Victime ou «menace grave»: l'expulsion d'une revenante de Syrie examinée par la justice

Une détenue française se promène au camp Roj, où sont détenus des proches de personnes soupçonnées d'appartenir au groupe État islamique (EI), dans la campagne près d'al-Malikiyah (Derik), dans la province de Hasakah, au nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021. (AFP / DELIL SOULEIMAN)
Une détenue française se promène au camp Roj, où sont détenus des proches de personnes soupçonnées d'appartenir au groupe État islamique (EI), dans la campagne près d'al-Malikiyah (Derik), dans la province de Hasakah, au nord-est de la Syrie, le 28 mars 2021. (AFP / DELIL SOULEIMAN)
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Publié le Mercredi 13 septembre 2023

Victime ou «menace grave»: l'expulsion d'une revenante de Syrie examinée par la justice

  • la justice s'est penchée mercredi sur l'expulsion d'une Roubaisienne partie mineure en Syrie avec sa famille, de retour en France avec ses deux filles
  • La jeune femme, 24 ans, appartient à la famille Tahar Aouidate, l'"une des plus grandes familles djihadistes françaises", dont 23 membres ont rejoint l'organisation État islamique

LILLE: Elle se dit victime d'une famille tyrannique et radicalisée, l’État la considère comme "une menace grave à l'ordre public": la justice s'est penchée mercredi sur l'expulsion d'une Roubaisienne partie mineure en Syrie avec sa famille, de retour en France avec ses deux filles.

La jeune femme, 24 ans, appartient à la famille Tahar Aouidate, l'"une des plus grandes familles djihadistes françaises", dont 23 membres ont rejoint l'organisation État islamique, a insisté le préfet du Nord Georges-François Leclerc devant la commission d'expulsion du tribunal de Lille --qui rendra son avis le 27 septembre.

Parmi eux figure Fodil Tahar Aouidate, son oncle, condamné à mort en Irak en 2019.

Elle a été conduite en Syrie par sa mère en 2014, à 15 ans, avec sa fratrie, puis mariée dans la foulée à un djihadiste belge, avec qui elle aura deux filles.

De retour en France après cinq ans en Syrie, puis quatre ans dans le camp de prisonniers djihadistes de Roj, contrôlé par les Kurdes, elle espère rester dans son pays de naissance mais n'en a pas la nationalité: sa mère la lui a refusé à l’adolescence, plaçant aujourd'hui cette ressortissante algérienne en situation irrégulière.

"J'affirme qu’elle constitue aujourd'hui une menace grave pour la République française", a lancé le préfet.

Avant de dérouler les faits reprochés: un rire quand elle évoque une décapitation lors d'une audition avec la DGSI, une considération sur les chiites qui "sont des malades" lors des mêmes échanges ou encore "un lien pas rompu avec son relationnel djihadiste".

Le préfet y voit "un processus de dissimulation", ou "taqiya", et insiste sur ses "ambiguïtés". "Je ne comprend pas cette obstination de la préfecture", à rétorqué Me Marie Dosé, pour qui sa cliente, qui n'a pas été mise en examen à son retour en France, n'a fait que subir sa famille, toute son enfance, puis en Syrie.

Elle raconte la déscolarisation à 13 ans, le voile intégral, les coups et la haine de sa mère. Cette haine qui, "avec l'école", est "probablement" ce "qui l'a sauvée de cette idéologie" radicale.

"Je viens d'une famille tyrannique que je n’ai pas choisie", affirme dans une lettre lue à l'audience la jeune femme, non présente car hospitalisée.

"Je ne suis ni un danger, ni une menace. Simplement encore cette petite fille à qui on a volé son enfance", ajoute-t-elle. "Mon plus grand rêve, c’est d’aller a Disneyland avec mes filles."


Sacre du PSG en Ligue des Champions: la fête endeuillée par deux morts, polémique sur la sécurité

La grande fête après la victoire sans appel du PSG face à l'Inter Milan samedi soir à Munich, a été assombrie par deux morts. (AFP)
La grande fête après la victoire sans appel du PSG face à l'Inter Milan samedi soir à Munich, a été assombrie par deux morts. (AFP)
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  • Le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI) ont mis en avant la responsabilité du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau dans les incidents et violences survenus dans la nuit
  • Colère de Bruno Retailleau quelques heures plus tard lors d'un point presse où il a accusé le RN de "tromper les Français" et LFI "d'encourager la violence"

PARIS: La victoire du Paris SG face à l'Inter Milan en finale de la Ligue des champions a été endeuillée en France par la mort d'un mineur à Dax et celle d'un jeune homme à Paris, où la soirée a été émaillée de nombreux incidents, ce qui a déclenché une polémique sur la sécurité.

Le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI) ont mis en avant la responsabilité du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau dans les incidents et violences survenus dans la nuit. Le RN a dénoncé "un fiasco" sécuritaire, tandis que LFI lui a demandé de "rendre des comptes".

Colère de Bruno Retailleau quelques heures plus tard lors d'un point presse où il a accusé le RN de "tromper les Français" et LFI "d'encourager la violence".

Le ministre a jugé que le dispositif sécuritaire autour du sacre du PSG avait été "à la hauteur", tandis que le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a estimé qu'il n'était "ni une réussite, ni un échec".

La grande fête après la victoire sans appel du PSG face à l'Inter Milan samedi soir à Munich, a été assombrie par deux morts.

Emmanuel Macron a jugé ces incidents "inacceptables": "Rien ne peut justifier ce qu'il s'est passé ces dernières heures, les affrontements violents sont inacceptables (...) Nous poursuivrons, nous punirons, on sera implacables", a-t-il assuré.

A Dax, un mineur de 17 ans a été tué à coups de couteau lors d'un rassemblement pour célébrer le sacre du club parisien, sans que l'on sache à ce stade si les faits étaient ou non liés à ces festivités.

A Paris, un jeune homme d'une vingtaine d'années, employé du chef cuistot Jean Imbert, a été percuté à scooter par une voiture et a succombé à ses blessures. Le conducteur du véhicule, en garde à vue, a été relâché dimanche soir, selon le parquet, dont l'enquête se poursuit.

"La videosurveillance a montré que le scooter circulait à vive allure. Une expertise en accidentologie a été ordonnée", a précisé le ministère public.

Plus de 500 interpellations 

A Grenoble, quatre personnes d'une même famille ont été blessées, dont deux grièvement, après qu'une voiture a heurté la foule.

A Coutances (Manche), un policier, atteint à l'oeil par un pétard, a été placé en coma artificiel et transporté à l'hôpital de Caen. L'enquête devra déterminer si le tir était accidentel ou intentionnel.

Au cours de la soirée, émaillée de très nombreux incidents et de violences, majoritairement dans la capitale, 22 membres des forces de l'ordre ont été blessés, dont 18 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur. La nature et la gravité des blessures n'ont pas été précisées.

Sept sapeurs-pompiers ont été blessés ainsi que 192 manifestants.

Il y a eu 563 interpellations dont 491 à Paris, qui ont conduit à 307 gardes à vue, selon M. Retailleau.

A Paris, le parquet a indiqué avoir suivi 202 gardes à vue de majeurs. La moitié a été prolongée dimanche soir. 51 ont été relâchés, tandis que 45 font face à des suites judiciaires: contributions citoyennes, ordonnances pénales, comparution immédiate...

Parmi les 14 mineurs parisiens en garde à vue, deux sont prolongés dimanche soir, dix seront présentés à la justice, mais deux ont bénéficié d'un classement.

Le ministère de l'Intérieur a décompté, selon un bilan national provisoire, 692 incendies dont 264 véhicules.

A Paris, en dépit d'un dispositif particulièrement conséquent - 5.400 policiers et gendarmes  mobilisés dans la capitale et en petite couronne -, des scènes de pillages, de bris de mobilier urbain, de vitrines dégradées et d'incendies de vélos en libre service, ont été constatées principalement sur les Champs-Elysées et à ses abords.

"Fabrique de barbares" 

Deux voitures ont été incendiées Porte de Saint-Cloud, près du Parc des Princes, où à plusieurs reprises des supporters munis de fumigènes sont descendus sur le périphérique et ont interrompu la circulation avant d'être délogés par les forces de l'ordre.

Dimanche soir, à proximité du Parc des Princes, qui a accueilli dans la soirée les joueurs, au moins un autre véhicule a été incendié. De légers heurts entre forces de l'ordre et de petits groupes mobiles ont aussi été constatés par des journalistes de l'AFP.

Laurent Nuñez a mis l'accent sur la présence samedi soir "d'une population venue que pour piller, pour commettre des exactions". Il l'a évaluée à "plusieurs milliers de personnes".

Le ministre de l'Intérieur et nouveau patron de LR a dit "sa colère" face à ces "barbares", un terme qu'il avait employé déjà samedi soir. "Cette fabrique de barbares a été engendrée par une société, qui pendant des décennies, a déconstruit tous les cadres communs qui permettent à une société de tenir debout", a-t-il dit.

Pour la parade des joueurs qui, à bord d'un bus à Impérial, ont remonté l'avenue des Champs-Elysées en fin d'après-midi, un dispositif avec installation de trois box pour une jauge maximale de 110.000 personnes a été mis en place. Dispositif de "très, très haut niveau" avec "des fouilles, des palpations systématiques à l'entrée", selon le préfet de police.

En début de soirée, selon une source policière à l'AFP, dix personnes ont été interpellées à Paris, neuf sur les Champs-Elysées et une avenue de la porte de Saint-Cloud dans le 16e arrondissement, à proximité du Parc des Princes.

 


Sacre du PSG à Paris: 79 interpellations dans la nuit de dimanche à lundi

Au total, plus de 5.000 policiers et gendarmes étaient mobilisés pendant le week-end dans la capitale et en petite couronne. (AFP)
Au total, plus de 5.000 policiers et gendarmes étaient mobilisés pendant le week-end dans la capitale et en petite couronne. (AFP)
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  • "On a procédé à 79 interpellations dont une partie dans la nuit (...); le calme est revenu vers 03h30 du matin", a-t-il encore détaillé, évoquant un nombre d'interpellations "totalement inédit" pendant le week-end
  • Dans la nuit de samedi à dimanche, il y a eu 563 interpellations dont 491 à Paris, qui ont conduit à 307 gardes à vue

PARIS: Soixante-dix-neuf personnes ont été interpellées dans la nuit de dimanche à lundi en marge des célébrations à Paris de la victoire du PSG en Ligue des champions, a indiqué lundi le préfet de police de Paris Laurent Nuñez.

"Après la levée du service, on peut dire même dans la nuit, après 01H00 du matin, on a vu des résurgences d'individus qui étaient animés de malveillance, qui n'étaient pas vraiment des supporters du Paris Saint-Germain (...): ils ont pris des barrières et ils ont bloqué le périphérique pendant un bon quart d'heure et puis on a eu aussi un retour sur les Champs-Elysées de groupes qui montaient, descendaient, tiraient des mortiers et essayaient de dégrader des commerces", a expliqué le préfet de police sur RTL.

"On a procédé à 79 interpellations dont une partie dans la nuit (...); le calme est revenu vers 03h30 du matin", a-t-il encore détaillé, évoquant un nombre d'interpellations "totalement inédit" pendant le week-end.

Dans la nuit de samedi à dimanche, il y a eu 563 interpellations dont 491 à Paris, qui ont conduit à 307 gardes à vue.

Au total, plus de 5.000 policiers et gendarmes étaient mobilisés pendant le week-end dans la capitale et en petite couronne.

La victoire historique du PSG face à l'Inter Milan (5-0) en finale de la Ligue des Champions, samedi à Munich, a été endeuillée en France par la mort d'un mineur de 17 ans, tués à coups de couteau à Dax, et celle d'un jeune homme d'une vingtaine d'années à Paris, où la soirée a été émaillée de nombreux incidents.

Rentrés en France dans l'après-midi, les joueurs parisiens ont défilé dimanche sur les Champs-Elysées devant plus de 100.000 personnes avant de présenter la Coupe d'Europe à leurs supporters au Parc des Princes.


Qui sont Les Natifs, ces identitaires jugés pour la banderole raciste visant Aya Nakamura

Un manifestant allume une fusée lors d'un rassemblement appelé par le groupe d'ultra-droite français 'Les Natifs' place du Panthéon à Paris le 1er décembre 2023, pour rendre hommage à Thomas, un adolescent décédé le 19 novembre 2023 à Crépol après avoir été blessé avec un couteau lors d'un bal dans le petit village de la Drôme. (AFP)
Un manifestant allume une fusée lors d'un rassemblement appelé par le groupe d'ultra-droite français 'Les Natifs' place du Panthéon à Paris le 1er décembre 2023, pour rendre hommage à Thomas, un adolescent décédé le 19 novembre 2023 à Crépol après avoir été blessé avec un couteau lors d'un bal dans le petit village de la Drôme. (AFP)
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  • Hommage à Jean-Marie Le Pen, actions anti-immigrés, stages d'autodéfense... Le groupe d'extrême droite Les Natifs, héritier à Paris de Génération identitaire (GI), épouse ses positions, avec un message parfois plus radical encore
  • La lutte contre le "grand remplacement" - une théorie complotiste sur la prétendue substitution des populations européennes par des immigrés non européens - est "la mère de toutes les batailles", assène le jeune homme qui travaille dans la finance

PARIS: Hommage à Jean-Marie Le Pen, actions anti-immigrés, stages d'autodéfense... Le groupe d'extrême droite Les Natifs, héritier à Paris de Génération identitaire (GI), épouse ses positions, avec un message parfois plus radical encore, symbolisé par cette banderole raciste visant la chanteuse Aya Nakamura, pour laquelle 13 personnes sont jugées mercredi.

A l'hiver 2024, Les Natifs avaient diffusé une photo d'une banderole dénonçant alors une possible prestation de la chanteuse franco-malienne à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, avec ces mots: "Y'a pas moyen Aya, ici c'est Paris, pas le marché de Bamako". Treize militants sont notamment poursuivis pour injure publique en raison de la prétendue origine, ethnie, race ou religion.

En avril dernier, Les Natifs, sollicités par l'AFP, donnent rendez-vous dans un café du 16e arrondissement.

Stanislas, 24 ans, Gabriel, 25 ans, et Marie, 22 ans, qui refusent de donner leur patronyme, font partie de la cinquantaine de jeunes militants actifs d'un groupe qui revendique une vie communautaire, entre cercles de lecture, sport - boxe anglaise notamment - et action politique.

Gabriel présente un mouvement à la triple identité: "civilisationnelle, européen; nationale, français; et locale-régionale, Paris".

La lutte contre le "grand remplacement" - une théorie complotiste sur la prétendue substitution des populations européennes par des immigrés non européens - est "la mère de toutes les batailles", assène le jeune homme qui travaille dans la finance.

La filiation avec GI, groupe d'ultradroite médiatisé par des actions anti-immigrés et contre l'islam, dissous en 2021, est revendiquée.

Spécialiste de cette mouvance apparue au début des années 2000, Marion Jacquet-Vaillant, interrogée par l'AFP rappelle   l'ADN des identitaires: "A chaque terre correspond un peuple qui se doit d'être culturellement et ethniquement homogène".

"Dans leur idéologie, l'immigration est la source soit d'insécurité, soit de conflits culturels", résume-t-elle. Ainsi, certains faits divers comme le meurtre de Lola à Paris en 2022 et celui de Philippine au bois de Boulogne en 2024, dont les suspects sont respectivement algérien et marocain, ont été lus à l'aune de leur "prisme idéologique".

"Pour eux, c'est la confirmation qu'ils ont raison de dénoncer l'immigration", poursuit cette maîtresse de conférences en science politique à l'université Panthéon-Assas.

Fin 2023, Les Natifs avaient organisé une manifestation à Paris en hommage à Thomas, lycéen mort poignardé lors d'une fête de village dans la Drôme. L'enquête n'a toujours pas permis d'identifier le meurtrier.

"Guerre ethnique" 

Le moyen d'action privilégié des Natifs? Des actions coup de poing relayées sur leurs réseaux sociaux auprès de leurs presque 10.000 abonnés sur Instagram, plus de 18.000 sur X.

En février, ils placardaient la façade de la compagnie Air Algérie du slogan: "Remigrez léger! Depuis la France vers l'Algérie. Pour un aller sans retour".

En mars, ils investissaient la basilique Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, protestant contre une exposition comprenant des portraits de femmes voilées. Deux personnes, dont Stanislas, seront jugées le 5 juin à Bobigny.

Cette stratégie d'"agit-prop" (agitation propagande), a déjà été éprouvée par les écologistes de Greenpeace, dont les Natifs, comme hier GI, disent s'inspirer, malgré le fossé idéologique les séparant.

L'objectif des identitaires, des "tout petits groupes", à l'instar des Natifs avec leur banderole raciste s'en prenant à Aya Nakamura, est de "provoquer des réactions massives et donc choquer l'opinion publique pour qu'on n'ait pas d'autre choix que de parler d'eux", analyse Marion Jacquet-Vaillant.

"On a parlé au journal télévisé en Corée du Sud", se félicite par exemple Gabriel.

C'est désormais devant le tribunal que les militants, dont Marie et Stanislas, vont devoir répondre. "On sert une cause qui nous dépasse", assure la première, quand le second invoque la "liberté d'expression" et met au défi de "prouver" tout message "raciste".

"Je leur dis +démontrez-moi que ça n'est pas raciste+, ça l'est, objectivement", oppose Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, pointant une "sorte de désinhibition" avec cette banderole dont le langage est "plus radical encore que celui qu'utilisait Génération identitaire".

Tout en rappelant que ces "groupuscules" "restent sous le contrôle des services chargés de les suivre", le politologue interrogé par l'AFP alerte sur "une fraction de la jeunesse qui vit dans un univers où la guerre civile est proche". "Et cette guerre civile est en fait une guerre ethnique."