, Aaramta, Khiam et dans la périphérie de Rihane

BEYROUTH: L’armée israélienne a lancé, mercredi, plus de vingt frappes aériennes sur des villages frontaliers libanais, faisant des morts et des blessés.

Les sirènes d’alerte ont retenti dans les colonies d’Adamit, Goren, Eilon et Arab al-Aramcheh en Galilée occidentale. Les médias israéliens rapportent: «Le Hezbollah mène une attaque majeure depuis le sud du Liban en utilisant des missiles et des drones. Les sirènes retentissent sans arrêt.»

Les sites d’information israéliens indiquent: «On compte des blessés parmi les Israéliens dans le nord, en raison des frappes de missiles menées par le Hezbollah sur Avivim. La situation est délicate. Sept soldats présents sur le site d’Al-Malikiya ont été touchés, plusieurs tués et d’autres blessés, lors d’une opération combinée impliquant une salve de missiles et des attaques-suicides par drones. Les attaques du Hezbollah ont également visé la colonie de Kiryat Shmona.»

Un média soutient qu’un soldat réserviste a été tué, tandis que d’autres font état de pannes de courant à Avivim et Dovev à la suite des bombardements du Hezbollah.

Le porte-parole de l’armée israélienne, Avichay Adraee, confirme: «Des frappes aériennes ont été lancées sur des cibles affiliées au Hezbollah dans six régions du sud du Liban, alors que des avions de combat israéliens ont attaqué les bâtiments militaires du parti à Kfar Kila, Aïta el-Chaab, Khiam et Maroun el-Ras.»

Dix frappes aériennes ont touché en quelques heures la zone forestière s’étendant de la périphérie d’Aïta el-Chaab à celle de Ramya. Les raids se sont poursuivis sur les villages de Yaroun, Jabal Blat, Kfar Kila, Aaramta, Khiam et dans la périphérie de Rihane.

À Khiam, une maison a été complètement détruite. Les ambulanciers œuvrant à déblayer les décombres ont découvert que trois membres du Hezbollah avaient été tués et un autre blessé.

Les villages d’Aïtaroun et de Blida ont été touchés par des bombes au phosphore, interdites au niveau international, tandis que des tirs d’artillerie ont été lancés à la périphérie des villes de Naqoura, Halta, Kfarchouba et Jabal Blat.

Les équipes de la défense civile de la région de Kfar Kila-Tal Nahas ont œuvré sans relâche pour éteindre un incendie provoqué par l’une des frappes aériennes.

Selon une source de sécurité, l’armée israélienne a utilisé «des bombes destructrices de bunkers GBU lors des frappes aériennes sur Kfar Kila, réputées pour leur efficacité à pénétrer les structures fortifiées. Ces bombes, qui font partie de l’arsenal d’Israël depuis 2000, auraient été réapprovisionnées grâce à des expéditions américaines intensifiées.»

En représailles, le Hezbollah a lancé des opérations contre des sites militaires israéliens, au moyen de missiles guidés, faisant des morts et des blessés parmi les soldats israéliens. Le Hezbollah a déclaré qu’il s’agissait d’une réponse aux attaques ennemies contre les villages du sud et les maisons appartenant à des civils.

Un bâtiment utilisé par les soldats israéliens dans la colonie de Metula a été visé, ainsi que deux structures dans la colonie de Shlomi, une à Hanita, deux à Avivim, en plus d’un bâtiment sur le site d’Al-Manara.

Plus tard, le Hezbollah a pris pour cible les soldats israéliens sur le site de Raheb, occasionnant des dégâts directs. Un communiqué de l’organisation indique qu’elle a simultanément ciblé et détruit du matériel d’espionnage au même endroit.

La source met en lumière une augmentation significative de l’engagement militaire entre l’armée israélienne et le Hezbollah au cours des dernières quarante-huit heures, coïncidant avec la prise de contrôle par Israël du point de passage de Rafah.

Les médias rapportent: «Le Hezbollah a eu recours à des armes non conventionnelles contre des sites israéliens en réponse aux tactiques de terre brûlée d’Israël le long de la frontière, rendant la zone inhospitalière en raison d’une importante contamination au phosphore. Le processus de nettoyage, visant à débarrasser la région des polluants utilisés par l’armée israélienne pour détruire les cultures, les eaux souterraines et les sols, devrait s’étendre sur plusieurs années.»

Les positions israéliennes adjacentes à la Ligne bleue ont déclenché des tirs de mitrailleuses nourris à la périphérie de Rmeich et de Ramya, ciblant les réservoirs d’eau et les routes vitales reliant les communautés frontalières.

Le Hezbollah conditionne un cessez-le-feu le long du front sud à une cessation des hostilités dans la bande de Gaza.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Au Soudan, la «terreur constante» des habitants d'une grande ville du Darfour

Parmi les nombreuses horreurs de la guerre, le Darfour a déjà connu certaines des pires. (AFP/File)
Parmi les nombreuses horreurs de la guerre, le Darfour a déjà connu certaines des pires. (AFP/File)
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  • A el-Geneina, capitale du Darfour-Ouest, 10.000 à 15.000 personnes ont été tuées, selon l'ONU
  • «Un désastre aux proportions épiques se prépare», affirme l'ambassadrice des Etats-Unis auprès de l'ONU, Linda Thomas-Greenfield

PORT-SOUDAN, Soudan : Ishaq Mohammed reste terré chez lui depuis qu'il y a un mois, les affres de la guerre qui ravage le Soudan se sont abattus sur sa ville, el-Facher, dernière des cinq capitales du Darfour qui échappe au contrôle des paramilitaires.

«On vit dans une terreur constante», confie à l'AFP par téléphone ce commerçant soudanais alors que la communauté internationale et les ONG alertent quant au risque de carnage qui guette la capitale du Darfour-Nord.

Depuis plus d'un an, le Soudan est en proie à une guerre entre l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de son ex-adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo.

La guerre a fait des dizaines de milliers de morts. A el-Geneina, capitale du Darfour-Ouest, 10.000 à 15.000 personnes ont été tuées, selon l'ONU.

Les habitants d'el-Facher, la seule capitale des cinq Etats du Darfour à ne pas être aux mains des FSR, redoutent un scénario similaire.

Leur ville, où vivent 1,5 million de personnes, dont 800.000 déplacés, d'après l'ONU, a jusque-là été relativement épargnée grâce à une paix précaire négociée entre des groupes armés locaux et les FSR.

Mais le mois dernier, les deux principaux groupes armés ont abandonné leur neutralité pour combattre aux côtés de l'armée et les paramilitaires ont entouré la ville.

Depuis, «on vit sous un siège complet», affirme par SMS Ahmed Hassan à l'AFP, alors même que le Darfour est presque constamment privé de réseaux de communications depuis des mois.

A el-Facher, beaucoup ont encore en mémoire la guerre civile aux centaines de milliers de victimes déclenchée en 2003 qui avait meurtri le Darfour, cette vaste région de l'Ouest qui abrite un quart des 48 millions de Soudanais.

Aujourd'hui, au coeur de la lutte de pouvoir entre généraux, le Darfour a replongé dans l'horreur, la guerre charriant avec elle violences sexuelles, ethniques, pillages, et terres brûlées.

A el-Facher et les localités environnantes, l'escalade de la violence semble sans fin: «l'incendie systématique de villages entiers, les bombardements aériens (...) et un siège de plus en plus strict» rendent le quotidien des habitants infernal, dénonce Toby Harward, coordinateur humanitaire adjoint de l'ONU pour le Darfour.

- Faim et pénuries -

Et pourtant, les paramilitaires et l'armée ne se sont pas encore jetés dans une bataille totale pour la ville, dit-il, ce qui aurait pour conséquence «de faire couler massivement le sang de civils innocents».

«Un désastre aux proportions épiques se prépare», affirme de son côté l'ambassadrice des Etats-Unis auprès de l'ONU, Linda Thomas-Greenfield.

Dans le camp de déplacés d'Abou Shouk, à proximité d'el-Facher, certains ont été témoins de combats.

«Tous ceux qui n'ont pas réussi à partir sont piégés chez eux alors même qu'ils manquent de nourriture et que personne ne peut les atteindre», rapporte à l'AFP un des habitants du camp, Issa Abdelrahman.

Les pénuries frappent également le seul établissement médical de la ville où «le personnel est complètement épuisé», a déclaré à l'AFP une source médicale ayant requis l'anonymat.

«Certains médecins n'ont pas quitté l'hôpital depuis plus d'un mois», soignant sans relâche les blessures par balle, celles causées par les bombes et la malnutrition infantile.

Aujourd'hui au Darfour, «les gens en sont réduits à consommer de l'herbe et des gousses de cacahuètes», alerte Michael Dunford, directeur régional du Programme alimentaire mondial (PAM) pour l'Afrique de l'Est.

- «Position de faiblesse» -

Selon la patronne de l'Unicef, Catherine Russell, «plus de 330.000 personnes seraient confrontées à une insécurité alimentaire aiguë à el-Facher».

Les violences «empêchent les familles de partir», dit-elle, et, si elles continuent, «750.000 enfants» seront en danger.

Les FSR menacent de lancer une attaque depuis des mois, mais, selon Amjad Farid, analyste politique soudanais, ils semblent en avoir été dissuadés par des mois «d'avertissements internationaux».

Selon M. Farid, la perspective d'un retour à la table des négociations, annoncé par les médiateurs américains et saoudiens, a poussé les paramilitaires à braquer de nouveau leurs armes sur la capitale du Darfour-Nord.

«Ils ne peuvent pas participer (aux négociations) en position de faiblesse», explique l'analyste à l'AFP.

Après avoir fait des percées fulgurantes et pris le contrôle de larges pans du pays au début de l'année, l'avancée des paramilitaires a récemment été endiguée par l'armée.

Dans ce contexte, prendre el-Facher, «permettrait aux FSR de prétendre représenter l'ensemble du Darfour», explique M. Farid.

L'armée comme les paramilitaires ont été accusés de bombardements aveugles sur des zones civiles et d'obstruction au passage de l'aide humanitaire, les FSR étant spécifiquement accusés de nettoyage ethnique et de crimes contre l'humanité.

HRW met en garde contre un «possible génocide» au Darfour

Une série d'attaques menées par les forces paramilitaires soudanaises dans la région occidentale du Darfour «soulève la possibilité» d'un «génocide» commis contre des communautés ethniques non arabes, affirme l'ONG Human Rights Watch dans un rapport publié jeudi.

Le rapport de 186 pages documente comment, de fin avril à début novembre 2023, les FSR et les milices alliées «ont mené une campagne systématique visant à expulser, notamment en tuant, les habitants de l'ethnie Massalit».

Les violences, qui comprenaient des tortures de masse, des viols et des pillages, ont culminé à la mi-juin, lorsque des milliers de personnes ont été tuées en quelques jours, et ont de nouveau augmenté en novembre.

Des avocats locaux spécialisés dans les droits de l'homme ont déclaré que les combattants s'en prenaient en premier lieu à «des membres éminents de la communauté Massalit», notamment des médecins, des défenseurs des droits de l'homme, des dirigeants locaux et des représentants du gouvernement.

HRW ajoute que les assaillants «ont méthodiquement détruit les infrastructures civiles vitales» dans les communautés déplacées principalement de Massalit.

Des images satellite montrent que depuis juin, les quartiers majoritairement Massalit de la ville - qui abritaient auparavant environ 540.000 personnes - ont été «systématiquement démantelés, beaucoup à l'aide de bulldozers, empêchant les civils qui ont fui de rentrer chez eux», ont-ils indiqué.

Selon l'ONG basée à New York, «l'objectif apparent» des attaques était «au moins de les pousser à quitter définitivement la région», ce qui «constitue un nettoyage ethnique».

HRW souligne que le contexte des meurtres «soulève la possibilité que les FSR et leurs alliés avaient l'intention de détruire tout ou une partie des Massalit au moins dans l'ouest du Darfour, ce qui indiquerait qu'un génocide a été et/ou est en train d'être commis là-bas».

- Désastre aux «proportions épiques» -

HRW a appelé à une enquête sur l'intention génocidaire et à des sanctions ciblées contre les responsables et exhorté les Nations unies à «élargir l'embargo sur les armes imposé au Darfour pour couvrir l'ensemble du Soudan».

La Cour pénale internationale, qui enquête actuellement sur les meurtres à caractère ethnique commis principalement par les FSR au Darfour, affirme avoir des «raisons de croire» que ces paramilitaires, de même que l'armée, commettent des crimes qui s'apparentent au génocide, aux crimes contre l'humanité et aux crimes de guerre.

Plus de 500.000 Soudanais ont fui les violences du Darfour vers le Tchad, selon les derniers chiffres de l'ONU.

Fin octobre, 75% de ceux qui traversaient la frontière étaient originaires d'el-Geneina, capitale du Darfour-Ouest, a indiqué HRW.

Tous les regards sont actuellement tournés vers el-Fasher, chef-lieu de l'Etat du Darfour-Nord, la seule capitale des cinq Etats du Darfour à ne pas être aux mains des FSR, à environ 400 kilomètres à l'est d'el-Geneina,

«Alors que le Conseil de sécurité de l'ONU et les gouvernements prennent conscience du désastre imminent à el-Fasher, les atrocités à grande échelle commises à el-Geneina devraient être considérées comme un rappel des atrocités qui pourraient survenir en l'absence d'une action concertée», a souligné Tirana Hassan, directrice exécutive de HRW.