De la Jordanie à la Turquie: le dimanche de Blinken, marathonien de la diplomatie

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken monte à bord de son avion de transport militaire pour quitter l'aéroport international de Bagdad après avoir rencontré le Premier ministre irakien (Photo, AFP).
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken monte à bord de son avion de transport militaire pour quitter l'aéroport international de Bagdad après avoir rencontré le Premier ministre irakien (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 06 novembre 2023

De la Jordanie à la Turquie: le dimanche de Blinken, marathonien de la diplomatie

  • Par avion, en voiture et en hélicoptère, le secrétaire d'Etat du président Joe Biden n'est guère resté plus de quelques heures à chaque endroit
  • Après Ramallah, M. Blinken a effectué une deuxième visite surprise dans la soirée --à Bagdad cette fois

BAGDAD: Amman, Tel Aviv, Ramallah, Chypre, Bagdad et Ankara: dimanche, Antony Blinken a effectué une "tournée de crise" pour aborder la guerre entre Israël et le Hamas. Et le chef de la diplomatie américaine, un habitué des marathons diplomatiques, n'est pas loin d'avoir battu ses propres records.

Par avion, en voiture et en hélicoptère, le secrétaire d'Etat du président Joe Biden n'est guère resté plus de quelques heures à chaque endroit.

Antony Blinken s'est efforcé de réaffirmer le soutien indéfectible des Etats-Unis à Israël après l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien, rejetant l'idée d'un cessez-le-feu et réaffirmant qu'Israël avait "le droit et l'obligation de se défendre".

Parti dimanche matin à l'aube d'Amman, après s'être entretenu la veille avec le roi de Jordanie Abdallah II, Antony Blinken a fait, via Tel Aviv, une visite impromptue en Cisjordanie occupée. A Ramallah, il a rencontré le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Blinken juge «inacceptables» les attaques contre les troupes américaines en Irak

La visite de M. Blinken en Irak, annoncée par les services du Premier ministre irakien Mohamed Chia al-Soudani, n'avait pas été dévoilée au préalable pour des raisons de sécurité.

Lors d'un point presse organisé avant son envol pour la Turquie, M. Blinken a déclaré avoir "clairement dit" au Premier ministre irakien "que les attaques ou les menaces venant de milices alignées avec l'Iran étaient totalement inacceptables".

"Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour protéger les nôtres", a-t-il martelé.

Washington accuse l'Iran d'être impliqué par procuration dans ces attaques qui ont aussi ciblé des troupes américaines en Syrie voisine.

La plupart des attaques ont été revendiquées par un groupe baptisé "Résistance islamique en Irak" sur des canaux Telegram affiliés aux factions irakiennes proches de l'Iran.

Le convoi sous forte escorte est parti de Tel Aviv, est entré en Cisjordanie occupée et a fait l'aller-retour en un peu plus de trois heures.

La visite n'avait pas été annoncée au préalable pour des raisons de sécurité. Mais des images de la rencontre ont été diffusées avant la levée de l'embargo fixé par l'entourage de M. Blinken, au grand dam de son équipe et des journalistes de la presse américaine et internationale l'accompagnant.

Aide humanitaire 

Antony Blinken avait entamé cette nouvelle tournée au Proche-Orient vendredi en Israël, puis samedi à Amman.

Premier allié politique et militaire d'Israël, les Etats-Unis s'opposent à un cessez-le-feu, lui préférant des "pauses" pour acheminer l'aide humanitaire aux civils.

Dans un véritable exercice d'équilibriste, Antony Blinken a dans le même temps multiplié les gages auprès des pays arabes et des civils palestiniens, promettant "l'engagement des Etats-Unis pour la livraison d'une aide humanitaire vitale et la reprise des services essentiels à Gaza".

La bande côtière palestinienne est bombardée sans relâche par Israël, qui dit vouloir "anéantir" le Hamas, depuis l'attaque du 7 octobre qui a fait 1.400 morts, en majorité des civils, selon les autorités israéliennes.

Les opérations israéliennes ont fait 9.488 morts, aussi essentiellement des civils dont 3.900 enfants, selon le Hamas.

A Ramallah, la réunion avec M. Abbas a été "constructive", selon un responsable américain dans son entourage, M. Blinken faisant passer le message que les Etats-Unis estiment que "l'Autorité palestinienne à un rôle central à jouer" à Gaza, qui est gouverné par le Hamas.

En privé, des responsables américains expriment des doutes sur les capacités du président palestinien à changer la donne. Pour autant, ils tenaient à lui témoigner leur soutien et à envoyer aux Palestiniens le signal que les Etats-Unis tiennent compte de leurs préoccupations, malgré leur soutien à Israël.

Un petit tour et puis s'en va 

Après Ramallah, M. Blinken a effectué une deuxième visite surprise dans la soirée --à Bagdad cette fois. Cette étape a également été tenue secrète jusqu'à la fin de la rencontre avec le Premier ministre irakien Mohamed Chia al-Soudani.


Arrivé à la tombée de la nuit à l'aéroport de Bagdad à bord d'un avion de transport C-17, il a pris place à bord d'un hélicoptère Blackhawk pour se rendre à l'ambassade américaine, dans l'ultra-fortifiée Zone verte, avant d'aller en voiture à la résidence du Premier ministre.

Avant Bagdad, un crochet par Larnaca, à Chypre, a permis à M. Blinken de s'entretenir avec le président Nikos Christodoulides dans son avion... sur le tarmac de l'aéroport

En fin de soirée, le chef de la diplomatie américaine s'est envolé pour Ankara, où il doit avoir des entretiens avec son homologue turc Hakan Fidan lundi. Mais une rencontre avec Recep Tayyip Erdogan paraissait compromise dimanche, le chef de l'Etat turc ayant fait savoir qu'il poursuivrait comme prévu un voyage en province.

M. Erdogan a d'ailleurs une nouvelle fois condamné dimanche "le massacre immoral, sans scrupule et méprisable" d'Israël à Gaza.

Antony Blinken, un fidèle de Joe Biden, avait déjà fait une "tournée de crise" peu après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, se rendant par deux fois en Israël et dans une succession de pays arabes, de l'Arabie saoudite, au Qatar, les Emirats et l'Egypte, en passant par la Jordanie.

Après l'étape turque lundi, direction l'Asie. Mais c'est une autre histoire.

Blinken discute à Chypre d'un couloir maritime humanitaire proposé par Nicosie

MM. Blinken et Christodoulides ont discuté de la situation au Proche-Orient, a déclaré le porte-parole du gouvernement Konstantinos Letymbiotis sur X, anciennement Twitter.

Leur entretien à l'aéroport de Larnaca a porté sur un "couloir maritime à sens unique pour assurer un flux continu d'aide humanitaire depuis Chypre à destination des civils à Gaza", a précisé M. Letymbiotis.

Plus tôt dimanche, le président Christodoulides avait déclaré que la France, la Commission européenne et Israël soutenaient la proposition de Nicosie d'ouvrir une voie maritime humanitaire.

"Sur cette base, nous discutons avec les Nations unies car c'est l'ONU qui recevra l'aide, et non le Hamas, afin qu'elle parvienne à la population", a déclaré M. Christodoulides aux journalistes.

"La République de Chypre s'efforce, dans la mesure de ses moyens, de garantir que l'aide humanitaire vers Gaza ne soit pas interrompue", a encore dit le président chypriote.

Selon lui, la proximité avec le nord-ouest de la bande de Gaza --environ 370 kilomètres--, ses bonnes relations avec ses voisins arabes et Israël font de Chypre un point de départ idéal pour l'acheminement de l'aide humanitaire vers la bande de Gaza.

"Nous discutons des détails (...), car les navires ne peuvent pas s'approcher de la zone maritime autour de Gaza", a ajouté M. Christodoulides.

Ces dernières semaines, Chypre a accueilli, en transit, des citoyens étrangers évacués d'Israël en raison de la guerre.

Le secrétaire d'Etat américain est en tournée dans la région depuis vendredi.


La Turquie cherche à renforcer son ancrage sur le continent africain

Cette photo prise et diffusée par le bureau de presse de la présidence turque le 12 avril 2025 montre le président turc Recep Tayyip Erdogan (R) rencontrant le président somalien Hassan Sheikh Mohamud lors de la 4e édition du Forum diplomatique d'Antalya (ADF2025) à Antalya. (Photo by Handout / Turkish Presidency Press Office / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le bureau de presse de la présidence turque le 12 avril 2025 montre le président turc Recep Tayyip Erdogan (R) rencontrant le président somalien Hassan Sheikh Mohamud lors de la 4e édition du Forum diplomatique d'Antalya (ADF2025) à Antalya. (Photo by Handout / Turkish Presidency Press Office / AFP)
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  • La Turquie cherche désormais à y étendre son influence en proposant sa médiation dans des conflits.
  • Très impliqué sur les dossiers syrien et ukrainien, le président turc Recep Tayyip Erdogan a renforcé son image d'interlocuteur clé en Afrique en négociant, il y a quelques mois, un accord de paix entre la Somalie et l'Éthiopie.

ANTALYA, TURQUIE : La Turquie, qui pousse ses pions en Afrique depuis plusieurs années, cherche désormais à y étendre son influence en proposant sa médiation dans des conflits, à la faveur notamment du retrait de la France et des États-Unis.

Témoignage des efforts d'Ankara pour consolider son ancrage sur le continent, un forum diplomatique organisé ce week-end à Antalya, dans le sud de la Turquie, a réuni, aux côtés du président syrien Bachar el-Assad, des ministres russe et ukrainien des Affaires étrangères, ainsi que de nombreux responsables africains, dont le chef de l'État somalien.

« Les pays africains cherchent des alternatives et la Turquie en représente une », a affirmé à l'AFP Eghosa Osaghae, directeur général de l'Institut nigérian des affaires internationales (NIIA), présent à Antalya. 

Très impliqué sur les dossiers syrien et ukrainien, le président turc Recep Tayyip Erdogan a renforcé son image d'interlocuteur clé en Afrique en négociant, il y a quelques mois, un accord de paix entre la Somalie et l'Éthiopie.

Selon M. Osaghae, la capacité d'Ankara à combler le vide laissé par la France, dont de nombreuses anciennes colonies se sont détournées ces dernières années, « dépendra en grande partie de l'attrait des offres turques ».

« Nous entretenons avec la France des relations dont nous sommes très fiers, mais la France ne nous empêche pas d'avoir d'autres partenariats », a déclaré à l'AFP Léon Kacou Adom, le ministre ivoirien des Affaires étrangères, lors du forum d'Antalya.

Le pays d'Afrique de l'Ouest, ancienne colonie française, souhaite collaborer avec la Turquie dans tous les secteurs, notamment le commerce, la communication, la sécurité, l'éducation et la formation, a-t-il souligné.

« Tout cela nous intéresse (...). La Turquie nous fait des offres que nous étudions », a-t-il ajouté.

- « Solutions aux problèmes africains » -

De nombreux pays africains sont confrontés à des menaces sécuritaires, émanant de groupes comme Boko Haram ou les shebab somaliens.

« Si la Turquie peut apporter son aide dans ces domaines, pourquoi pas ? », estime M. Osaghae. « Le point positif est que de nombreux pays africains coopèrent déjà militairement avec la Turquie. Cela peut être la pierre angulaire de l'influence turque », relève-t-il.

La Turquie, qui a proposé en janvier sa médiation entre le Rwanda et la République démocratique du Congo, a signé ces dernières années des accords de défense avec plusieurs États africains dont la Somalie, la Libye, le Kenya, le Rwanda, l'Éthiopie, le Nigeria et le Ghana.

Ces accords ont ouvert des marchés à l'industrie de défense turque, notamment pour ses drones réputés fiables et bon marché.

« Nous nous efforçons de faire en sorte que l'Afrique trouve ses propres solutions aux problèmes africains », affirme Alp Ay, diplomate turc et représentant spécial d'Ankara dans les négociations entre la Somalie et la région séparatiste du Somaliland.

Selon un haut diplomate somalien, Ankara a joué « un rôle très utile en parvenant à réunir les deux pays pour résoudre ce problème ». « L'Afrique a désespérément besoin de médiateurs », résume pour sa part le politologue nigérian Eghosa Osaghae.

Si la responsabilité du respect de l'accord incombe désormais aux deux parties, la Turquie continuera toutefois de jouer son rôle de facilitateur, souligne le diplomate turc Alp Ay, qui envisage l'avenir avec « espoir ».

Recep Tayyip Erdogan s'est entretenu avec son homologue somalien, Hassan Cheikh Mohamoud, samedi à Antalaya.

Au cours de leur rencontre, les deux hommes ont promis d'« accroître la coopération » entre les deux États, selon Ankara, qui dispose déjà d'un droit d'exploration des ressources énergétiques le long des côtes somaliennes. 


Zelensky exhorte Trump à se rendre en Ukraine pour voir les ravages de la guerre

Le président américain Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rencontrent dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, DC, le 28 février 2025. (AFP)
Le président américain Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rencontrent dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, DC, le 28 février 2025. (AFP)
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  • « Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exhorté son homologue américain, Donald Trump, à se rendre dans son pays pour prendre conscience de l'étendue des dégâts causés par l'invasion de la Russie. 
  • En se rendant en Ukraine, M. Trump « comprendra ce que Poutine a fait ».

WASHINGTON : le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté dimanche son homologue américain Donald Trump à se rendre dans son pays pour mieux comprendre la dévastation causée par l'invasion russe. 

« Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exhorté son homologue américain, Donald Trump, à se rendre dans son pays pour prendre conscience de l'étendue des dégâts causés par l'invasion de la Russie. 

En se rendant en Ukraine, M. Trump « comprendra ce que Poutine a fait ».

Cette invitation intervient alors que M. Trump fait pression pour mettre rapidement un terme à ce conflit qui dure depuis plus de trois ans, les États-Unis ayant engagé des discussions directes avec la Russie malgré ses attaques incessantes contre l'Ukraine.

Washington a également discuté d'une éventuelle trêve avec des responsables ukrainiens.

Cette invitation fait suite à la vive polémique qui a éclaté à la Maison Blanche fin février entre le président ukrainien, M. Zelensky, et le vice-président américain, M. JD Vance, devant la presse.

M. Vance avait alors accusé l'Ukraine d'accueillir des dirigeants étrangers pour faire de la propagande en vue de gagner leur soutien. 

M. Zelensky a nié une nouvelle fois cette allégation et a déclaré à la chaîne CBS que si M. Trump décidait de se rendre en Ukraine, « nous ne préparerons rien, ce ne sera pas du théâtre ». Ce ne sera pas du théâtre. » 


La rencontre entre Poutine et l'Américain Witkoff a été qualifiée d'« extrêmement utile et efficace » par le Kremlin

Dans cette photo de pool distribuée par l'agence d'État russe Sputnik, le président russe Vladimir Poutine serre la main de l'envoyé du président américain Donald Trump, Steve Witkoff, lors d'une réunion à Saint-Pétersbourg, le 11 avril 2025. (Photo Gavriil Grigorov / POOL / AFP)
Dans cette photo de pool distribuée par l'agence d'État russe Sputnik, le président russe Vladimir Poutine serre la main de l'envoyé du président américain Donald Trump, Steve Witkoff, lors d'une réunion à Saint-Pétersbourg, le 11 avril 2025. (Photo Gavriil Grigorov / POOL / AFP)
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  • « De tels contacts sont extrêmement utiles et très efficaces », a déclaré à la presse Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin.
  • Depuis plusieurs semaines, l'administration de Donald Trump organise des pourparlers séparés avec des hauts responsables russes et ukrainiens.  

MOSCOU : La rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et l'émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, qui a eu lieu vendredi à Saint-Pétersbourg, en Russie, était « extrêmement utile et efficace », a assuré lundi le Kremlin.

« De tels contacts sont extrêmement utiles et très efficaces », a déclaré à la presse Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, en faisant l'éloge d'un canal de communication permettant aux dirigeants russe et américain d'échanger directement sur « différents éléments de leurs positions sur toutes sortes de questions ».

Cette rencontre entre MM. Poutine et Witkoff, la troisième depuis février, portait « sur les aspects du règlement ukrainien », selon le Kremlin, alors que Donald Trump prône la fin de ce conflit au plus vite depuis son arrivée à la Maison Blanche en janvier.

Depuis plusieurs semaines, l'administration de Donald Trump organise des pourparlers séparés avec des hauts responsables russes et ukrainiens.  

Ces discussions n'ont cependant pas abouti, pour l'heure, à une cessation des hostilités, ce qui a provoqué la frustration du dirigeant américain ces derniers jours.

« La Russie doit se bouger », a-t-il déclaré vendredi, déplorant sur son réseau Truth Social que « trop de gens meurent, des milliers par semaine, dans une guerre terrible et insensée ».

Selon Dmitri Peskov, lundi, une éventuelle rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump « n'a pas été évoquée » lors des pourparlers avec M. Witkoff.

« Toute rencontre doit être bien préparée », a-t-il souligné, en assurant que « le travail se poursuit », sans donner plus de précisions.