Pire que Dresde 1945 : Le saccage de Gaza par Israël laisse 75 % des bâtiments endommagés ou détruits

A gauche, Dresde, 1945. A droite, Gaza 2024 (fournie/AFP)
A gauche, Dresde, 1945. A droite, Gaza 2024 (fournie/AFP)
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Publié le Mercredi 08 mai 2024

Pire que Dresde 1945 : Le saccage de Gaza par Israël laisse 75 % des bâtiments endommagés ou détruits

  • D'après les analyses satellites des chercheurs américains Corey Scher et Jamon Van Den Hoek, au 21 avril, 56,9% des bâtiments de la bande de Gaza avaient été endommagés ou détruits, soit 160 000 en tout
  • Dans le nord, la ville de Gaza, qui comptait 600 000 habitants avant la guerre, n'est que désolation avec près des trois quarts (74,3%) de ses bâtiments touchés.

PARIS: Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien il y a sept mois, l'offensive israélienne a causé, outre un lourd bilan humain et une grave crise humanitaire, des destructions d'une ampleur "énorme et sans précédent" dans la bande de Gaza.

La ville de Gaza aux trois quarts détruite

D'après les analyses satellites des chercheurs américains Corey Scher et Jamon Van Den Hoek, au 21 avril, 56,9% des bâtiments de la bande de Gaza avaient été endommagés ou détruits, soit 160.000 en tout. Et c'est au cours des deux/trois premiers mois du conflit que les destructions ont été les plus importantes, précise à l'AFP Corey Scher.

Depuis le 7 octobre et l'attaque sans précédent menée par le Hamas sur le sol israélien, qui a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes, l'armée israélienne pilonne sans relâche ce territoire exigu de 365 km2 et densément construit.

L'offensive israélienne a fait jusqu'à présent 34.789 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas dans le territoire palestinien assiégé par Israël. A 70% des femmes et des enfants, précise l'ONU.

Dans le nord, la ville de Gaza, qui comptait 600.000 habitants avant la guerre, n'est que désolation avec près des trois quarts (74,3%) de ses bâtiments touchés.

A la lisière sud du territoire, Rafah --devenue un refuge pour 1,4 million de Palestiniens, habitants et déplacés, selon les derniers chiffres de l'ONU-- est pour l'instant la ville la moins détruite (avec 33,9% de bâtiments touchés) mais l'armée israélienne y a déployé des chars mardi et l'a bombardée.

Cinq hôpitaux totalement détruits

Les hôpitaux sont souvent pris pour cible par l'armée israélienne, qui accuse le Hamas d'utiliser les civils comme boucliers humains. Le plus grand, celui d'al-Chifa dans la ville de Gaza, a été visé par une opération de l'armée israélienne. L'OMS a indiqué début avril qu'il avait été réduit à une "coquille vide" jonchée de dépouilles humaines.

Au cours des six premières semaines de la guerre, "60% des établissements de santé ont été déclarés endommagés ou détruits", détaille à l'AFP l'universitaire Corey Scher.

Aujourd'hui, cinq d'entre eux sont complètement détruits (selon des données OpenStreetMap, du ministère de la Santé du Hamas via l'Ocha, le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU, et de l'Unosat, le centre satellitaire des Nations unies, compilées par l'AFP) et 28% fonctionnent partiellement, selon l'ONU.

Plus de 70% des écoles endommagées

Les bâtiments scolaires, qui servent de refuge aux déplacés notamment ceux sur lesquels flottent le drapeau bleu de l'ONU, payent également un lourd tribut : l'Unicef comptabilise, au 25 avril, 408 écoles endommagées (soit au moins 72,5% des 563 établissements qu'il a répertoriés). Parmi elles, 53 ont été totalement détruites et 274 directement touchées.

L'ONU estime que les deux tiers des établissements auront besoin d'une reconstruction complète ou de travaux de réhabilitation importants pour être à nouveau fonctionnels.

Pour les lieux de cultes, en combinant des données de l'Unosat et de OpenStreetMap, il ressort que 61,5% des mosquées ont été endommagées ou détruites.

Dresde

Une étude militaire américaine datant de 1954 reprise par le Financial Times indique que le bombardement de Dresde en 1945 avait endommagé 59% des bâtiments de la ville allemande. Un niveau de destruction largement dépassé dans le nord de la bande de Gaza. Et ce n'est que quarante ans plus tard, que la "Frauenkirche", l'église emblème de la ville, a vu sa reconstruction entamée, faute de financement. Le Havre, rasé à 85%, est la ville française la plus touchée à l'époque.

Alors que la guerre en Ukraine se poursuit depuis plus de deux ans, il y avait, fin avril, plus de débris et de gravats à déblayer à Gaza que dans le pays attaqué par la Russie, selon un responsable de l'ONU. L'organisation a estimé début mai à entre 30 et 40 milliards de dollars le coût de la reconstruction à Gaza. "L'ampleur de la destruction est énorme et sans précédent", a-t-elle affirmé.

"Le rythme des destructions enregistrées ne ressemble à rien de ce que nous avons étudié auparavant, il est beaucoup plus rapide et plus important", analyse Corey Scher.

 

 

 


La France se dit « prête à concourir à la sécurité des distributions alimentaires » à Gaza

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. (Photo AFP)
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. (Photo AFP)
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  • La France, ainsi que l'Europe, "se tiennent prêtes à contribuer à la sécurité des distributions alimentaires" dans la bande de Gaza en guerre, a déclaré samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.
  • Le ministre n’a pas précisé la nature exacte de cette assistance, mais a exprimé sa "colère" face aux "500 personnes" ayant perdu la vie lors de distributions alimentaires récentes à Gaza.

PARIS : La France, ainsi que l'Europe, "se tiennent prêtes à contribuer à la sécurité des distributions alimentaires" dans la bande de Gaza en guerre, a déclaré samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.

Cette initiative viserait à répondre à la préoccupation israélienne concernant le détournement de l’aide humanitaire par des groupes armés, faisant allusion au Hamas sans le nommer.

Le ministre n’a pas précisé la nature exacte de cette assistance, mais a exprimé sa "colère" face aux "500 personnes" ayant perdu la vie lors de distributions alimentaires récentes à Gaza.

Israël a partiellement assoupli fin mai un blocus total imposé depuis début mars, qui avait provoqué de graves pénuries de nourriture, médicaments et autres biens essentiels.

Un mécanisme de distribution piloté par la "Fondation humanitaire de Gaza" (GHF), soutenue par Israël et les États-Unis, a été mis en place, mais ses opérations ont donné lieu à des scènes chaotiques et meurtrières.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, près de 550 personnes ont été tuées et plus de 4 000 blessées dans les files d’attente depuis le lancement des opérations de la GHF fin mai.

La Défense civile de Gaza a par ailleurs rapporté vendredi la mort de 80 personnes dans des frappes ou tirs israéliens, dont 10 tuées alors qu’elles attendaient de l’aide humanitaire. L’armée israélienne nie catégoriquement avoir tiré sur des civils dans ces circonstances et examine ces allégations.

Après un cessez-le-feu entré en vigueur mardi avec l’Iran, le chef d’état-major israélien, le lieutenant-général Eyal Zamir, a indiqué que l’armée restait concentrée sur Gaza "pour ramener les otages et démanteler le régime du Hamas".

La guerre a débuté avec une attaque sans précédent du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, qui a fait 1 219 morts israéliens, principalement civils, selon un décompte AFP basé sur des données officielles. Parmi eux, 49 personnes ont été enlevées à Gaza, dont 27 déclarées mortes par l’armée israélienne.

De leur côté, plus de 56 412 Palestiniens, majoritairement civils, ont péri lors des représailles militaires israéliennes dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas, chiffres jugés fiables par l’ONU.


La France entend jouer "un rôle central" sur le nucléaire iranien

Des amendements ont assoupli le texte initial, en permettant que les drapeaux puissent être hissés à proximité des mairies ou sur leurs toits et surtout en exemptant les communes de moins de 1 500 habitants de l'obligation de pavoisement, pour des raisons financières (Photo, AFP).
Des amendements ont assoupli le texte initial, en permettant que les drapeaux puissent être hissés à proximité des mairies ou sur leurs toits et surtout en exemptant les communes de moins de 1 500 habitants de l'obligation de pavoisement, pour des raisons financières (Photo, AFP).
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  • "Si l'Iran refuse de négocier de bonne foi un encadrement strict et durable de son programme nucléaire,a déclaré le ministre.
  • Le mécanisme de réimposition des sanctions expirera le 18 octobre 2025.

PARIS : La France et ses principaux partenaires européens entendent jouer "un rôle central" dans les négociations sur le nucléaire iranien, en raison notamment de leur capacité à réimposer des sanctions contre Téhéran, a averti samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.

"Si l'Iran refuse de négocier de bonne foi un encadrement strict et durable de son programme nucléaire, la France, avec ses partenaires européens, peut, par une simple lettre, rétablir l'embargo mondial sur les armes, les équipements nucléaires, ainsi que sur les banques et les assurances", a-t-il déclaré.

Ce pouvoir de réactiver les sanctions appartient à chacun des signataires de l'accord de Vienne de 2015, appelé JCPOA ("Joint Comprehensive Plan of Action"), à savoir la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Chine et la Russie ,à l’exclusion des États-Unis, qui s'en sont retirés en 2018 sous la présidence de Donald Trump.

"C'est pourquoi nous jouons un rôle central dans ces négociations", a insisté M. Barrot, exprimant le souhait qu’un dialogue s’instaure entre l’Iran et les États-Unis, "qui tienne compte des exigences qui sont les nôtres" concernant l’activité nucléaire iranienne, soupçonnée par une grande partie de la communauté internationale de viser l’arme nucléaire, ce que Téhéran dément.

Le mécanisme de réimposition des sanctions expirera le 18 octobre 2025.

M. Barrot a également souligné que "ces derniers mois, le sort de nos otages a été au cœur des discussions avec les autorités iraniennes", en référence à Cécile Kohler, 40 ans, et à son compagnon Jacques Paris, arrêtés en mai 2022 à la fin d’un voyage touristique en Iran et accusés d’espionnage. Paris les considère comme des "otages" et réclame leur libération immédiate.

"J'ai demandé récemment qu’un contact soit établi avec eux, par notre consulat ou leurs familles. J’attends toujours une réponse claire, et je dois dire que je commence à m’impatienter", a-t-il ajouté. "Nous continuerons à accentuer la pression. Et comme vous avez sans doute pu le constater, nous disposons de leviers considérables vis-à-vis de l'Iran", a conclu le ministre.


Au Maroc, un projet ambitieux pour connecter le Sahel à l'Atlantique

Construction du port atlantique de Dakhla, situé à 40 km au nord de la ville de Dakhla, dans une zone relevant de la compétence de la commune rurale d'El-Argoub à Dakhla, dans le Sahara occidental contesté, principalement contrôlé par le Maroc, le 26 mai 2025 (Photo par Abdel Majid BZIOUAT / AFP)
Construction du port atlantique de Dakhla, situé à 40 km au nord de la ville de Dakhla, dans une zone relevant de la compétence de la commune rurale d'El-Argoub à Dakhla, dans le Sahara occidental contesté, principalement contrôlé par le Maroc, le 26 mai 2025 (Photo par Abdel Majid BZIOUAT / AFP)
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  • L'« Initiative Atlantique », annoncée en novembre 2023 par le roi du Maroc, vise à donner au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, tous enclavés, un accès à l'océan.
  • Cette annonce intervient dans un contexte géopolitique mouvant : entre 2020 et 2023, des coups d'État ont frappé ces trois pays.

MAROC : Le projet colossal de permettre aux pays du Sahel d'accéder à sa façade atlantique via des milliers de kilomètres de corridors logistiques terrestres est poursuivi par le Maroc, non sans défis, dans une région en pleine recomposition et minée par les violences jihadistes.

L'« Initiative Atlantique », annoncée en novembre 2023 par le roi du Maroc, vise à donner au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, tous enclavés, un accès à l'océan. Un projet qui, selon Mohammed VI, « transformera substantiellement l'économie de ces pays et de toute la région ».

Rabat ferait ainsi d'une pierre plusieurs coups : étendre son influence en Afrique, développer le territoire disputé du Sahara occidental dont la majeure partie est contrôlée par le Maroc mais revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l'Algérie, et damer le pion à Alger dont les relations avec le Mali, le Niger et le Burkina se sont dégradées.

Cette annonce intervient dans un contexte géopolitique mouvant : entre 2020 et 2023, des coups d'État ont frappé ces trois pays, et les régimes militaires qui y ont pris le pouvoir ont tourné le dos à l'Occident pour se rapprocher de la Russie.

Au même moment, certaines décisions de l'Union africaine et d'organismes régionaux comme la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) contribuaient à isoler les nouveaux régimes.

Or, fin avril à Rabat, le ministre des Affaires étrangères du Niger, Bakary Yaou Sangaré, a affirmé que le Maroc était « l'un des tout premiers pays auprès de qui on a trouvé la compréhension, au moment où la CEDEAO et d'autres pays étaient sur le point de nous livrer la guerre ».

Au regard de la situation, « l'initiative royale est une aubaine pour nos pays », a-t-il assuré après avoir été reçu par Mohammed VI en compagnie des ministres des Affaires étrangères du Burkina et du Mali. 

Actuellement, pour ses échanges commerciaux, l'AES s'appuie sur des ports situés dans plusieurs pays de la CEDEAO (Bénin, Togo, Sénégal, Côte d'Ivoire, Ghana), mais les tensions régionales peuvent compliquer l'accès à ces ports.

Le projet intervient également à un moment où les relations entre l'AES et son voisin algérien se tendent : les pays de l'alliance ont récemment rappelé leurs ambassadeurs à Alger, accusant les autorités algériennes d'avoir abattu un drone malien.

En outre, selon Beatriz Mesa, professeure à l'université internationale de Rabat, les mécanismes sécuritaires européens tels que Barkhane ou Takuba ont « échoué » en Afrique.

Le Maroc, qui se positionne dans une « triangularité » avec l'Afrique et l'Occident, est en train de « rentabiliser ces échecs en se positionnant comme partenaire fiable de l'Europe dans le Sud global », analyse-t-elle.

Après les grandes annonces, reste la question de la faisabilité et du financement. 

D'après la revue Afrique(s) en mouvement, qui réunit plusieurs experts, des pays comme les États-Unis, la France ou des États du Golfe, qui ont publiquement soutenu l'initiative marocaine, sont de potentiels bailleurs pour ce projet colossal.

Selon Abdelmalek Alaoui, président de l'Institut marocain d'intelligence stratégique (Imis), un réseau terrestre entre le Maroc et le Tchad, qui passerait par la Mauritanie, pourrait coûter près d'un milliard de dollars (environ 930 millions d'euros).

Le tracé reste pour l'instant flou, mais le Tchad, qui semble « un peu en retrait » dans le projet par rapport à l'AES, est distant de quelque 3 000 kilomètres du Maroc, souligne Seidik Abba, président du Centre international d'études et de réflexions sur le Sahel (CIRES). 

Il y a donc « encore des étapes à franchir », puisque pour l'instant, le « réseau routier ou ferroviaire n'existe pas », dit cet expert nigérien, relevant aussi le manque de parc automobile dans la région.

Selon Rida Lyammouri du Policy Center for the New South, un groupe de réflexion marocain, « une nouvelle route terrestre » entre le Maroc et la Mauritanie est « presque finalisée », et Nouakchott mène des travaux sur son territoire pour garantir la continuité du corridor.

Mais la question des routes dépend surtout de la sécurité au Sahel. « Si vous avez des escarmouches, de facto, vos travaux s'arrêtent », pointe M. Alaoui, alors que la région est en proie à des attaques persistantes de groupes jihadistes.

Concernant l'import-export, le futur port en eau profonde « Dakhla Atlantique », conçu dans le cadre du développement du Sahara occidental, sera mis à disposition de l'initiative marocaine.

Lancé fin 2021, ce chantier de 1,2 milliard d'euros, situé à El Argoub, au cœur du territoire, affiche un taux d'avancement de 38 %. La fin des travaux est prévue pour 2028.