Pourquoi Israël n'a-t-il pas réussi à déjouer l’attaque du Hamas malgré les avertissements?

Des militants palestiniens ont franchi la barrière frontalière pour lancer des attaques et ont pris des otages dans le sud d'Israël le 7 octobre, pendant que des barrages de roquettes étaient tirés sur Israël. (Photo, réseaux sociaux)
Des militants palestiniens ont franchi la barrière frontalière pour lancer des attaques et ont pris des otages dans le sud d'Israël le 7 octobre, pendant que des barrages de roquettes étaient tirés sur Israël. (Photo, réseaux sociaux)
Des Palestiniens et des militants des Brigades Ezzedine al-Qassam courent vers le point de passage d'Erez entre Israël et le nord de la bande de Gaza, le 7 octobre 2023. (Photo, AFP)
Des Palestiniens et des militants des Brigades Ezzedine al-Qassam courent vers le point de passage d'Erez entre Israël et le nord de la bande de Gaza, le 7 octobre 2023. (Photo, AFP)
Sur cette photo prise le 13 avril 2018, des soldats israéliens maintiennent leur position dans le kibboutz sud de Nahal Oz, de l'autre côté de la frontière avec la bande de Gaza, alors que les manifestants palestiniens se rassemblent le long de la barrière frontalière. (Photo, AFP)
Sur cette photo prise le 13 avril 2018, des soldats israéliens maintiennent leur position dans le kibboutz sud de Nahal Oz, de l'autre côté de la frontière avec la bande de Gaza, alors que les manifestants palestiniens se rassemblent le long de la barrière frontalière. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 09 décembre 2023

Pourquoi Israël n'a-t-il pas réussi à déjouer l’attaque du Hamas malgré les avertissements?

  • L'inaction est d'autant plus remarquable qu'Israël avait obtenu une copie du plan de bataille avant l'assaut
  • Les médias sociaux bruissent de théories conspirationnistes: le gouvernement israélien était au courant des événements imminents mais les a laissés se produire

LONDRES: Le 6 octobre 1973, Israël a été totalement pris au dépourvu par une attaque menée par une coalition d'États du Moyen-Orient, dirigée par l'Égypte, qui a failli le rayer de la carte.

En fin de compte, Israël, soutenu par un pont aérien massif d'armes de pointe et d'autres aides des États-Unis, a survécu à la guerre du Kippour, bien qu'à un prix élevé − plus de 2 600 de ses soldats ont été tués et des milliers d'autres ont été blessés.

Mais «il s'agit d'un échec grave en matière de renseignement», a expliqué Ahron Bregman, historien, auteur et politologue israélien basé au Royaume-Uni.

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Des Palestiniens prennent le contrôle d'un char de combat Merkava israélien après avoir franchi la barrière frontalière avec Israël depuis Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 7 octobre 2023. (Photo, AFP)

Par la suite, dans une société laissée «dans un état de choc collectif profond», des questions difficiles ont été posées aux politiciens israéliens, à l'armée et à la communauté du renseignement et, «soi-disant, des leçons ont été tirées».

Mais presque 50 ans plus tard, jour pour jour, le 7 octobre 2023, Israël a de nouveau été pris par surprise, cette fois par un assaut du Hamas qui a fait au moins 1 200 morts parmi les citoyens et les soldats israéliens et en a ramené près de 250 à Gaza en tant qu'otages.

Aujourd'hui, dans un Israël déchiré et divisé par le doute, l'anxiété et la colère face à l'incapacité de son gouvernement et de ses forces militaires tant vantées non seulement à anticiper et à prévenir l'attaque, mais aussi à y répondre en temps utile, des questions difficiles sont à nouveau posées sur ce qui a mal tourné et sur les personnes à blâmer.

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Des militants du Hamas capturent des otages israéliens dans le kibboutz Be'eri lors d'une attaque massive contre l'État juif le 7 octobre 2023. (Photo X)

«Comme lors de la guerre du Kippour, les Israéliens disposaient de toutes les informations, de tous les détails», a déclaré Bregman, chargé d'enseignement au département des études sur la guerre du King's College de Londres au Royaume-Uni, qui a servi dans l'armée israélienne pendant six ans.

«Il s'agit là d'une nouvelle défaillance grave des services de renseignement israéliens», a-t-il précisé.

«À l'avenir, l'attaque du Hamas le 7 octobre sera enseignée dans les écoles militaires, au même titre que Pearl Harbor, l'opération Barbarossa (l'attaque surprise de l'Allemagne contre la Russie en 1941) et la guerre du Kippour», a jugé Bregman.

EN NOMBRES

• 1200 personnes, dont des Israéliens et des étrangers, tuées lors de l'attaque du Hamas en octobre.

• Plus de 240 personnes prises en otage par le Hamas et des groupes alliés, dont certaines ont été libérées par la suite.

• 17 177 personnes tuées en Palestine depuis qu'Israël a lancé sa campagne de représailles.

Grâce à une fuite surprenante, provenant vraisemblablement des services de renseignement israéliens, il est clair que l'échec de la préparation du 7 octobre a été d'autant plus remarquable qu'Israël avait obtenu une copie du plan de bataille du Hamas avant l'attaque.

Le 30 novembre, le New York Times a publié un article exclusif affirmant que les responsables israéliens avaient obtenu le plan «plus d'un an avant qu'il ne se produise». Mais les responsables de l'armée et des services de renseignement israéliens ont rejeté le plan comme étant ambitieux, estimant qu'il était trop difficile pour le Hamas de le mettre en œuvre.

Le Hamas avait «suivi le plan avec une précision choquante», conclut le Times, «ce qui aurait pu être un coup des services de renseignement qui s'est transformé en l'une des pires erreurs de calcul en 75 ans d'histoire d'Israël».

Les agents de renseignement désenchantés ne sont pas les seuls Israéliens à faire des révélations sur les manquements d'Israël à la veille du 7 octobre.

Il apparaît aujourd'hui que, dans les mois, les semaines et les jours qui ont précédé l'attaque du Hamas, les avertissements répétés des observateurs de l'armée israélienne chargés de surveiller le «mur de fer» entre Israël et Gaza ont été ignorés ou rejetés.

Les images des caméras placées le long de la clôture de haute technologie, qui a été rénovée en 2021 pour un milliard de dollars, sont surveillées jour et nuit par des membres du corps de collecte de renseignements de combat des forces de défense israéliennes.

Le mur semblait redoutable: une clôture de 6 mètres de haut, surmontée de fils barbelés et encastrée dans de profondes fondations en béton pour empêcher le creusement de tunnels, hérissée de systèmes de surveillance sophistiqués et de mitrailleuses télécommandées montées sur des tours tout au long de son parcours.

Mais le 7 octobre, le mur high-tech a été battu par une combinaison de bulldozers low-tech, d'explosifs et de drones qui ont largué des bombes sur les nids de mitrailleuses.

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Sur cette photo prise le 13 avril 2018, des soldats israéliens gardent leur position dans le kibboutz méridional de Nahal Oz, de l'autre côté de la frontière avec la bande de Gaza, alors que des manifestants palestiniens se rassemblent le long de la clôture frontalière. (Photo, AFP)

L'une des premières cibles des combattants du Hamas qui se sont engouffrés dans la brèche de la clôture a été une base militaire située dans le kibboutz de Nahal Oz, à environ un kilomètre à l'intérieur d'Israël. C'est là que 25 des 27 observatrices ont été tuées.

Alors que les Israéliens cherchent des réponses pour expliquer pourquoi l'attaque du Hamas a été si réussie et la réponse de l'armée israélienne si inadéquate, les deux femmes qui ont survécu à l'attaque de la base viennent de se manifester en affirmant que les avertissements répétés qu'elles et leurs collègues ont donnés ont été ignorés par les officiers supérieurs.

Selon un rapport du Times of Israel, pendant au moins trois mois avant l'attaque, les observateurs ont repéré et signalé des activités répétées et de plus en plus suspectes, notamment «des agents du Hamas menant des séances d'entraînement plusieurs fois par jour, creusant des trous et plaçant des explosifs le long de la frontière».

Pourtant, tous ces signes ont été «ignorés par les responsables du renseignement, qui les ont jugés sans importance».

L'une des deux survivantes de Nahal Oz a révélé à la chaîne publique israélienne Kan qu'elle avait vu des agents du Hamas s'entraîner à la barrière frontalière pendant des semaines.

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Des Palestiniens conduisent un tracteur israélien qui a été saisi après avoir franchi la frontière avec Israël depuis Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 7 octobre 2023. (Photo, AFP)

Maya Desiatnik a compris que ce n'était qu'une «question de temps» avant que quelque chose d'important ne se produise, mais ses avertissements répétés ont été ignorés. Et le 7 octobre, quelque chose d'important s'est produit.

Ce jour-là, elle a commencé son service à 3h30 du matin. Tout était calme au début, mais à 6h30, «nous avons vu des gens courir de tous côtés vers la frontière, armés», a-t-elle raconté à Kan. «Nous avons vu des motos et des camionnettes se diriger directement vers la clôture.»

«Nous les avons vus faire sauter la clôture et la détruire. Nous avons peut-être pleuré, mais nous avons continué à faire notre travail», a-t-elle ajouté.

«C'est exaspérant», a signalé Desiatnik à Kan. «Nous avons vu ce qui se passait, nous leur en avons parlé, et c'est nous qui avons été assassinés.»

Israël fait grand cas du fait que les femmes servent aux côtés des hommes dans ses forces armées. À quelques exceptions près, tout citoyen juif, druze ou circassien âgé de plus de 18 ans effectue son service militaire obligatoire.

Les hommes sont censés servir pendant au moins 32 mois et les femmes, qui apparaissent fréquemment dans les vidéos des FDI, pendant au moins 24 mois.

Mais l'une des explications de l’échec du 7 octobre, a estimé Bregman, «est à mon avis liée au sexe des soldats».

«La plupart des observateurs le long de la frontière, qui suivent et rendent compte des activités du Hamas, sont des femmes soldats», a-t-il expliqué.

Pourtant, dans les semaines et les mois qui ont précédé le 7 octobre, elles n'ont cessé de faire des rapports à leurs supérieurs, qui étaient tous des hommes, bien sûr, en disant: «Écoutez, ils préparent une attaque contre nous, voici toutes les informations», et elles ont été ignorées.

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Des soldats israéliens patrouillent le long de la barrière frontalière du Kibutz Beeri, près de la frontière avec la bande de Gaza, le 25 octobre 2023, à la suite de l'attaque du 7 octobre par des militants palestiniens du Hamas. (Photo, AFP)

«Et je crois que l'une des raisons pour lesquelles elles ont été ignorées est le fait qu'il s'agissait de jeunes femmes», a-t-il clarifié.

Mais le manque de confiance mortel de l'armée dans ses observatrices n'est que l'une des nombreuses défaillances qui ont contribué au désastre du 7 octobre, explique Bregman, notamment «l'existence même de la clôture».

«Il y a là une dimension psychologique. On se dit: ‘J'ai une clôture, je suis protégé’, puis on commence à faire des économies, en pensant qu'on n'a pas besoin d'autant de troupes dans cette zone.»

«Le 7 octobre, oui, il y avait une clôture très sophistiquée, comme il n'y en a nulle part ailleurs dans le monde. Mais il n'y avait personne pour la protéger, car la majorité des troupes se trouvait ailleurs, en Cisjordanie», a-t-il dévoilé.

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Ahron Bregman

Selon lui, Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, a également beaucoup de comptes à rendre.

Netanyahou pensait qu'il suffisait de fournir le Hamas avec de l'argent et des emplois en Israël pour qu'il se tienne tranquille. En Israël, on pensait que le Hamas était dissuadé d'entrer en guerre, mais cette croyance était dans la tête des Israéliens, et non dans celle du Hamas.

«Netanyahou voulait croire que le Hamas n'irait pas à la guerre, et cette idée s’est répandue parmi les militaires eux-mêmes, qui ont fini par y croire», a illustré Bregman.

Inévitablement, les médias sociaux bruissent de théories conspirationnistes sur le 7 octobre, notamment sur le fait que le gouvernement israélien était au courant de l'attaque imminente mais qu'il l'a laissée se produire, afin de justifier un assaut massif sur Gaza.

La lenteur de la réaction de l'armée israélienne à l'attaque est attribuée à une affirmation, accompagnée du hashtag #BibiKnew, selon laquelle Netanyahou aurait ordonné aux forces de défense israéliennes de se retirer le jour même.

«Mais je pense que nous avons trop d'explications solides à cet échec des services de renseignement pour commencer à croire aux théories du complot», a affirmé Bregman.

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Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, "voulait croire que le Hamas n'entrerait pas en guerre, et cette idée s'est propagée jusqu'à l'armée elle-même, et ils ont fini par y croire", explique l'historien israélien Ahron Bregman, basé au Royaume-Uni. (Photo, AFP)

«Il n'était pas dans l'intérêt de Netanyahou d'entrer en guerre. Toute sa stratégie consistait à mettre le Hamas au pouvoir afin de ne pas avoir à mettre en œuvre la solution des deux États», a-t-il jugé.

Le succès de l'attaque n'est pas entièrement dû aux défaillances israéliennes.

«Si l'on se penche sur l'histoire militaire du Hamas, on constate qu'il s'agit d'une organisation capable de s'adapter, et les Israéliens ne l'ont pas compris», a déclaré Bregman.

Il est également clair que, selon «une source proche du Hamas» qui s'est confiée à Reuters, «le Hamas a utilisé une tactique de renseignement sans précédent pour tromper Israël au cours des derniers mois, en donnant publiquement l'impression qu'il n'était pas disposé à entrer dans un combat ou une confrontation avec Israël tout en se préparant à cette opération de grande envergure».

Dans le cadre de ce stratagème, le Hamas s'est abstenu d'attaquer Israël pendant deux ans et a donné l'impression «qu'il se souciait davantage de veiller à ce que les travailleurs de Gaza aient accès à des emplois de l'autre côté de la frontière et qu'il n'avait aucun intérêt à déclencher une nouvelle guerre».

Yossi Mekelberg, professeur de relations internationales et membre associé du programme MENA au sein du groupe de réflexion sur les affaires internationales Chatham House, basé au Royaume-Uni, n'a aucun doute sur le fait que le désastre du 7 octobre fera l'objet d'un compte rendu complet lorsque les combats cesseront enfin.

«Il y a des rumeurs et des fuites, et bien qu'il soit clair qu'il y a eu une défaillance systémique, il est difficile de savoir exactement ce qui s'est passé tant que nous n'aurons pas entendu des témoignages sous serment dans le cadre d'une enquête», a-t-il souligné.

Il a ajouté: «Mais il doit y avoir une enquête, il n'y a pas d'autres options. Lorsque la guerre sera terminée et que de nombreux réservistes seront libérés, ils seront les premiers à demander une enquête, les familles de ceux qui ont été tués le 7 octobre, les familles de ceux qui ont été pris en otage, les familles des soldats qui ont été tués depuis le 7 octobre, ils demanderont tous sans relâche une enquête, et à juste titre.»

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Des Palestiniens regardent les secouristes rechercher les corps de trois militants du Hamas dans un tunnel ciblé par une frappe aérienne israélienne, près de la frontière entre Israël et Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 2 novembre 2013. (Photo, AFP)

Il hésite à prédire l'issue politique de ce désastre pour Netanyahou et son parti de droite, le Likoud: «Qui sait, en politique, mais je serais très surpris s'il n'était pas fini.»

Cinquante ans après Yom Kippour, Israël est à nouveau en état de «choc collectif profond».

Pourtant, en fin de compte, au milieu de la consternation nationale face aux échecs d'Israël avant, pendant et après le 7 octobre, et de l'inquiétude croissante dans le pays et à l'étranger face à l'usage disproportionné de la mort et de la destruction par les forces de défense israéliennes à Gaza, c'est peut-être la réponse israélienne plutôt que l'attaque du Hamas elle-même qui s'avère être un point de basculement dans le cycle apparemment sans fin de la violence.

«Je crois vraiment que nous sommes à la croisée des chemins», a déclaré Mekelberg.

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Le général de division Aharon Haliva, chef de la direction du renseignement militaire de Tsahal, ainsi que le chef de l’agence de sécurité du Shin Bet et chef d’état-major de Tsahal, ont reconnu l’entière responsabilité de l’attaque meurtrière du Hamas. (Photo fournie)

«J'aimerais que les gens tirent la conclusion que les conflits et les effusions de sang ne servent à rien, mais qu'ils ne font qu'accroître la colère, l'amertume et le besoin de vengeance, et qu'il faut que cela change», a-t-il insisté.

«Ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est d'un leadership différent, qui suscitera un peu d'espoir, et il pourrait y avoir un avenir bien meilleur tant pour Israël que pour les Palestiniens − et je pense que le potentiel est infini», a soutenu Mekelberg.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Hezbollah dit recourir à de nouvelles armes dans ses attaques contre Israël

Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
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  • Le Hezbollah, selon l'analyste militaire Khalil Helou, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars»
  • Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël

BEYROUTH, Liban : Le puissant Hezbollah libanais a eu recours ces dernières semaines à de nouvelles armes dans son conflit avec Israël, dont un drone capable de lancer des missiles avant d'exploser en attaquant ses cibles.

Depuis le début de la guerre à Gaza entre Israël et le Hamas le 7 octobre, le Hezbollah armé et financé par l'Iran affirme attaquer des objectifs militaires principalement dans le nord d'Israël à partir du sud du Liban, où il est fortement implanté, pour soutenir le mouvement islamiste palestinien.

- Drones et missiles -

Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël.

Il a publié une vidéo montrant le drone volant vers un site où se trouvent des chars, avant de lancer deux missiles puis d'exploser contre sa cible.

C'est la première fois que le mouvement annonce l'utilisation d'une telle arme depuis le début des échanges de tirs transfrontaliers.

L'armée israélienne a déclaré que trois soldats avaient été blessés dans l’explosion d'un drone à Metoulla.

Selon le Hezbollah, la charge explosive du drone pèse entre 25 et 30 kilos.

L'importance de cette arme, explique à l'AFP l'analyste militaire Khalil Helou, un général de brigade à la retraite, réside dans sa capacité à lancer l'attaque depuis l'intérieur du territoire israélien.

Le Hezbollah, selon lui, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars».

- Missiles iraniens -

Mercredi, le mouvement libanais a annoncé avoir lancé des «drones d'attaque» contre une base militaire proche de Tibériade dans le nord d'Israël, à environ 30 kilomètres de la frontière avec le Liban.

C'est la première fois selon des experts qu'il cible un objectif en profondeur du territoire israélien.

Ces dernières semaines, le Hezbollah a aussi annoncé avoir utilisé simultanément dans une seule attaque contre des sites ou des convois militaires israéliens, des drones explosifs et des missiles guidés.

Il a aussi eu recours à des «missiles guidés» et à des missiles iraniens de type Burkan, Almas et Jihad Moughniyé, du nom d'un commandant du Hezbollah tué par Israël en 2015 en Syrie.

Mais, dit M. Helou, le Hezbollah continue d'utiliser en premier lieu dans ses attaques, des missiles antichars Kornet, qui ont une portée entre 5 et 8 kilomètres.

Le missile antichars russe Konkurs fait également partie de son arsenal et peut échapper au système de défense antimissiles israélien Dôme de fer.

- «Guerre d'usure» -

Le Hezbollah, qui possède un énorme arsenal, a maintes fois annoncé disposer de plusieurs armes et missiles avancés capables d'atteindre Israël en profondeur.

Le 5 avril, son secrétaire général Hassan Nasrallah avait affirmé que le mouvement n'avait «pas encore employé ses principales armes» dans la bataille.

Depuis octobre 2023, le Hezbollah et Israël testent leurs méthodes d'attaque et leurs tactiques militaires, estiment des analystes.

Mais selon M. Helou, le mouvement libanais «ne veut pas élargir le cercle de la guerre. Il s'agit d'une guerre d'usure» dans laquelle il tente de pousser l'armée israélienne à mobiliser davantage de soldats à sa frontière nord et de la dissuader de «lancer une attaque d'envergure au Liban».

 


Israël: tiraillements au sommet de l'Etat sur fond de «bataille décisive» à Rafah

Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
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  • La bataille de Rafah à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique»
  • Faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu, avertissent les experts

JÉRUSALEM : Des dissensions sont apparues au sommet de l'Etat israélien autour du scénario de l'après-guerre dans la bande de Gaza, au moment où le gouvernement affirme y mener la «bataille décisive» pour anéantir le mouvement palestinien Hamas.

En entrant dans le 8e mois de guerre, l'armée israélienne a lancé le 7 mai des opérations au sol à Rafah, localité adossée à la frontière égyptienne à la lisière sud de la bande de Gaza, où se cachent, selon elle, les derniers bataillons du Hamas.

Mais, la bataille à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique», s'opposant publiquement au Premier ministre qui peu avant avait écarté «toute discussion sur l'avenir de la bande de Gaza» avant que «le Hamas soit anéanti».

«Une alternative gouvernementale au Hamas va être préparée immédiatement», a martelé M. Gallant, indiquant clairement qu'il s'opposerait à ce que la bande de Gaza soit placée sous administration civile ou militaire israélienne et sommant M. Netanyahu de déclarer que ce ne sera pas le cas.

Ces propos ont suscité la colère de ministres du gouvernement, parmi lesquels les ministres des Finances Bezalel Smotrich et de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, chefs de deux petits partis d'extrême-droite, acteurs-clé de la coalition gouvernementale, qui ont appelé au départ de Gallant.

- «Prix à payer» -

«Avec les critiques de Gallant (...) des réelles fissures sont apparues au sein du cabinet de guerre israélien», estime sur X Colin P. Clarke, directeur de recherche au centre de réflexion Soufan Group.

Et, avertissent les experts, faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu.

«Sans alternative pour remplir le vide, le Hamas continuera de prospérer», indique à l'AFP Mairav Zonszein, analyste de l'International Crisis Group (ICG).

«Si le Hamas est laissé seul dans Gaza, bien sûr, il apparaîtra ici et là et l'armée israélienne sera contrainte de courir partout», abonde Emmanuel Navon, professeur à l'université de Tel-Aviv.

Les Etats-Unis, principal soutien militaire d'Israël, pressent aussi M. Netanyahu d'éviter d'être englué, après le conflit, dans une interminable campagne de contre-insurrection. Washington a estimé fin mars qu'une «Autorité palestinienne redynamisée» pouvait jouer un rôle pour «créer les conditions d'une stabilité à la fois en Cisjordanie et dans Gaza», territoires palestiniens toujours considérés comme occupés au regard du droit international.

Une idée balayée par M. Netanyahu, pour qui l'Autorité palestinienne (AP), chassée de Gaza en 2007 par le Hamas et qu'il accuse de «soutenir» et «financer le terrorisme», n'est «certainement pas» une option pour diriger la bande de Gaza.

Pour Yoav Gallant, «le +jour d'après le Hamas+ n'existera qu'avec des entités palestiniennes prenant le contrôle de Gaza, accompagnées par des acteurs internationaux».

«C'est, par dessus tout, dans l'intérêt de l'Etat d'Israël» car «l'administration militaire de Gaza deviendrait le principal effort militaire et sécuritaire» d'Israël ces prochaines années et «le prix à payer serait un bain de sang (...) ainsi qu'un lourd coût économique», a-t-il estimé.

- Combats «acharnés» -

La guerre a été déclenchée par l'attaque sanglante menée par le Hamas dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort, côté israélien, de plus de 1.170 personnes, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En riposte, Israël a lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, qui a déjà fait plus de 35.000 morts, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Et alors qu'Israël dit avoir entamé la «bataille décisive» de Rafah, les soldats israéliens affrontent à nouveau depuis le 12 mai des combattants du Hamas dans le nord du territoire.

L'armée avait pourtant proclamé en janvier avoir «achevé le démantèlement de la structure militaire» du Hamas dans le nord. Elle admet désormais mener, à Jabaliya, ses combats «peut-être les plus acharnées» dans cette zone depuis le début de son offensive terrestre le 27 octobre.

Un signe que «l'anéantissement» du Hamas, un des objectifs de la guerre, n'est peut-être pas si proche. Quant aux espoirs caressés d'une trêve négociée au Caire avec le Hamas, ils se sont évanouis avec le début des opérations dans Rafah.

L'accord de trêve «est dans une impasse totale» et «Israël fait semblant qu'il y a des progrès», explique Mme Zonszein. Les tiraillements au sommet de l'Etat, «plus les désaccords avec les Etats-Unis et le refus de l'Egypte de laisser passer de l'aide» depuis l'offensive israélienne à Rafah, «tout cela commence à faire beaucoup», ajoute-t-elle.

 


Des enfants parmi les victimes alors que les forces israéliennes intensifient leurs attaques contre le Hezbollah

Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
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  • Le Sud-Liban est confronté à une « escalade de la violence », déclare un vétéran de l'armée à Arab News
  • L'ambassade des Etats-Unis se joint aux appels à élire un nouveau président libanais pour « unir la nation »

BEYROUTH : Deux enfants d'une famille de réfugiés syriens ainsi qu’un combattant du Hezbollah ont été tués lors de frappes aériennes israéliennes ayant touché une zone située à plus de 30 km à l'intérieur de la frontière sud du Liban.

Les frappes israéliennes ont ciblé les villages de Najjariyeh et Addousiyeh, tous deux situés au sud de la ville côtière de Saïda, tuant des enfants et un combattant du Hezbollah qui conduisait un camion pick-up au moment de la frappe.

En riposte à ces raids, le Hezbollah a lancé des dizaines de roquettes en direction de la Haute Galilée, la Galilée occidentale, du bassin de la Galilée et du Golan.

Les médias israéliens ont rapporté que 140 roquettes avaient été tirées vers le nord du pays.

CONTEXTE

Le Hezbollah a échangé des tirs transfrontaliers avec les forces israéliennes presque quotidiennement depuis l'attaque du Hamas au sud d'Israël, le 7 octobre,ce qui a déclenché la guerre à Gaza,depuis déjà  huit mois.

Les tensions entre les forces israéliennes et le Hezbollah ont atteint un niveau critique avec des attaques de drones menées en profondeur dans le territoire libanais et le nord d'Israël.

Le général à la retraite Khaled Hamadé de l'armée libanaise a mis en garde contre une « escalade vers des violences plus graves dans le sud du Liban ».

Le Hezbollah insiste pour conditionner un cessez-le-feu dans le sud du Liban à la fin des hostilités dans la bande de Gaza.

Contrairement à la situation dans la bande de Gaza, aucune initiative n'est prise pour arrêter les affrontements entre Israël et le Hezbollah, selon Hamadé.

Dans un communiqué, le Hezbollah a revendiqué avoir visé la base logistique Tsnobar d'Israël dans le Golan avec 50 roquettes Katyusha en réponse à la frappe sur Najjarieh.

Selon les médias israéliens, des salves de roquettes ont visé des bases militaires à Katzrin et des zones au nord du lac de Tibériade.

Deux personnes ont été blessées dans des explosions de roquettes à Karam bin Zamra dans la Haute Galilée, ont ajouté les médias.

Les caméras de surveillance à Najjarieh ont capturé un drone israélien suivant un camion pick-up alors que le conducteur, nommé Hussein Khodor Mehdi, tentait de s’enfuir.

Le premier missile lancé par le drone a raté sa cible, mais un second a frappé le camion, le mettant en feu et tuant son conducteur. Trois passants ont également été blessés.

Le Hezbollah a déclaré que Mehdi, 62 ans, était un « martyr sur la route de Jérusalem ».

La radio de l'armée israélienne a affirmé que la victime était un commandant de haut rang dans l'armée de l'air du Hezbollah et que les chasseurs de l'armée avaient visé des infrastructures du Hezbollah à Najjarieh.

La deuxième frappe aérienne a touché une salle de congrès et une usine de ciment, blessant plusieurs membres d'une famille de réfugiés syriens. Deux enfants, Osama et Hani Al-Khaled, sont décédés des suites de leurs blessures.

Le Hezbollah a revendiqué avoir visé le site militaire d'Al-Raheb avec l'artillerie et les positions israéliennes à Al-Zaoura avec une salve de roquettes Katioucha.

Selon une source sécuritaire, les dernières cibles du Hezbollah comprenaient des ballons de surveillance près de Tibériade et à Adamit en Galilée.

Tôt vendredi, le Hezbollah a attaqué le nouveau quartier général du 411e Bataillon d'Artillerie au Kibboutz Jaatoun, à l'est de Nahariyya, à l’aide de drones en réponse à la mort de deux combattants du Hezbollah, Ali Fawzi Ayoub, 26 ans, et Mohammed Hassan Ali Fares, 34 ans, la veille.

Dans son sermon du vendredi, cheikh Mohammed Yazbek, chef du Conseil de la charia du Hezbollah, a déclaré que le groupe menait « sa guerre féroce dans le nord de la Palestine, pourchassant l'ennemi, aveuglant ses opérations d'espionnage et franchissant les lignes rouges, tout en traquant ses soldats dans leurs cachettes jusqu'à ce que la guerre à Gaza prenne fin ».

L'ambassade des États-Unis au Liban a lancé une mise en garde concernant le conflit à la frontière sud et la vacance présidentielle dans le pays.

L'élection d'un président est cruciale pour garantir la participation du Liban aux discussions régionales et aux futurs accords diplomatiques concernant sa frontière méridionale, a souligné l'ambassade.

Le Liban « a besoin et mérite un président capable d’unir la nation, de donner la priorité au bien-être de ses citoyens et de former une coalition large et inclusive pour restaurer la stabilité politique et mettre en œuvre les réformes économiques nécessaires », a ajouté le communiqué.

Les ambassadeurs d'Égypte, de France, du Qatar, d'Arabie saoudite et des États-Unis au Liban ont publié cette semaine une déclaration mettant en garde contre « la situation critique à laquelle est confronté le peuple libanais et les répercussions difficiles à gérer sur l'économie et la stabilité sociale du Liban en raison du retard pris dans la mise en œuvre des réformes nécessaires ».