Promiscuité, moustiques et coupures, les rudes conditions des déplacés du Soudan

Cette photo prise le 20 juin 2023 montre une cuisine caritative fournissant de la nourriture aux déplacés dans un camp de Wad Madani, la capitale de l'État soudanais d'al-Jazirah. (Photo AFP)
Cette photo prise le 20 juin 2023 montre une cuisine caritative fournissant de la nourriture aux déplacés dans un camp de Wad Madani, la capitale de l'État soudanais d'al-Jazirah. (Photo AFP)
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Publié le Jeudi 22 juin 2023

Promiscuité, moustiques et coupures, les rudes conditions des déplacés du Soudan

  • Ithar, 11 ans, Dalal, neuf ans et Ibrahim, sept ans, se débrouillent comme ils peuvent dans la cour de l'école al-Jeili Salah, ouverte aux déplacés par les habitants de Wad Madani, à 200 kilomètres au sud de la capitale soudanaise
  • Mais avec des dizaines de milliers de déplacés partis comme eux de Khartoum, dans la panique, pour échapper à la guerre qui fait rage depuis le 15 avril, vers cette ville épargnée jusqu'ici par les combats, l'espace commence à manquer

WAD MADANI: Fatima Mohammed a survécu à la guerre à Khartoum. Mais il y a dix jours, elle a succombé à sa maladie dans une école transformée en camp de déplacés. Depuis, ses enfants sont livrés à eux-mêmes.

Ithar, 11 ans, Dalal, neuf ans et Ibrahim, sept ans, se débrouillent comme ils peuvent dans la cour de l'école al-Jeili Salah, ouverte aux déplacés par les habitants de Wad Madani, à 200 kilomètres au sud de la capitale soudanaise.

Mais avec des dizaines de milliers de déplacés partis comme eux de Khartoum, dans la panique, pour échapper à la guerre qui fait rage depuis le 15 avril, vers cette ville épargnée jusqu'ici par les combats, l'espace commence à manquer.

Soukaïna Abderrahim, par exemple, survit avec six membres de sa famille dans une chambre du dortoir des filles de l'université al-Jazira, dans l'est de la ville.

"Pour une famille, le logement est inconfortable, on manque de place et d'intimité", dit-elle à l'AFP.

"On partage les douches et les toilettes avec les vingt autres chambres de l'étage, qui accueille chacune une famille entière", ajoute-t-elle, alors que des milliers de déplacés survivent aujourd'hui dans des foyers universitaires, des écoles ou des locaux d'associations de cette ville nichée dans un coude du Nil Bleu.

Paludisme

L'accès aux services de bases dans ces structures de fortune n'est pas toujours assuré dans cette cité de l'Etat agricole d'al-Jazira, immense étendue fertile entre le Nil bleu et le Nil blanc, connue pour ses champs de coton.

"Souvent, les coupures d'eau et d'électricité sont longues", se lamente Hanane Adam, déplacée avec son mari et leurs quatre enfants.

"Avec les températures élevées et la prolifération des moustiques, tous mes enfants ont contracté le paludisme", lâche-t-elle.

Le paludisme fait chaque année des ravages au Soudan, rappelle l'Organisation mondiale de la Santé (OMS): 61% des décès dus à la malaria en Méditerranée orientale ont lieu dans le pays.

Aujourd'hui à Wad Madani, trouver un médecin relève presque du miracle: dans l'un des campements de la ville, l'ONG Médecins sans frontières (MSF) n'a pu dépêcher qu'un seul médecin et quatre infirmiers pour s'occuper de 2.000 déplacés.

Les humanitaires, dont les employés soudanais sont exténués, terrés chez eux par peur des balles perdues ou eux-mêmes déplacés, et le personnel étranger toujours en attente de visa, ne cessent de répéter qu'ils sont débordés.

Malnutrition
Parfois, c'est la nourriture qui manque.

"On reçoit des colis de nourriture mais il n'y a pas de lait infantile dedans", déplore auprès de l'AFP Soumaya Omar, mère de cinq enfants âgés de six mois à dix ans. Or, dit-elle, "nous n'avons pas les moyens d'en acheter" dans un pays où en temps normal l'inflation est à trois chiffres et où les prix ont flambé encore plus depuis le début de la guerre entre militaires et les paramilitaires.

Dans l'école Abdallah Moussa, dans l'ouest de Wad Madani, ce sont des voisins qui assurent les repas.

Une petite équipe de jeunes volontaires distribue des assiettes à des familles incapables de cuisiner dans des bâtiments dépourvus de cuisine.

Mais ces initiatives locales ne suffisent pas dans un pays où, déjà avant la guerre, un habitant sur trois souffrait de la faim.

Un médecin qui travaille dans les 13 campements de déplacés que compte désormais la ville rapporte à l'AFP que "la malnutrition commence à toucher les enfants".

"On voit déjà arriver des cas préoccupants dans les dispensaires des campements de déplacés", confie-t-il, sous couvert d'anonymat.

Selon l'Unicef, 620.000 enfants soudanais souffrent de malnutrition aiguë et la moitié pourrait mourir si aucune aide ne leur est apportée.

Les agences de l'ONU et les ONG manquent néanmoins de fonds et, surtout, ne parviennent pas à acheminer leur aide à travers le pays, car leurs camions sont pris sous les feux croisés.

Quant à la production locale, elle se réduit comme peau de chagrin. L'industrie agro-alimentaire, déjà exsangue après 20 ans d'embargo sous la dictature d'Omar el-Béchir, déchu en 2019, est aujourd'hui bombardée, tout comme les maisons ou les hôpitaux.

Il y a un mois, à Khartoum, l'usine Samil qui produisait "60% des traitements nutritionnels pour les enfants en grande carence alimentaire", selon l'Unicef, a été réduite en cendres.


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
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  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
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  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
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  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.