La défense de Depardieu par Macron consterne les féministes

Cette combinaison d'images montre Le président Emmanuel Macron (à gauche) à l'Elysée à Paris le 13 décembre 2023 et l'acteur français Gérard Depardieu le 6 juin 2013 à Nice, dans le sud-est de la France (Photo, AFP).
Cette combinaison d'images montre Le président Emmanuel Macron (à gauche) à l'Elysée à Paris le 13 décembre 2023 et l'acteur français Gérard Depardieu le 6 juin 2013 à Nice, dans le sud-est de la France (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 22 décembre 2023

La défense de Depardieu par Macron consterne les féministes

  • La défense de Gérard Depardieu par Emmanuel Macron a ravivé l'antagonisme entre le chef de l'Etat et les féministes
  • Dans un entretien sur France 5 mercredi soir, Emmanuel Macron s'est dit «grand admirateur» de l'acteur

PARIS: "Ce n'est plus un fossé, c'est un trou béant": la défense de Gérard Depardieu par Emmanuel Macron a ravivé l'antagonisme entre le chef de l'Etat et les féministes dont les relations s'étaient légèrement apaisées avec l'inscription de l'IVG dans la Constitution.

Dans un entretien sur France 5 mercredi soir, Emmanuel Macron s'est dit "grand admirateur" de l'acteur, visé notamment par deux plaintes en France pour viol et agression sexuelle, et mis en examen dans l'un des deux cas. Gérard Depardieu réfute ces accusations.

"Entre nous et le chef de l'Etat, ce n'est plus un fossé, c'est un trou béant", déclare à l'AFP Maëlle Noir, de la coordination nationale du collectif "Nous toutes".

Les propos du président "ne sont pas seulement scandaleux mais dangereux, cela envoie un signal qui est de continuer à ne pas croire les victimes, à piétiner leur parole en toute impunité", estime-t-elle. "C'est d'une violence extrême, un énorme recul dans les prises de position politique contre les violences commises contre les femmes".

Même analyse à la Fondation des femmes dont la présidente Anne-Cécile Mailfert épingle les convictions "masculinistes" d'Emmanuel Macron et indique ne "plus avoir d'espoir" ni "d'illusion" sur lui concernant les questions des droits des femmes.

"On est clairement dans la culture du viol, dans le discours qui vise à renverser la culpabilité: ça n'est plus Gérard Depardieu le chasseur, le prédateur, ce sont les femmes qui chasseraient les hommes, qui les cibleraient".

"C'est d'autant plus grave qu'on parle du président de la République, sa parole engage notre pays et a un véritable impact", estime-t-elle auprès de l'AFP. "Il aurait pu dire que c'est insupportable de parler comme cela des femmes, que l'égalité entre les femmes et les hommes est inscrite dans la Constitution, il aurait pu avoir un message pour les victimes de Gérard Depardieu et les femmes en général. Il ne l'a pas fait".

Sur son compte Instagram, la comédienne Charlotte Arnould, qui accuse Gérard Depardieu de l'avoir violée en 2018 à deux reprises -l'acteur a été mis en examen en 2020 dans cette affaire- a réagi jeudi à l'interview du chef de l'Etat avec quatre mots sur fond noir: "Juste...c'est super dur".

"Un président ne devrait pas dire ça", a commenté sous cette publication Emmanuelle Dancourt, cofondatrice de #MeTooMedias.

Carole Bouquet défend Gérard Depardieu, son ex-compagnon: «J'ai peur pour lui»

"J'ai un vrai problème avec ce qui est en train de se passer avec Gérard en ce moment... J'ai peur pour lui", a déclaré l'actrice à l'émission Quotidien sur TMC, prenant la défense de celui qui fut son compagnon pendant une dizaine d'années et un acteur adulé avant de tomber dans l'opprobre.

"Ce tribunal médiatique continue, ça fait des mois que ça dure et c'est en train de tuer un homme. Je ne peux pas le supporter. Je n'ai aucune tendresse possible pour quelqu'un qui se révèlerait être un monstre, mais ce n'est pas le cas de Gérard", a-t-elle poursuivi.

"Gérard est capable d’être grossier, d'avoir un humour parfois limite, mais il est incapable de faire du mal à une femme", a-t-elle assuré, en rappelant avoir vécu "dix ans de sexualité" avec lui.

"Arrêtons la délectation", a-t-elle encore exhorté.

«Énormément à accomplir»

Les crispations entre le chef de l'État et les associations féministes mettent un terme à l'apaisement relatif qui prévalait depuis la présentation mi-décembre d'un projet de loi constitutionnel visant à inscrire la liberté de recourir à l'IVG dans la Constitution.

Si la formulation retenue ("liberté" et non "droit") ne satisfaisait pas les militantes féministes, ces dernières avaient toutefois salué un "symbole fort" après la régression de ce droit aux Etats-Unis en 2022.

Dans ce contexte, la défense de Gérard Depardieu par Emmanuel Macron passe d'autant plus mal, relève Louise Delavier, de l'association "En avant toute(s)".

"Faire tant de communication pour parler de la défense des femmes et de leurs droits, et ensuite aller outrageusement défendre quelqu'un comme Depardieu, cela créé de la dissonance cognitive", indique-t-elle. "C'est du +en même temps+ qui n'est pas heureux sur ces sujets-là".

Quant aux déclarations d'Emmanuel Macron, se disant mercredi soir "inattaquable" sur la lutte contre les violences faites aux femmes et sur l'égalité femmes-hommes, grandes causes de son quinquennat, elle sont "hors de propos", ajoute Louise Delavier.

Certes "des choses ont été faites" depuis 2017, salue la militante féministe, mais "il y a encore énormément à accomplir: le nombre de féminicides ne diminue pas, des violences continuent d'être dénoncées chaque jour, des structures ferment alors qu'elles sont parfois les seules sur un territoire à pouvoir assurer la mise en sécurité et l'hébergement de femmes".

Suzy Rojtman, porte-parole du collectif national pour les droits des femmes, ne cache pas, elle aussi, sa désillusion: avec "le président, c'est un pas en avant, cinq pas en arrière".


A Paris, un gala de soutien à Israël: Ambiance festive et ton enjoué autour du nombre de victimes à Gaza…

Le publicitaire Frank Tapiro, président de l’association Diaspora Defense Force (DDF). (AFP)
Le publicitaire Frank Tapiro, président de l’association Diaspora Defense Force (DDF). (AFP)
Short Url
  • « Depuis le début de la guerre, si 55 000 personnes sont mortes à Gaza, dont 55 pour cent de civils, cela fait combien de Gazaouis morts ? 10,5 pour cent, 24,6 pour cent, 1,3 pour cent ou 5,5 pour cent ?»
  • Le gala a même accueilli, par visioconférence, le porte-parole de l’armée israélienne Olivier Rafowicz, preuve du lien direct entre l’événement et l’institution militaire israélienne

PARIS:  Le 27 mai dernier, une soirée de gala s’est tenue à Paris en soutien à l’armée israélienne. 

Dans un pays qui se revendique comme la patrie des droits de l’homme et de la liberté d’expression, un tel événement relève en principe du libre exercice des opinions.

Mais à l’heure où l’armée israélienne mène une guerre dévastatrice à Gaza, ce gala suscite un profond malaise, une vive indignation, et interroge sur les limites morales de ce qui peut être célébré publiquement.

Le gala, organisé par l’association Diaspora Defense Force (DDF), présidée par le publicitaire Frank Tapiro, ne s’est pas contenté d’exprimer un soutien politique. Mais il a également donné lieu à des scènes que certains médias  - rares à avoir couvert l’événement  - ont qualifiées de macabres.

Ambiance festive et ton enjoué…

Est-il besoin de le rappeler? Gaza est réduite à un champ de ruines, chaque jour un peu plus. Des dizaines de milliers de civils y ont péri. La famine menace les survivants et la communauté internationale s’alarme tous les jours de possibles crimes contre l’humanité. Et pendant ce temps, des invités français applaudissaient les frappes de drones israéliens et plaisantaient sur les morts.

La soirée s’est déroulée dans une atmosphère festive, ponctuée de toasts et de rires.  Et puis un quizz, projeté sur écran géant, posait la question suivante:

« Depuis le début de la guerre, si 55 000 personnes sont mortes à Gaza, dont 55 pour cent de civils, cela fait combien de Gazaouis morts ? 10,5 pour cent, 24,6 pour cent, 1,3 pour cent ou 5,5 pour cent ?».

Comment peut-on, à Paris, en 2025, se réjouir de la destruction d’un territoire comme Gaza ? Cette enclave de 2 000 km², où vivaient environ deux millions de Palestiniens, est aujourd’hui méconnaissable. 

Le suspense est entretenu, le chrono défile, les participants attendent avec amusement (sic) de connaître le bon chiffre. 

Comme si les dizaines de milliers de morts palestiniens relevaient d’une statistique ludique, l’animatrice de la soirée, Barbara Lefebvre, se permet même de préciser, sur un ton enjoué… :

« On compte les civils morts, on ne parle pas des terroristes du Hamas ». 

Commentaire qui glace le sang, banalisation de l’horreur, une déshumanisation totale d’un peuple déjà martyrisé par des mois de guerre.

Comment peut-on, à Paris, en 2025, se réjouir de la destruction d’un territoire comme Gaza ? Cette enclave de 2 000 km², où vivaient environ deux millions de Palestiniens, est aujourd’hui méconnaissable. 

Les quartiers n’ont plus de noms parce qu’ils sont rayés de la carte, transformés en champs de gravats.

Les survivants n’ont plus d’avenir, et pour beaucoup plus d’identité, sinon celle de “morts en sursis”, le quotidien y est rythmé par les bombardements, la faim, l’exil intérieur et la peur.

Dans ce contexte, célébrer « la bravoure » de l’armée israélienne, lui rendre hommage comme s’il s’agissait d’une libération glorieuse, revient à cautionner un désastre humanitaire documenté par l’ONU, des ONG internationales et dénoncé par des experts du droit international. 

Le gala a même accueilli, par visioconférence, le porte-parole de l’armée israélienne Olivier Rafowicz, preuve du lien direct entre l’événement et l’institution militaire israélienne.

Cela revient aussi à ridiculiser les efforts diplomatiques, y compris ceux de la France, qui affirme vouloir œuvrer à une reconnaissance de l’État palestinien.

La liste des personnalités présentes à ce gala donne une idée du poids politique et médiatique de l’événement, le philosophe Bernard-Henri Lévy, le chanteur Enrico Macias, l’animateur Arthur, l’acteur Philippe Lellouche, l’essayiste Céline Pina.

Très peu de médias français pour relayer l’événement

Tous ont cautionné par leur présence une forme de soutien assumé à l’armée israélienne en pleine offensive militaire.

Deux figures médiatiques françaises, Laurence Ferrari (CNews) et Franz-Olivier Giesbert, ont été décorées du Prix des Justes pour leur soutien indéfectible à Israël. 

Le gala a même accueilli, par visioconférence, le porte-parole de l’armée israélienne Olivier Rafowicz, preuve du lien direct entre l’événement et l’institution militaire israélienne.

Très peu de grands médias français ont relayé l’événement, seuls quelques journaux, comme L’Humanité, porte voix du Parti communiste, ont osé en parler, ce qui renforce le sentiment d’un deux poids, deux mesures dans le traitement de la guerre au Proche-Orient. 

La liberté d’expression semble bien plus tolérée avec ceux qui soutiennent l’armée israélienne qu’avec ceux qui dénoncent ses crimes quotidiens.

Face à ce qu’il qualifie d’apologie de crimes de guerre, le député Aymeric Caron de La France Insoumise, parti d’extrême gauche a annoncé qu’il allait saisir la procureure de la République. 

Cette soirée de gala en plein cœur de Paris interpelle ; à un moment où la communauté internationale s’alarme d’un possible génocide, peut ont applaudir les bombardements et faire de jeux sur le nombre de leurs victimes palestiniennes ?


Blocage de l'aide humanitaire à Gaza : deux enquêtes pour complicité de génocide ouvertes en France

Cette photographie montre le palais de justice de Bayonne, dans le sud-ouest de la France, le 28 mai 2025. (Photo de Gaizka IROZ / AFP)
Cette photographie montre le palais de justice de Bayonne, dans le sud-ouest de la France, le 28 mai 2025. (Photo de Gaizka IROZ / AFP)
Short Url
  • Deux juges d'instruction spécialisés du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris ont été désignés pour superviser l'enquête, selon une source proche du dossier.
  • La justice française est compétente au regard de la nationalité française des personnes visées.

PARIS : Deux instructions ont été ouvertes en France en mai, à la suite de plaintes, pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité visant des Franco-Israéliens soupçonnés d'avoir participé à des actions de blocage de l'aide humanitaire à Gaza entre janvier et mai 2024.

Deux juges d'instruction spécialisés du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris ont été désignés pour superviser l'enquête, selon une source proche du dossier.

Ces instructions ont été ouvertes à l'origine à la suite de deux plaintes avec constitution de partie civile déposées en novembre 2023 à Paris : l'une par l'association Avocats pour la justice au Proche-Orient et l'association Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient, et l'autre par l'Union juive française pour la paix (UJFP).

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a indiqué vendredi avoir ouvert ces deux informations pour « des chefs de complicité de génocide, provocation publique et directe au génocide suivie d’effet et complicité de crimes contre l’humanité, entre le 1er janvier et le 31 mai 2024 sur le territoire d’Israël, d’Égypte et de Gaza ». 

Dans sa plainte, l'UJFP dénonçait « l'organisation, la participation et l'appel à participer à des actions concrètes de blocage de l'aide humanitaire à destination du territoire occupé de Gaza, notamment en empêchant physiquement le passage des camions aux postes-frontières contrôlés par l'armée israélienne ».

Selon une autre source proche du dossier, le réquisitoire introductif du parquet national antiterroriste (Pnat) pour cette plainte date du 21 mai et vise au moins une association et deux personnes physiques pour des faits qui se seraient déroulés aux postes-frontières de Nitzana et de Kerem Shalom.

En droit français, le réquisitoire introductif est un acte de procédure par lequel le parquet saisit le juge d'instruction.

La justice française est compétente au regard de la nationalité française des personnes visées.

« Nous sommes très satisfaites de cette décision, qui est parfaitement cohérente avec la démonstration factuelle et juridique ainsi que les preuves objectives apportées par les parties civiles. Nous attendons de voir si la suite de l'instruction sera tout aussi cohérente », ont réagi auprès de l'AFP les avocates des plaignants, Mes Damia Taharraoui et Marion Lafouge.

« La période de prévention », c'est-à-dire la période à laquelle se sont déroulés les faits visés par l'enquête, « remonte à janvier 2024, à un moment où personne ne voulait entendre parler de génocide », ont-elles souligné.

Leur plainte avec constitution de partie civile pour complicité de génocide et incitation à la commission d'un génocide vise des figures d'Israël is forever et de Tzav-9, deux associations pro-Israël présentées comme ayant la nationalité française.

Celle d'Avocats pour la justice au Proche-Orient et de la Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (CAPJPO) - Europalestine, s'appuie notamment sur des photos, des vidéos et des prises de parole publiques pour accuser des responsables d'Israël is forever d'avoir bloqué des véhicules humanitaires.

Israël fait face à une pression internationale croissante pour mettre fin à la guerre qui ravage Gaza.

En janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a appelé Israël à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher tout acte de génocide. Mi-mai, le chef des opérations humanitaires de l'ONU a aussi exhorté les dirigeants mondiaux à « agir pour empêcher un génocide ».

Un certain nombre d'actions judiciaires ont été entreprises en lien avec ce « génocide » imputé à Israël, notamment en Suisse, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne.

En France, vendredi, une grand-mère accusant les autorités israéliennes d'être responsables de la mort de ses deux petits-enfants français à Gaza en octobre 2023 a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre X pour meurtre et génocide à Paris.


«Tout ne se règle pas avec la police»: à Argenteuil, des médiateurs contre le harcèlement scolaire

Un piéton descend les escaliers de la Dalle d'Argenteuil, à Argenteuil, dans la banlieue nord de Paris, le 23 avril 2025. (AFP)
Un piéton descend les escaliers de la Dalle d'Argenteuil, à Argenteuil, dans la banlieue nord de Paris, le 23 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • Depuis une dizaine d'années, Hakim et Mohammed se rendent quotidiennement à la sortie des établissements scolaires, des terrains de sport et dans les quartiers d'Argenteuil (Val-d'Oise)
  • Une façon de déminer des situations explosives sans recourir systématiquement à la répression, dans une ville meurtrie par la mort quatre ans plus tôt d'Alisha, 14 ans, harcelée et jetée dans la Seine par des camarades de collège

ARGENTEUIL: A la sortie du collège mardi midi, Sajaa, 11 ans, se glisse discrètement derrière Hakim, solide gaillard flanqué d'une polaire estampillée "Médiation urbaine" pour lui glisser à l'oreille qu'un élève la frappe. "Je vais lui parler à la sortie", répond fermement le médiateur.

Depuis une dizaine d'années, Hakim et Mohammed se rendent quotidiennement à la sortie des établissements scolaires, des terrains de sport et dans les quartiers d'Argenteuil (Val-d'Oise). Ces 16 agents municipaux sont formés spécialement pour repérer les cas de harcèlement scolaire et prévenir les rixes.

Une façon de déminer des situations explosives sans recourir systématiquement à la répression, dans une ville meurtrie par la mort quatre ans plus tôt d'Alisha, 14 ans, harcelée et jetée dans la Seine par des camarades de collège.

Pour ce qui concerne Sajaa, Hakim explique qu'il va mettre l'élève harceleur "face à ces actions" devant "tout le monde".

"Si tu leur dis +ce n'est pas bien+, ça rentre par là, ça sort par là", mime-t-il en montrant ses oreilles. Il faut "rentrer dans leur ego", leur dire "tu es un lâche". "C'est ça qui marche avec eux", conclut-il. Souvent, l'élève finit par "s'excuser" et "arrêter".

"Tous les jours, tu dois en remettre une couche", soupire-t-il. Mais "à force de te voir, ça les dissuade".

"Confiance" 

Un dispositif qui fonctionne grâce à la "confiance" que les équipes de médiateurs ont réussi à inspirer aux parents et aux jeunes, expliquent, flattés, Mohammed et Hakim, habitants de toujours du quartier du Val d'Argent, qui ne peuvent traverser une rue sans "checker" tel "chef", tel "beau gosse", telle "petite".

"Beaucoup de jeunes ont un lien particulier avec les médiateurs" qui sont "des capteurs de terrain", explique à l'AFP Chems Akrouf, directeur de la sécurité et de la prévention de la commune d'Argenteuil.

"On va leur dire qu'un jeune a été tabassé ou qui est le bouc émissaire d'une classe", poursuit-il en précisant que les médiateurs "ne sont pas là pour dénoncer à la police, mais pour essayer de diminuer l'agressivité des jeunes".

A l'inverse, un incident détecté par la police doit être "transmis au volet prévention" pour "aller au coeur de la difficulté", détaille M. Akrouf. "Tout ne se règle pas avec la police", affirme cet ancien agent de renseignement, même si dans les cas graves, les familles sont incitées à déposer plainte.

"Un peu délaissés" 

Depuis la mort d'Alisha, les équipes ont été renforcées. Six agents supplémentaires ont été recrutés et l'un est depuis 2023 spécifiquement dédié à la veille sur les réseaux sociaux.

"Toutes ces actions ne visent qu'à une seule chose, ne pas laisser un jeune être isolé", affirme M. Akrouf.

Car "pour un rien, ça peut exploser", soupire Hakim, au volant de sa Scenic grise. Il dit avoir confisqué avec Mohammed "une centaine de couteaux", depuis qu'il a commencé à travailler.

"Il y a beaucoup de familles en détresse, monoparentales, des jeunes un peu délaissés", raconte Hakim. "Le plus compliqué", c'est quand les harceleurs "ne voient pas le mal", déplore-t-il, leur répétant patiemment de se mettre à la place de l'autre.

Mais, parvenu devant le collège Lucie Aubrac, il sourit. Ici, les bagarres permanentes ont cessé, les tensions se sont apaisées. "On n'a plus trop de problèmes de harcèlement. Nos efforts portent leurs fruits."

Des élèves d'un autre collège de la ville, Paul Vaillant Couturier, ont même reçu un prix national, le 21 mai, récompensant leur affiche contre le harcèlement scolaire, qui sera utilisée dans toute la France.

"Ca signifie beaucoup", explique Narjes, 14 ans, l'une des conceptrices de l'affiche, elle-même victime de harcèlement grave en primaire. A l'AFP, en marge de la présentation de leur prix jeudi, elle confie: "Je vois qu'on peut écouter les autres et que je peux me défendre".