Amérique latine: Le conflit Israël-Hamas ravive islamophobie et sentiments anti-arabes

La guerre entre Israël et le Hamas a suscité des manifestations de solidarité au Brésil, au Mexique et dans d'autres pays d'Amérique latine (Photo, AFP).
La guerre entre Israël et le Hamas a suscité des manifestations de solidarité au Brésil, au Mexique et dans d'autres pays d'Amérique latine (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 17 octobre 2023

Amérique latine: Le conflit Israël-Hamas ravive islamophobie et sentiments anti-arabes

  • Des observateurs accusent les médias de qualifier les Palestiniens de terroristes, ce qui permet à Israël d'agir à sa guise à Gaza
  • En raison des tensions, des musulmans, en particulier des femmes portant le voile, ont été insultés et attaqués dans la rue

SAO PAULO: Depuis que la guerre entre Israël et le Hamas a éclaté, les rapports faisant état d'actes islamophobes et d'attaques contre des militants propalestiniens se multiplient dans certains pays d'Amérique latine.

Les intellectuels qui s'identifient à la cause palestinienne disent avoir été réduits au silence par les actions des groupes pro-israéliens, et les musulmans – en particulier les femmes portant un hijab – ont été insultés et attaqués dans la rue.  

Au Brésil, les affrontements sur les médias sociaux entre les partisans d'Israël et les défenseurs de la cause palestinienne ont été encore intensifiés par la polarisation politique que le pays latino-américain a connue ces dernières années entre la gauche et la droite.

L'opinion publique brésilienne a été influencée par la couverture médiatique pro-israélienne, a déclaré Salem Nasser, professeur de relations internationales à la Fundaçao Getulio Vargas, un établissement d'enseignement supérieur et un groupe de réflexion de la ville de Sao Paulo.

«Outre les bombes à Gaza, une guerre médiatique est en cours. L'objectif est de justifier les attaques contre le peuple palestinien», a déclaré M. Hammadeh.

«Nous avons été continuellement incités à blâmer le Hamas et les Palestiniens pour tout ce qui se passe actuellement et à autoriser la violence israélienne à Gaza», a-t-il déclaré à Arab News, ajoutant que l'association erronée des Palestiniens au terrorisme par les médias permet à Israël d'agir à sa guise.

Les militants antimusulmans au Brésil «disent que les Palestiniens sont des terroristes et que tout musulman est un terroriste», a indiqué M. Nasser.

La semaine dernière, une campagne a été lancée sur X pour inciter les gens à dénoncer les professeurs d'université qui expriment des opinions «pro-Hamas» pendant les cours.

Felipe Freitas de Souza, doctorant et membre du groupe «Anthropologie dans les contextes islamiques et arabes» – un organisme de recherche qui a produit la première étude brésilienne sur l'islamophobie l'année dernière – a déclaré que la campagne était en fait «une tentative de mettre à l'index les professeurs qui ont exprimé des opinions pro-palestiniennes».

«Pour autant que je sache, la majeure partie de la communauté palestinienne au Brésil ne soutient pas le Hamas, à l'exception d'une poignée de personnes, et cela n'a donc aucun sens», a-t-il ajouté.

Le gouvernement brésilien a annoncé qu'il surveillait les discours de haine sur Internet, notamment l'islamophobie et l'antisémitisme.

Le cheikh Jihad Hammadeh, éminent dirigeant musulman au Brésil, a déclaré à Arab News que sa fille de 18 ans avait été traitée de terroriste à deux reprises le 12 octobre (Photo, AFP).

«Dans un pays comme le Brésil, les musulmans sont considérés comme des étrangers, des gens qui n'ont rien à faire ici», a déclaré M. de Souza. «Un événement tel que le conflit actuel au Moyen-Orient sert de déclencheur et peut avoir un impact sur la vie des musulmans ici, en particulier sur les femmes, qui sont facilement identifiables dans les rues.»

Le cheikh Jihad Hammadeh, éminent dirigeant musulman au Brésil, a déclaré à Arab News que sa fille de 18 ans avait été traitée de terroriste à deux reprises le 12 octobre.

«Nous étions à l'aéroport de Sao Paulo et quelqu'un est passé à côté d'elle et l'a traitée de “terroriste du Hamas”. Elle portait son hijab. Nous n'avons pas eu le temps de réagir. Lorsque nous sommes arrivés à Florianopolis, la même chose s'est reproduite, mais nous n'avons pas pu identifier l'agresseur», a-t-il déclaré, ajoutant que c'était la première fois que sa fille était confrontée à des préjugés en raison de son appartenance religieuse.

«L'énorme propagande contre la Palestine est à l'origine de cette haine. La presse ne traite pas le conflit de manière équilibrée. Les dirigeants politiques stimulent la haine à notre égard», a souligné M. Hammadeh.

Les dirigeants politiques de droite liés aux églises évangéliques sionistes du Brésil n'ont cessé de défendre les attaques d'Israël contre Gaza et de diffuser des fausses nouvelles contre les Palestiniens sur les réseaux sociaux.

«Outre les bombes à Gaza, une guerre médiatique est en cours. L'objectif est de justifier les attaques contre le peuple palestinien», a expliqué M. Hammadeh.

«La réaction israélienne consiste à dire au monde entier: “Soit vous êtes avec moi, soit vous êtes contre moi”. Et la réponse doit être immédiate», a déclaré Salem Nasser, professeur de relations internationales à la Fundaçao Getulio Vargas (Photo, AFP).

En Argentine, le scénario est très similaire, a déclaré Melody Amal Khalil Kabalan, qui dirige Islam para la Paz (Islam pour la paix), une organisation qui lutte contre l'islamophobie.

«Lorsqu'un conflit éclate au Moyen-Orient ou dans des pays musulmans, les femmes musulmanes finissent toujours par souffrir ici», a-t-elle indiqué. «C'est ce qui s'est passé en 2021, lorsque les talibans ont pris le contrôle de Kaboul, et c'est ce qui se produit à nouveau aujourd'hui.»

Ces derniers jours, son organisation a reçu des rapports faisant état de femmes musulmanes maltraitées dans la rue.

«Le commentaire le plus courant est: “Retournez dans votre pays”. Mais la plupart de ces femmes sont nées ici», a ajouté Mme Khalil.

Des manifestations ont été organisées à Buenos Aires par des groupes pro-israéliens et pro-palestiniens la semaine dernière. La manifestation pro-israélienne a attiré l'attention des médias.

Les militants antimusulmans au Brésil «disent que les Palestiniens sont des terroristes et que tout musulman est un terroriste», a déclaré Salem Nasser, professeur de relations internationales à la Fundaçao Getulio Vargas (Photo, AFP).

«La manifestation en faveur de la Palestine était très émouvante et comprenait une étreinte collective autour de l'ambassade palestinienne, mais les médias l'ont totalement ignorée», a déploré Mme Khalil.

Elle a ajouté que les émissions d'information et les débats sur la situation au Moyen-Orient n'incluaient généralement pas de membres des communautés palestinienne ou musulmane, de sorte que les points de vue dominants sont ceux qui sont alignés sur Israël.

«On entend partout que les musulmans ne veulent pas la paix. Ce n'est pas vrai. Cette atmosphère accroît la haine contre les musulmans», a-t-elle ajouté.

En Colombie, les nombreux commentaires pro-palestiniens du président Gustavo Petro sur les médias sociaux ont suscité la colère d'Israël, qui a annoncé dimanche qu'il suspendait l'exportation d'équipements de défense vers le pays.

Malgré cela, les musulmans de Colombie ont signalé des cas d'agressions verbales et physiques dans la rue.

Lina Acuna, une avocate musulmane de 33 ans qui vit dans la ville de Medellin, a déclaré à Arab News qu'elle avait été insultée à deux reprises au cours des derniers jours.

«Dans une épicerie, un groupe de religieuses a tiré sur mon niqab et m'a demandé: Qui vous sponsorise? Je leur ai répondu que personne ne me «sponsorisait», que j'étais fière d'être musulmane depuis plusieurs années et que je défendais le peuple palestinien, y compris les chrétiens palestiniens qui sont également massacrés», a-t-elle précisé.

Les dirigeants politiques de droite liés aux églises évangéliques sionistes du Brésil n'ont cessé de défendre les attaques d'Israël contre Gaza (Photo, AFP).

Lors d'un autre incident, Mme Acuna se trouvait dans un magasin alors qu'elle enregistrait une vidéo TikTok. Une femme l'a dévisagée et lui a crié qu'elle était une terroriste et qu'elle devait retourner dans son pays.

«Il y a une importante communauté musulmane ici à Medellin. Beaucoup de nos sœurs m'ont dit qu'elles avaient été confrontées à des actes de violence similaires ces derniers temps. Beaucoup de gens essaient de nous arracher nos voiles», a-t-elle souligné.

«Malheureusement, nous ne sommes pas protégés en Colombie contre une telle haine. N'importe qui peut nous attaquer.»

Selon M. Nasser, la situation actuelle est due à la réaction d'Israël à l'attaque du Hamas. «L'impact de l'attaque a été fort, car elle a démontré la fragilité d'Israël», a-t-il ajouté.

«La réaction israélienne consiste à dire au monde entier: “Soit vous êtes avec moi, soit vous êtes contre moi”. Et la réponse doit être immédiate.»

«Dans un monde où les gens peuvent être facilement “annulés” en raison de leurs positions sur n'importe quel sujet, personne ne veut être associé à des terroristes», a souligné M. Nasser.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Lai Ching-te, fils d'un mineur de charbon élu président de Taïwan

D'abord député puis maire de Tainan, il devient Premier ministre de la présidente Tsai Ing-wen en 2017, puis vice-président en 2020 (Photo, X).
D'abord député puis maire de Tainan, il devient Premier ministre de la présidente Tsai Ing-wen en 2017, puis vice-président en 2020 (Photo, X).
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  • Lorsqu'il était Premier ministre, M. Lai s'est exprimé plus ouvertement que Mme Tsai sur la question de l'indépendance
  • Bien qu'il ait indiqué à la Chine être ouvert au dialogue, Lai Ching-te risque d'être rabroué

TAIPEI: Fils d'un mineur de charbon, Lai Ching-te prêtera serment en tant que président de Taïwan lundi et il lui reviendra alors de prendre en charge les relations avec la Chine, en proie à une rupture de plus en plus profonde à mesure que Pékin accroît sa pression militaire et diplomatique sur l'île autonome.

A l'inverse de la majorité de la classe politique taïwanaise, M. Lai, né en 1959, est issu d'un milieu modeste. Sa mère l'a élevé seule, avec ses cinq frères et sœurs, dans un hameau rural de Nouveau Taipei (nord), en raison du décès de son père lorsqu'il était très jeune.

Après avoir obtenu un diplôme de santé publique à l'université de Harvard aux Etats-Unis, il a d'abord travaillé comme médecin dans un hôpital de Tainan (sud-ouest).

Décrit comme pugnace et combatif, Lai Ching-te - qui se fait aussi appeler William Lai - se décide à entrer en politique en 1996, quand Pékin effectue des tirs d'essai de missiles autour de Taïwan au moment de la première élection présidentielle démocratique de l'île.

"J'ai décidé qu'il était de mon devoir de participer à la démocratie taïwanaise et d'aider à protéger cette expérience naissante de ceux qui lui voulaient du mal", avait-il témoigné l'an passé dans le Wall Street Journal.

Le futur président taïwanais figure sur la liste des 100 personnes les plus influentes de 2024 établie par le magazine Time en avril, un choix qui reflète, selon lui, "la résilience et l'unité du peuple taïwanais".

«Dangereux séparatiste» pour Pékin

D'abord député puis maire de Tainan, il devient Premier ministre de la présidente Tsai Ing-wen en 2017, puis vice-président en 2020.

Agé de 64 ans, marié et père de deux enfants, le président du Parti démocrate progressiste (PDP) s'est engagé à poursuivre la politique de Mme Tsai visant à renforcer les capacités militaires de Taïwan afin de dissuader la Chine, qui multiplie ces dernières semaines les survols d'avions aux environs de son territoire.

Son franc-parler, qu'il a modéré ces dernières années, lui attire pourtant l'ire de Pékin, qui le qualifie de "dangereux séparatiste" conduisant Taïwan sur le chemin "de la guerre et du déclin".

Lors de la campagne, M. Lai avait affirmé que l'élection était un choix entre "démocratie et autocratie", et avait promis un soutien "inébranlable" au maintien du statu quo dans le détroit de Taïwan.

Il avait aussi dénoncé "le principe chinois d'une seule Chine", car "la paix sans la souveraineté, c'est juste comme Hong Kong", ancienne colonie britannique où Pékin a imposé cette année une nouvelle loi de sécurité nationale pour réprimer toute dissidence.


Attentat contre le Premier ministre slovaque: médecins optimistes, le suspect au tribunal

Le ministre slovaque de la Défense, Robert Kalinak (C), fait un geste lors d'une conférence de presse devant l'hôpital universitaire F.D. Roosevelt à Banska Bystrica, en Slovaquie, le 18 mai 2024, où le Premier ministre slovaque, Robert Fico, est soigné après avoir reçu de «multiples coups de feu» le 15 mai. (Photo de Ferenc Isza AFP)
Le ministre slovaque de la Défense, Robert Kalinak (C), fait un geste lors d'une conférence de presse devant l'hôpital universitaire F.D. Roosevelt à Banska Bystrica, en Slovaquie, le 18 mai 2024, où le Premier ministre slovaque, Robert Fico, est soigné après avoir reçu de «multiples coups de feu» le 15 mai. (Photo de Ferenc Isza AFP)
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  • Le ministre de la Défense et vice-Premier ministre Robert Kalinak, le plus proche allié politique de M. Fico, a déclaré que le Premier ministre était conscient
  • Le suspect de la tentative de meurtre, identifié par les médias slovaques comme étant le poète Juraj Cintula, âgé de 71 ans, a tiré cinq coups de feu sur Fico mercredi et l'a touché à quatre reprises

BRATISLAVA, Slovaquie : Le pronostic concernant l'état de santé du chef du gouvernement slovaque Robert Fico après la tentative d'assassinat est «positif», a annoncé samedi la ministre slovaque de la Santé, alors que le suspect comparaissait devant un tribunal.

M. Fico est hospitalisé depuis mercredi, date à laquelle un tireur isolé lui a tiré dessus à quatre reprises, notamment dans l'abdomen.

Il a subi une opération de cinq heures mercredi et une autre de deux heures vendredi, toutes deux dans un hôpital de la ville de Banska Bystrica, dans le centre de la Slovaquie.

«L'intervention chirurgicale d'hier, qui a duré deux heures, a contribué à un pronostic positif sur l'état de santé du Premier ministre», a déclaré la ministre Zuzana Dolinkova à la presse.

«L'état de santé du premier ministre est stable, mais il reste grave», a-t-elle ajouté.

«Si le tir était parti quelques centimètres plus haut, il aurait atteint le foie du Premier ministre», a déclaré le ministre de l'Intérieur Matus Sutaj Estok à la chaîne d'information TA3.

Le ministre de la Défense et vice-Premier ministre Robert Kalinak, le plus proche allié politique de M. Fico, a déclaré que le Premier ministre était conscient.

«Je ne pense pas qu'il puisse être transporté à Bratislava dans les prochains jours, car son état est encore grave», a-t-il déclaré aux journalistes.

Dans la matinée également, le suspect de la tentative de meurtre est arrivé au tribunal pénal de Pezinok au nord-est de Bratislava, qui devrait ordonner son maintien en détention provisoire.

L'homme, identifié par les médias slovaques comme étant le poète Juraj Cintula, âgé de 71 ans, a tiré cinq coups de feu sur Fico mercredi et l'a touché à quatre reprises.

Un procureur a requis vendredi que le suspect soit placé en détention provisoire après avoir été inculpé de tentative de meurtre avec préméditation.

La fusillade s'est produite alors que M. Fico saluait ses partisans après une réunion du gouvernement délocalisée dans la ville de Handlova, dans le centre de la Slovaquie.

M. Fico est en poste depuis que son parti populiste centriste, le Smer-SD, a remporté les élections législatives à l'automne dernier.

- Tous ces mensonges -

M. Fico effectue son quatrième mandat en tant que Premier ministre après avoir fait campagne sur des propositions de paix entre la Russie et l'Ukraine, pays voisin de la Slovaquie, et sur l'arrêt de l'aide militaire à Kiev, ce que son gouvernement a fait par la suite.

La tentative d'assassinat a profondément choqué ce pays de 5,4 millions d'habitants, membre de l'Union européenne et de l'OTAN, déjà fortement divisé sur le plan politique depuis des années.

La présidente pro-occidentale sortante, Zuzana Caputova, et son successeur, Peter Pellegrini, un allié de M. Fico qui prendra ses fonctions en juin, ont appelé leurs concitoyens slovaques à s'abstenir de toute «confrontation» après la fusillade.

Ils ont convoqué une réunion de tous les chefs de partis parlementaires pour mardi afin de faire preuve d'unité à la suite de l'attentat.

M. Kalinak a toutefois laissé entendre samedi que le Smer-SD ne participerait pas à la réunion.

«Ils ont invité les chefs des partis politiques et notre président (du parti) est entre les mains des médecins», a-t-il déclaré.

M. Kalinak a ajouté qu'il appellerait Mme Caputova à ce sujet, soulignant que la Slovaquie avait besoin de «réconciliation et de paix».

Certains hommes politiques slovaques ont déjà lancé des accusations contre leurs adversaires, les accusant d'être à l'origine de l'attentat.

M. Kalinak a critiqué vendredi les hommes politiques de l'opposition et certains médias pour avoir qualifié M. Fico de criminel, de dictateur ou de serviteur du président russe Vladimir Poutine avant l'attentat.

«Tous ces mensonges sont la principale raison pour laquelle Robert Fico se bat aujourd'hui pour sa vie», a-t-il déclaré dans un message publié sur le site internet du Smer-SD.


Zelensky se prépare à une offensive plus large, les troupes russes continuent d'avancer

Cette photo prise et diffusée par les services d'urgence ukrainiens le 17 mai 2024 montre des sauveteurs évacuant des civils victimes de bombardements russes dans la région de Kharkiv. (Photo Ukraine Emergency Service AFP)
Cette photo prise et diffusée par les services d'urgence ukrainiens le 17 mai 2024 montre des sauveteurs évacuant des civils victimes de bombardements russes dans la région de Kharkiv. (Photo Ukraine Emergency Service AFP)
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  • « Ils ont lancé leur opération, elle peut être constituée de plusieurs vagues. Et ça c'est leur première vague», a assuré vendredi M. Zelensky alors que la Russie vient d'engranger ses plus grands gains territoriaux depuis fin 2022
  • L'armée russe a revendiqué vendredi la capture, en une semaine, de 12 localités dans la région de Kharkiv et affirmé que ses forces continuaient à progresser

KIEV, Ukraine : Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit s'attendre, dans un entretien exclusif à l'AFP, à une offensive russe plus large dans le Nord et dans l'Est qui viserait à prendre Kharkiv, régions où Moscou poursuit son assaut d'ampleur lancé le 10 mai.

«Ils ont lancé leur opération, elle peut être constituée de plusieurs vagues. Et ça c'est leur première vague», a assuré vendredi M. Zelensky alors que la Russie vient d'engranger ses plus grands gains territoriaux depuis fin 2022.

Il a néanmoins assuré que, malgré les avancées russes des derniers jours dans la région de Kharkiv, la situation était meilleure pour ses forces qu'il y a une semaine, lorsque les troupes du Kremlin ont franchi par surprise la frontière.

Pour lui, la Russie veut attaquer  Kharkiv (Nord-Est), deuxième ville du pays, à seulement quelques dizaines de kilomètres du front. Moscou avait déjà échoué à la prendre en 2022 et le président russe Vladimir Poutine a affirmé vendredi ne pas avoir l'intention de l'attaquer «pour l'instant».

L'offensive russe vise officiellement, selon M. Poutine, à répliquer aux frappes ukrainiennes des derniers mois en territoire russe et créer une zone tampon censée empêcher ces frappes.

Les forces de Moscou essayent de profiter du manque d'hommes et d'armes auquel est confronté l'Ukraine après deux ans de guerre.

- Près de 10.000 évacuations  -

M. Zelensky a reconnu auprès de l'AFP un manque d'effectifs. «Il y a un nombre important de brigades qui sont vides», a-t-il dit.

Face à ses carences, Kiev a voté une législation controversée, entrée en vigueur samedi, pour accélérer la mobilisation militaire avec l'abaissement de l'âge de 27 à 25 ans.

Vendredi, M. Zelensky a également signé une loi permettant de recruter des détenus en échange d'une libération conditionnelle.

Tourné vers les Occidentaux, il a déploré n'avoir qu'un quart des systèmes de défense antiaérienne dont Kiev a besoin, ajoutant avoir également besoin de 120 à 130 avions de combat F-16.

Dans la région de Kharkiv, la Russie a affirmé samedi avoir saisi le village de Staritsa près de Vovtchansk, ville située à une cinquantaine de kilomètres de Kharkiv, assurant que ses forces «poursuivent leur avancée en profondeur dans les positions défensives de l'ennemi».

Près de dix mille personnes ont été contraintes de quitter leur habitation dans la région de Kharkiv, avaient auparavant annoncé les autorités ukrainiennes.

«Au total, 9.907 personnes ont été évacuées», a déclaré samedi le gouverneur Oleg Synegoubov, précisant que les forces armées ukrainiennes avaient repoussé deux tentatives de percer les défenses au cours de la nuit.

La situation est selon lui «sous contrôle», les «défenseurs menant des assauts et des opérations de ratissage dans certaines zones».

Selon M. Synegoubov, les Russes ont «commencé à détruire Vovtchansk, en utilisant chars et artillerie». La ville, comptait quelque 18.000 habitants avant-guerre. Une centaine de personnes y sont toujours et «de violents combats» ont lieu, selon le gouverneur.

L'armée russe a souvent fini par détruire les villes ukrainiennes pour les conquérir, comme Bakhmout l'an passé ou Avdiïvka en février.

Kiev accuse Moscou d'utiliser des civils comme «boucliers humains» à Vovtchansk et d'avoir commis au moins une exécution sommaire.

- Avancée de l'ennemi -

Un peu plus à l'ouest, les forces russes ont progressé sur leur deuxième axe d'assaut dans la région.

Elles visent le village de Loukiantsi, pour ouvrir la voie vers Lyptsi, une autre localité sur la route de Kharkiv.

«Les hostilités continuent à Loukiantsi. Oui, il y a une avancée de l'ennemi dans cette localité. Mais nos soldats essayent encore de la tenir», avait affirmé le gouverneur de la région de Kharkiv.

De son côté, l'armée russe a revendiqué vendredi la capture, en une semaine, de 12 localités dans la région et affirmé que ses forces continuaient à progresser.

- «Zone sanitaire» -

Moscou a engrangé en une semaine ses plus importants gains territoriaux depuis fin 2022, avec quelque 257 km2 conquis dans la seule région de Kharkiv, selon une analyse jeudi de l'AFP à partir de données fournies par l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW).

Vendredi après-midi, Kharkiv, très régulièrement bombardée, a été touchée par de nouvelles frappes russes qui ont fait au moins trois morts et 28 blessés, selon un dernier bilan fourni par le maire Igor Terekhov dans la soirée.

A Vovtchansk, des frappes russes ont tué un homme de 35 ans et blessé un autre de 60 ans, tous deux civils, selon le Parquet régional.

A Odessa, ville portuaire du sud du pays régulièrement frappée elle aussi, un bombardement russe a fait un mort et cinq blessés hospitalisés, selon le gouverneur local Oleg Kiper.

Pour sa part, l'armée russe a dit avoir fait face à une centaine de drones lancés depuis l'Ukraine dans la nuit de jeudi à vendredi.

Le gouverneur de la région de Belgorod, Viatcheslav Gladkov, a fait état de la mort d'une mère et de son enfant de quatre ans dans le village d'Oktiabrski.

Dans la soirée, il a en outre annoncé la mort d'un homme dans le village de Novaïa Naoumovka attaqué par des drones, et d'un blessé hospitalisé.

Dans la région de Krasnodar (sud-ouest), les autorités ont affirmé que deux drones ukrainiens avaient incendié une raffinerie à Touapsé. Dans cette même région, des «infrastructures civiles» ont été touchées et ont pris feu à Novorossiïsk, port de la mer Noire.

En Crimée, péninsule ukrainienne annexée en 2014 par la Russie, la ville de Sébastopol, quartier général de la flotte russe en mer Noire, a été en partie privée de courant car une installation électrique a été endommagée, selon les autorités locales.

Enfin, dans la journée de vendredi une femme a été tuée par une frappe dans la région russe de Briansk, selon le gouverneur.