Pour Braun-Pivet, le défi d'une Assemblée à trois pôles

La présidente de l'Assemblée nationale française Yael Braun-Pivet préside une séance de discussion sur le projet de réforme des retraites du gouvernement à l'Assemblée nationale, chambre basse du Parlement français, à Paris, le 17 février 2023. (AFP).
La présidente de l'Assemblée nationale française Yael Braun-Pivet préside une séance de discussion sur le projet de réforme des retraites du gouvernement à l'Assemblée nationale, chambre basse du Parlement français, à Paris, le 17 février 2023. (AFP).
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Publié le Dimanche 19 février 2023

Pour Braun-Pivet, le défi d'une Assemblée à trois pôles

  • Personne ou presque ne la connaissait en 2017 lorsqu'elle faisait son entrée en politique en tant que députée En Marche, après avoir «toujours voté PS»
  • Yaël Braun-Pivet a cheminé au pas de course au point d'arracher cinq ans plus tard le convoité Perchoir, sans être le premier choix d'Emmanuel Macron

PARIS : Coups de griffe du RN, guérilla des Insoumis et piques venues de son camp... Entre prises de liberté et recadrages, Yaël Braun-Pivet tente de garder ses "lignes de fond" dans sa présidence d'une Assemblée triplement polarisée et enflammée par la réforme des retraites.

Personne ou presque ne la connaissait en 2017 lorsqu'elle faisait son entrée en politique en tant que députée En Marche, après avoir "toujours voté PS".

L'élue des Yvelines, 52 ans, a cheminé au pas de course au point d'arracher cinq ans plus tard le convoité Perchoir, sans être le premier choix d'Emmanuel Macron. Avec le défi de canaliser les joutes acharnées entre bancs du RN, de la Nupes et de la majorité macroniste.

Soucieuse de faire jouer sa liberté, l'ancienne avocate pénaliste s'oppose à la tentation présidentielle de présenter la réforme des retraites par amendement au budget de la Sécu, privilégiant un examen plus approfondi. L'épisode a laissé des traces dans son camp.

"Elle ne doit son élection qu'à elle-même. Mais être libre, on le montre dans des actes, pas comme ça", grince un membre de Renaissance.

Pas toujours prophète en son pays

Rebelote lorsqu'elle déplore "l'obstruction" parlementaire, au lendemain d'un barrage d'amendements macronistes contre une proposition LFI de réintégration des soignants non-vaccinés.

En réponse: neuf responsables Renaissance rejettent dans une tribune toute "obstruction", appelant à ne pas "oublier" de "combattre" les Insoumis et le RN.

Certains nostalgiques regrettent d'avoir perdu "une courroie de transmission" qu'était l'ancien président de l'Assemblée Richard Ferrand, proche d'Emmmanuel Macron et "de facto le vrai président de groupe", selon une députée Renaissance.

Dans l'entourage de la présidente on minore le nombre de mécontents et on soutient que "l'Élysée comme Matignon ont tout à fait compris que son rôle était différent de celui d'un président de groupe".

En creux, certains soupçonnent ses multiples déplacements et son souci d'ouvrir au public l'Assemblée d'être le fruit d'ambitions présidentielles, jamais confirmées.

Certains lui en veulent encore d'avoir accordé des postes à l'Assemblée au RN et lui reprochent des maladresses, comme lorsqu'elle déclare au Figaro que: "ses élus nous montrent qu'ils travaillent".

Peu importe qu'elle précise à la même ligne que "le combat contre le RN doit être mené sur le fond", les députés du groupe d'extrême droite s'empressent de brandir la première partie de la citation sur les réseaux sociaux.

"Elle en vient à dire des conneries parfois", soupire une députée de la majorité. "Ceux qui parlent d'elle en bien sont de l'opposition".

Mais plusieurs membres de la majorité louent ses qualités, trouvant qu'elle "a fait le job" dans la rude séquence des retraites. "Elle a beaucoup de courage", estime Jean-Paul Mattei (MoDem), "c'est un potentiel de notre majorité", juge un député Renaissance.

Avec la gauche, les rapports se sont dégradés.

Le torchon brûle avec LFI

"Obstruction, appel à "se ressaisir", Yaël Braun-Pivet n'a pas mis de gants pour s'en prendre à la stratégie des insoumis. Ces derniers n'hésitant à pas la qualifier "d'agent provocateur", ou à l'attaquer sur son portefeuille d'actions dans des entreprises.

Le torchon brûle depuis qu'elle a proposé l'exclusion temporaire pour 15 jours de l'insoumis Thomas Portes, pour un tweet le montrant le pied posé sur un ballon à l'effigie du ministre du Travail Olivier Dussopt. Une sanction validée par une majorité de députés, mais qui ne passe pas pour LFI, car identique à celle infligée au RN Grégoire de Fournas pour des propos jugés racistes.

Autre motif de tension avec la gauche: un tirage au sort inédit pour savoir qui de la Nupes ou du RN défendrait une demande de référendum contre la réforme des retraites, remporté par le groupe de Marine Le Pen.

"Le seul moyen d'exercer la présidence, c'est de s'en tenir à des lignes de fond: le respect du règlement, et des décisions du bureau", plus haute instance collégiale de l'Assemblée, défend son entourage.

"Elle a un travail compliqué", juge l'ex-titulaire du Perchoir Claude Bartolone. "J'étais président à une époque où il y avait moins de groupes. Leurs présidents les tenaient davantage. Là, j'ai le sentiment qu'il y a pas mal de députés auto-entrepreneurs".


Plastique, montée des eaux, biodiversité : l’Océan appelle au secours

Un manifestant participe à la Marche Bleue (Marche Bleue) sur la Promenade des Anglais avant la Conférence des Nations Unies sur les océans (Unoc 3), dans la ville de Nice, sur la Côte d'Azur, dans le sud-est de la France, le 7 juin 2025.
Un manifestant participe à la Marche Bleue (Marche Bleue) sur la Promenade des Anglais avant la Conférence des Nations Unies sur les océans (Unoc 3), dans la ville de Nice, sur la Côte d'Azur, dans le sud-est de la France, le 7 juin 2025.
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  • L’heure est à l’alerte. Selon les dernières données du GIEC, le niveau moyen des mers a déjà augmenté de 20 centimètres depuis 1901, et pourrait s’élever de plus d’un mètre d’ici la fin du siècle
  • « Le plastique présent dans la chaîne alimentaire marine finit dans nos assiettes. Ses effets sur le métabolisme, notamment les perturbateurs endocriniens, commencent à être mesurés. » souligne Frédérique Bordes.

RIYAD : Face à l’aggravation de la crise environnementale marine, les projecteurs se tournent vers Nice, où se tient la troisième Conférence des Nations unies sur les océans. Il est temps de passer de la parole aux actes pour protéger l’un des piliers vitaux de la planète : l’océan.

Tout au long de cette semaine, la cité méditerranéenne accueille un important sommet diplomatique. La Conférence UNOC 3, organisée conjointement par la France et le Costa Rica, réunit une diversité d’acteurs venus du monde entier : responsables politiques, chercheurs, représentants d’ONG, entreprises et citoyens engagés. Leur ambition commune : faire avancer la gouvernance des mers et accélérer les efforts pour préserver un écosystème aussi essentiel que menacé.

L’heure est à l’alerte. Selon les dernières données du GIEC, le niveau moyen des mers a déjà augmenté de 20 centimètres depuis 1901, et pourrait s’élever de plus d’un mètre d’ici la fin du siècle si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas drastiquement. Mais cette situation ne constitue qu’un volet de la crise multidimensionnelle à laquelle nous sommes confrontés.

L’acidification croissante des océans, due à l’absorption du CO₂ atmosphérique, perturbe les chaînes alimentaires marines. Le réchauffement des eaux accentue par ailleurs la fréquence des événements de blanchiment des coraux. En 2024, un épisode massif a touché plus de 84 % des récifs coralliens tropicaux, notamment dans le Pacifique et l’océan Indien, mettant en péril des milliers d’espèces.

La pollution plastique atteint quant à elle des proportions dramatiques. Selon le PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement), plus de 11 millions de tonnes de plastique finissent dans les mers chaque année. Cela représente l’équivalent d’un camion-poubelle par minute.

On estime aujourd’hui à plus de 170 000 milliards le nombre de particules plastiques flottant à la surface des océans. Ces microplastiques ont été retrouvés dans des organismes marins à tous les niveaux trophiques : poissons, mollusques, plancton, etc., mais aussi dans les systèmes digestifs de cétacés et d’oiseaux marins, provoquant des troubles, voire la mort.

« On retrouve désormais des microplastiques dans des zones reculées comme la fosse des Mariannes ou l’Arctique. C’est devenu un indicateur clair de la diffusion globale de cette pollution », alerte Frédérique Bordes, chercheuse à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).

Elle souligne également l’impact sur la santé humaine : « Le plastique présent dans la chaîne alimentaire marine finit dans nos assiettes. Ses effets sur le métabolisme, notamment les perturbateurs endocriniens, commencent à être mesurés. »

Face à cette situation, la communauté scientifique s’accorde sur un point : le statu quo est intenable. D’où l’importance de la Conférence UNOC 3, au cours de laquelle la France, détentrice de la deuxième plus grande zone économique exclusive au monde, entend jouer un rôle moteur. Depuis 2017, Paris affiche une diplomatie bleue assumée, en promouvant la protection de 30 % des espaces marins d’ici 2030 et en soutenant le traité sur la haute mer (BBNJ), récemment adopté par les Nations unies.

La conférence s’articule autour de dix panels thématiques : pêche durable, innovation marine, pollution, gouvernance, biodiversité, etc. L'objectif est de produire des décisions concrètes et de mobiliser des financements. L'objectif est également d'impulser une dynamique collective à long terme.

« La mer n’a pas de frontières politiques, mais elle a besoin de règles communes », affirme Carlos Jiménez, biologiste marin costaricien. « L’UNOC 3 est une opportunité unique d'harmoniser les efforts mondiaux. La coopération est notre seul espoir pour faire face à une crise aussi diffuse et globale. »

Et pour que la mobilisation dépasse les cénacles diplomatiques, l’initiative Nous sommes l’Océan invite la société civile à participer. Plus de 400 événements gratuits sont organisés dans l’espace La Baleine, alliant projections, débats, ateliers éducatifs et expositions artistiques. Une manière de rapprocher les enjeux !

L'objectif est de rapprocher les enjeux scientifiques du grand public et de faire émerger une conscience océanique partagée.

Nice entend incarner un tournant. En replaçant l’Océan au centre de l’agenda international, l’UNOC 3 ambitionne de transformer l’inquiétude mondiale en stratégie d’action. Mais entre les constats et les actes, le chemin est semé d’écueils. Et le temps, lui, presse.


Retraites : le ministre de l'Économie peu favorable à une capitalisation obligatoire

Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Éric Lombard, lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, à Paris, le 3 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Éric Lombard, lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, à Paris, le 3 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • « En faire un élément obligatoire, je ne suis pas certain que ce soit le bon moment. Nous avons d'autres priorités plus pressantes en ce qui concerne les retraites », a déclaré Éric Lombard
  • « Le problème de la capitalisation, c'est qu'elle est inégalitaire dans l'organisation actuelle : ce sont ceux qui ont de l'argent, donc ceux qui ont des revenus plus élevés, qui peuvent la placer », a-t-il souligné.

PARIS : Le ministre de l'Économie, Éric Lombard, a estimé dimanche que le moment n'était pas opportun pour introduire une part « obligatoire » de capitalisation dans le système des retraites, comme l'a proposé l'ancien Premier ministre Édouard Philippe.

« En faire un élément obligatoire, je ne suis pas certain que ce soit le bon moment. Nous avons d'autres priorités plus pressantes en ce qui concerne les retraites », a déclaré Éric Lombard lors d'un entretien sur France Inter/France Info/Le Monde.

« Le problème de la capitalisation, c'est qu'elle est inégalitaire dans l'organisation actuelle : ce sont ceux qui ont de l'argent, donc ceux qui ont des revenus plus élevés, qui peuvent la placer », a-t-il souligné.

« Et si on devait faire de la capitalisation un élément obligatoire, qui le financerait ? Les entreprises ont de faibles marges de manœuvre et il n'y a pas de quoi prélever. Cela demanderait donc une réflexion plus large sur l'organisation », a-t-il ajouté, privilégiant aujourd'hui une « incitation à investir ».

Candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle, Édouard Philippe a évoqué, mercredi, l'introduction de 15 % de part de capitalisation dans le système des retraites, car « notre société vieillit » et fait face à « la dénatalité ». 

Par ailleurs, Éric Lombard a réitéré la volonté du gouvernement de maîtriser la dépense publique dans le cadre du prochain budget pour 2026, qui nécessitera environ 40 milliards d'euros d'efforts supplémentaires par rapport à l'évolution des dépenses si aucune mesure n'est prise.

« Nous n'augmenterons pas les impôts dans leur ensemble », a-t-il affirmé. « Nous sommes dans une phase de stabilisation globale des dépenses, ce qui signifie que nous ne procéderons pas à une austérité généralisée », a-t-il expliqué.

Concernant la piste d'une « année blanche », soit un gel budgétaire, le ministre a estimé que son éventuel périmètre d'application nécessiterait « des décisions politiques au cas par cas ».

« Nous sommes obligés de tout distinguer en fonction des secteurs », a-t-il développé. « Si nous devons avoir des fonds pour la défense, il faut que d'autres ministères contribuent. De la même façon, dans le domaine social, il y a probablement des prestations qu'on peut stabiliser, alors que d'autres bénéficient aux personnes les plus modestes, même si l'inflation est très basse cette année. 

« Il faut engager la baisse du nombre de fonctionnaires », a-t-il également indiqué, précisant toutefois que « les chiffres ne sont pas encore fixés ».

Samedi soir, dans un entretien au Journal du dimanche, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a également affirmé que le gouvernement voulait « revoir cette tendance » à la hausse du nombre de fonctionnaires ces dernières années.


Marche blanche à Marseille en hommage à Hichem Miraoui, tué parce qu'étranger

Les proches de Hichem - ses cousins Mouna (à droite) et Siam Mouraoui, ainsi que les participants, brandissent une banderole sur laquelle on peut lire « Le racisme a encore frappé, justice pour Hichem ». lors d'une Marche Blanche organisée en hommage à Hichem Miraoui, le 8 juin 2025. (Photo de Christophe SIMON / AFP)
Les proches de Hichem - ses cousins Mouna (à droite) et Siam Mouraoui, ainsi que les participants, brandissent une banderole sur laquelle on peut lire « Le racisme a encore frappé, justice pour Hichem ». lors d'une Marche Blanche organisée en hommage à Hichem Miraoui, le 8 juin 2025. (Photo de Christophe SIMON / AFP)
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  • Après une minute de silence, les participants à la marche ont observé une minute de silence, puis ont scandé : « Justice pour Hichem ! ».
  • L'avocat de la famille d'Hichem Miraoui, Sefen Guez Guez a expliqué que cette marche était « un appel au sursaut républicain, un appel au sursaut pour tous ».

MARSEILLE : Quelque 450 personnes ont participé silencieusement à une marche blanche organisée dimanche matin à Marseille en hommage à Hichem Miraoui, un quadragénaire tunisien tué dans le Var le 31 mai par un voisin français. La justice a qualifié ce crime de terroriste et raciste.

Des proches de la victime, ainsi que l'un de ses voisins de nationalité turque, blessé par balles par l'assaillant à Puget-sur-Argens (Var) et qui portait un bandage à la main droite, ont défilé derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire : « Le racisme a de nouveau tué. Justice pour Hichem ! ».

Après une minute de silence, les participants à la marche ont observé une minute de silence, puis ont scandé : « Justice pour Hichem ! ».

« C'est ignoble ce qu'il a commis, ce qu'ils ont fait. On demande justice », a expliqué Mouna Miraoui, cousine de la victime, retenant difficilement ses larmes.

« Ce n'est pas parce qu'on n'a pas la même nationalité ou la même religion qu'on doit détester quelqu'un ou se permettre de le tuer. C'est un être humain qu'on a tué. Il était très bien intégré là-bas », a-t-elle poursuivi. 

« Il était généreux, il aidait tout le monde, il avait la joie de vivre. Le soir du crime, il était au téléphone avec sa mère. Ses derniers mots étaient « aïe », a-t-elle déploré.

L'avocat de la famille d'Hichem Miraoui, Sefen Guez Guez a expliqué que cette marche était « un appel au sursaut républicain, un appel au sursaut pour tous ».

« Nous mènerons le combat jusqu'au bout pour que toutes les responsabilités soient tirées, jusqu'au plus haut sommet de l'État, parce que ce racisme d'atmosphère, ce qui a visé Hichem, c'est un racisme, c'est une islamophobie, c'est une xénophobie », a-t-il dénoncé.

Selon lui, « le meurtrier s'est nécessairement nourri des discours des politiques : lorsqu'on dit + à bas le voile+, on dit + abattre + ». Lorsqu'on parle de submersion migratoire, on désigne l'étranger comme un ennemi. Lorsqu'on parle d'ensauvagement, on considère l'étranger comme inférieur au Français. » 

Cette marche blanche, à laquelle ont participé plusieurs députés LFI de la région, comme Manuel Bompard, Sébastien Delogu ou Raphaël Arnault, se voulait apolitique. Une autre manifestation est prévue dans l'après-midi à Puget-sur-Argens.

Le 31 mai, vers 22 h 00, le suspect français, Christophe B., âgé de 53 ans, a, selon le parquet antiterroriste (Pnat), « tiré à plusieurs reprises » sur son voisin Hichem Miraoui depuis sa voiture. Il avait publié plusieurs vidéos à caractère raciste sur Facebook avant et après son acte.

Incarcéré, il a reconnu son crime tout en contestant son caractère raciste, et a été mis en examen jeudi pour assassinat terroriste en raison de l'origine.