Le comportement régional de l’Iran va-t-il changer?

L'ayatollah Ali Khamenei à Téhéran, le 11 juin 2023 (Photo, AFP).
L'ayatollah Ali Khamenei à Téhéran, le 11 juin 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 26 juin 2023

Le comportement régional de l’Iran va-t-il changer?

Le comportement régional de l’Iran va-t-il changer?
  • M. Khamenei a déclaré que l’Iran n’avait aucun problème à rétablir pleinement ses relations avec Le Caire dans le cadre de sa politique de bon voisinage
  • Il n’y a aucune preuve d’un mouvement iranien visant à liquider la présence militaire directe de l’Iran en Syrie

Plusieurs éléments indiquent une convergence et une ouverture continues entre Téhéran et les capitales arabes, avec de fortes indications d’une reprise imminente des relations entre Le Caire et Téhéran.

La reprise des relations avec l’Égypte a été saluée par le guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei, lors de sa réception du sultan Haïtham ben Tariq, le sultan d’Oman, qui s’est récemment rendu en Iran.

M. Khamenei a déclaré que l’Iran n’avait aucun problème à rétablir pleinement ses relations avec Le Caire dans le cadre de sa politique de bon voisinage. Le porte-parole du gouvernement iranien a également exprimé sa volonté de renforcer les relations avec l’Égypte et a déclaré que le président Ebrahim Raïssi avait chargé le ministère des Affaires étrangères de prendre les mesures nécessaires à cet égard.

Il est évident que le sultanat d’Oman a joué un rôle de premier plan dans la désescalade des tensions et le dégel des relations régionales iraniennes, tant avec l’Égypte qu’avec le royaume d’Arabie saoudite. Des rapports suggèrent également que Mascate joue actuellement un rôle similaire entre Téhéran et Washington.

Certains rapports indiquent que l’Égypte envisage divers aspects du rapprochement avec l’Iran et a pris des mesures pour permettre aux touristes iraniens d’entrer en Égypte selon des procédures spécifiques, dans le but de stimuler le tourisme et d’augmenter les entrées de devises étrangères.

Personne ne rejette ou ne s’oppose à la convergence ou à la détente régionale avec l’Iran ou la Turquie, ni à l’établissement de relations officielles avec Israël. La sécurité et la stabilité sont des conditions préalables importantes pour parvenir à la paix et promouvoir la coexistence au Moyen-Orient.

Toutefois, la réalisation de cet objectif ne dépend pas uniquement d’accords procéduraux et de l’échange d’ambassadeurs mais est également liée à des transformations substantielles et authentiques qui s’attaquent aux causes, aux manifestations et aux facteurs qui ont alimenté les tensions depuis le début.

Par exemple, en ce qui concerne l’Iran, les observateurs ne remarquent aucun changement dans le comportement régional iranien qui indique le sérieux de Téhéran dans l’ouverture d’un nouveau chapitre avec ses voisins arabes. Il n’y a aucune preuve d’un mouvement iranien visant à liquider la présence militaire directe de l’Iran en Syrie ou le soutien militaire et financier fourni aux milices soutenues par Téhéran en Irak.

Il n’y a aucun signe de pression iranienne sur les Houthis, ses alliés au Yémen, ou sur le Hezbollah au Liban pour mettre fin aux crises dans ces pays arabes et restaurer une atmosphère nationale unifiée.

Dans cette affaire, il y a deux perspectives. La première suggère que le rapprochement avec Téhéran encourage l’Iran à prendre des mesures similaires pour mettre progressivement fin à ses interventions régionales et que cette convergence peut servir d’incitation pour les Iraniens en tant que message positif. Il s’agit là d’un point de vue qui s’inscrit dans le monde de la politique pragmatique.

La seconde perspective suggère que le rapprochement avec l’Iran devrait être basé sur une approche «tit-for-tat», où toute mesure arabe devrait être accompagnée d’une mesure iranienne similaire.

Toutefois, cette politique semble difficile à mettre en œuvre dans le cas de l’Iran, en particulier en ce qui concerne la question de l’arrêt des interventions iraniennes dans les affaires arabes. L’Iran a ce qu’il considère comme une réponse logique dans chaque cas, et il possède des capacités de négociation qui lui permettent de s’engager dans des pourparlers prolongés, même si le dialogue se déroule en cycles consécutifs futiles. Les négociations entre les délégations iraniennes et les représentants des grandes puissances sur le dossier nucléaire en sont un exemple (la négociation de l’accord de 2015 a pris plusieurs années, pour aboutir à un accord que la plupart des experts et spécialistes considèrent comme étant dans l’intérêt de l’Iran).

Entre les deux, certains pensent que l’ouverture à l’Iran et la fermeture temporaire des portes de tensions servent un intérêt stratégique arabe en termes de suppression des justifications pour les interventions iraniennes, les comportements provocateurs, le chaos et les perturbations. Cela permet également d’instaurer un climat régional favorable au développement, particulièrement nécessaire aux stratégies de développement ambitieuses des pays du Conseil de coopération du Golfe. C’est tout à fait vrai, et il n’y a pas de débat à ce sujet, d’autant plus que l’Iran a un vaste projet d’expansion qui n’est pas négociable du point de vue iranien. Des milliards de dollars ont été investis et dépensés en Irak, en Syrie, au Yémen, au Liban et ailleurs.

Personnellement, je ne crois pas que Téhéran puisse y renoncer totalement ou partiellement avant d’avoir atteint ses objectifs à long terme, soit par la reconnaissance régionale et internationale de son rôle et de son statut, soit en devenant une puissance nucléaire régionale, ce qui lui permettrait d’atteindre son but ultime, à savoir soutenir le régime iranien, consolider son pouvoir et atteindre ses objectifs.

On peut donc dire qu’il est difficile de modifier le comportement régional de l’Iran dans un avenir prévisible, quelle que soit l’atmosphère de rapprochement et de détente régionale. Cela signifie en soi que Téhéran se contente de slogans, poursuit ses intérêts, neutralise les positions et les politiques arabes à son égard, sans faire de concessions significatives.

Toutefois, cela n’enlève rien à la pertinence des paris sur la possibilité d’un changement du comportement iranien et sur la probabilité d’un rapprochement entre Téhéran et les capitales arabes, car, dans la réalité actuelle, il n’y a pas d’autre solution que d’essayer de convaincre Téhéran des avantages de la sécurité et de la stabilité, surtout si l’on considère les souffrances économiques et sociétales causées par les politiques hostiles de l’Iran au fil des décennies et des années.

 

Salem AlKetbi est politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.