Quatre ans après la loi Collomb, l'exécutif remet le dossier immigration sur le métier

Cette photo montre un camp de migrants devant la mairie de Strasbourg, dans l'est de la France, le 28 août 2022. (AFP)
Cette photo montre un camp de migrants devant la mairie de Strasbourg, dans l'est de la France, le 28 août 2022. (AFP)
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Publié le Vendredi 16 septembre 2022

Quatre ans après la loi Collomb, l'exécutif remet le dossier immigration sur le métier

  • La loi «Collomb» reposait sur deux présupposés: d'un côté la France accueille trop mal, de l'autre elle reconduit trop peu les étrangers en situation irrégulière
  • Si M. Macron a déploré une politique «inhumaine» parce qu'on «accueille trop souvent mal», il a aussi mis l'accent sur son caractère «inefficace»

PARIS : Quatre ans après la loi «asile et immigration» portée par l'ex-ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, l'exécutif promet une nouvelle loi pour 2023 en affichant «la même recette», déplorent spécialistes et acteurs du dossier migratoire.

Allier «humanité» et «fermeté»: tel était le mot d'ordre de la loi qui en 2018 avait fait tanguer l'unité de la majorité présidentielle. La loi «Collomb» reposait sur deux présupposés: d'un côté la France accueille trop mal, de l'autre elle reconduit trop peu les étrangers en situation irrégulière.

Jeudi devant les préfets, Emmanuel Macron a dressé peu ou prou le même constat, actant de fait l'échec annoncé de la précédente réforme qui faisait plutôt office de boîte à outils que de révolution de la politique migratoire.

«On est toujours dans cette surenchère de textes législatifs, une forme d'éternel recommencement», commente Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade.

«Le projet précédent, et le projet qui a précédé le précédent n'ont pas fonctionné. Et ce texte ne marchera pas davantage parce qu'il se pose de mauvaises questions», affirme Serge Slama, professeur de droit public à l'université Grenoble-Alpes et chercheur associé à l'institut Convergences Migrations (ICM).

- «réduire les droits» -

«On va encore tordre davantage le droit des étrangers, encore réduire les garanties et les droits», prédit M. Slama mais «depuis une trentaine d'années, on empile les législations sur les étrangers en pensant qu'en durcissant les textes on va améliorer l'efficacité du dispositif».

«Or, on voit bien depuis au moins 2003 qu'aucun texte n'a augmenté substantiellement l'efficacité du dispositif», souligne le juriste.

«Je pense qu'il y a une nouvelle loi parce que le nombre de demandeurs d'asile a augmenté. Or une +bonne réforme+ pour le gouvernement doit conduire à une baisse des demandeurs d'asile. C'est la logique qui préside avec toujours un vernis: on veut protéger les combattants de la liberté contre ceux qui fuient la misère», commente Jean-François Dubost, directeur du plaidoyer pour CCFD Terre solidaire.

Selon les dernières données disponibles, la demande d'asile a montré des signes de reprise en 2021, après une année 2020 de chute record sur fond de pandémie et de fermeture des frontières. 104.577 premières demandes en guichets uniques ont été déposées, contre 81.531 en 2020, soit une hausse de 28%.

Si M. Macron a déploré une politique «inhumaine» parce qu'on «accueille trop souvent mal», il a aussi mis l'accent sur son caractère «inefficace» et pointé l'attractivité de la France avec «un système d'aide monétaire, sociale, médicale, beaucoup plus généreuse que tous nos voisins». Un clin d’œil aux critiques récurrentes de la droite et de l'extrême droite sur la politique migratoire de la France.

Egalement dans la ligne de mire du chef de l'Etat, l'amélioration des politiques de reconduite à la frontière, un credo de son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Ce dernier s'était félicité en juillet de l'expulsion de 2.751 étrangers délinquants depuis deux ans, «une augmentation sans précédent».

- le casse-tête des «éloignements»-

Selon la place Beauvau, l'ensemble des «éloignements» des étrangers en situation irrégulière a grimpé en 2021 de 8,2% par rapport à 2020 (13.403 contre 12.384) mais reste très loin du niveau pré-Covid de 2019, avec 23.746 expulsions.

En évoquant la nécessité de conditionner davantage l'octroi de visas à «l'esprit de coopération pour reprendre les étrangers en situation irrégulière, à commencer par celles et ceux qui troublent l'ordre public», le chef de l'Etat ne fait que reprendre une antienne déjà répétée sous son premier quinquennat.

A l'automne 2021, la France avait décidé de restreindre la délivrance de visas en Algérie, Maroc et Tunisie, afin d'inciter ces pays à faire des efforts en matière de coopération et de lutte contre l'immigration illégale.

Mais depuis, Paris et Tunis ont annoncé la «normalisation» de la délivrance de visas. En outre, lors de son récent voyage en Algérie, Emmanuel Macron a ouvert la voie à un assouplissement du régime de visas accordés à ce pays en échange d'une meilleure coopération dans la lutte contre l'immigration clandestine. Le tout sur fond de crise énergétique et de besoins d'approvisionnements de l'Europe en gaz algérien.


Stupeur après le meurtre d'un Tunisien dans le sud-est de la France

"Hichem aidait les gens, il coiffait même ceux qui ne pouvaient pas payer", confirme auprès de l’AFP Marwouen Gharssalli, soudeur de 43 ans et ami du défunt. (AFP)
"Hichem aidait les gens, il coiffait même ceux qui ne pouvaient pas payer", confirme auprès de l’AFP Marwouen Gharssalli, soudeur de 43 ans et ami du défunt. (AFP)
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  • Devant le salon de coiffure "Facekoop", une quinzaine de bouquets de fleurs sont accompagnés de mots
  • "Nous sommes très tristes, très peinés, très choqués, tu vas laisser un vide dans notre rue", ont écrit les commerçants de la commune sur une carte

PUGET-SUR-ARGENS: "Cette haine, pourquoi ?": les habitants de Puget-sur-Argens, petite commune du sud-est de la France, oscillaient entre stupeur et incompréhension après le meurtre d'Hichem Miraoui, un quadragénaire tunisien, un crime a priori raciste et sans doute prémédité.

"Je suis choquée, j'ai du mal à comprendre pourquoi il a été tué (...) C'était un jeune homme poli, travailleur, éduqué, solaire", explique, les larmes aux yeux, Sylvia Elvasorre, une retraitée de 65 ans voisine du salon de coiffure où travaillait la victime.

"Hichem aidait les gens, il coiffait même ceux qui ne pouvaient pas payer", confirme auprès de l’AFP Marwouen Gharssalli, soudeur de 43 ans et ami du défunt.

Christophe B., un quinquagénaire de nationalité française, a abattu Hichem Miraoui samedi dans la soirée à Puget-sur-Argens, avant de blesser un autre de ses voisins, de nationalité turque. Avant et après son acte, il a diffusé des vidéos racistes sur ses réseaux sociaux.

Devant le salon de coiffure "Facekoop", une quinzaine de bouquets de fleurs sont accompagnés de mots. "Nous sommes très tristes, très peinés, très choqués, tu vas laisser un vide dans notre rue", ont écrit les commerçants de la commune sur une carte.

"Les gens sont stupéfaits qu'on puisse arriver à un crime raciste comme ça, ce n'est pas dans les mœurs de Puget ce genre d'événement. C'est une mauvaise surprise et un choc pour la ville", affirme Paul Boudoube, le maire de Puget-sur-Argens, où comme ailleurs dans cette région, l'extrême droite a réalisé de bons scores aux dernières élections.

Enquête antiterroriste 

Dans la petite zone industrielle où Hichem Miraoui habitait, dans un local portant l'enseigne d'une ancienne onglerie, des traces de sang sont encore visibles devant la porte. Un scellé posé par les enquêteurs rappelle le drame, avec la mention "meurtre, tentative de meurtre".

"Nous parlions des préparatifs de l'Aïd (el-Kebir, grande fête musulmane prévue ce vendredi en Tunisie, NDLR)", a commenté auprès de l'AFP Hanen Miraoui, la sœur de la victime, racontant la communication vidéo entre la famille, au moment des coups de feu: "Il rigolait et taquinait ma mère qui était malade, puis tout d'un coup je l'ai entendu dire +Aïe+, puis la communication s'est interrompue".

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a repris l'enquête, se saisissant pour la première fois d'investigations sur un homicide raciste lié à l'ultradroite.

"C'est une bonne chose (...) des moyens d'enquête vont être mis sur l'analyse politique de ce geste et comment cette personne s'est radicalisée", s'est félicitée Zelie Heran, responsable du pôle juridique de SOS Racisme.

Ce meurtre est "clairement un crime raciste", "sans doute aussi antimusulman", et "peut-être aussi un crime terroriste", a affirmé mardi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.

Après le drame, ce dernier a été pointé du doigt, notamment par une partie de la gauche qui l'accuse de courtiser l'extrême droite à l'approche de l'élection présidentielle de 2027.

Le patron du Parti socialiste Olivier Faure a affirmé qu'il banalise "un racisme d'atmosphère" en entretenant "un climat de suspicion vis-à-vis des étrangers".

"Quand je combats l'islamisme, je ne combats pas les musulmans, ceux qui font l'amalgame se trompent", s'est défendu mardi M. Retailleau devant les députés.

"L'étranger qui gêne" 

Plusieurs responsables religieux, politiques ou associatifs dénoncent eux aussi un climat délétère de stigmatisation dans le pays.

"Il est temps de s'interroger sur les promoteurs de cette haine qui, dans les sphères politiques et médiatiques, sévissent en toute impunité et conduisent à des faits d'une extrême gravité", a affirmé mardi le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz.

"Aujourd'hui, l'étranger qui gêne, c'est le musulman", a ajouté M. Hafiz, alors que l'islam, deuxième religion de France, compte entre cinq et six millions de musulmans pratiquants et non-pratiquants, selon plusieurs études.

D'autres violences ont inquiété la communauté musulmane récemment: fin avril, un jeune Malien, Aboubakar Cissé, était assassiné dans une mosquée du Gard (sud-est). Ce weekend, un Coran a été volé et brûlé dans une mosquée de Villeurbanne, près de Lyon (centre-est).

Les actes antimusulmans ont augmenté de 72% au premier trimestre 2025, avec 79 cas recensés dans le pays, selon le ministère de l'Intérieur.

 


La situation de l'automobile européenne est « très préoccupante »

Des employés travaillent à l'assemblage d'un étrier de frein pour un véhicule électrique dans l'usine de Neapco Europe à Dueren, dans l'ouest de l'Allemagne, le 22 août 2023. (Photo par Ina FASSBENDER / AFP)
Des employés travaillent à l'assemblage d'un étrier de frein pour un véhicule électrique dans l'usine de Neapco Europe à Dueren, dans l'ouest de l'Allemagne, le 22 août 2023. (Photo par Ina FASSBENDER / AFP)
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  • « L'industrie automobile européenne n'est pas éternelle et se trouve dans une situation très préoccupante », a jugé mercredi matin Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA).
  • En mai, le marché des voitures neuves a enregistré un cinquième mois consécutif de baisse en France, avec un recul de 12 %.

PARIS : « L'industrie automobile européenne n'est pas éternelle et se trouve dans une situation très préoccupante », a jugé mercredi matin Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA), qui représente les constructeurs et grands équipementiers automobiles français, réclamant de la « souplesse » face aux obligations de décarbonation.

« Je suis très inquiet de l'évolution de notre industrie automobile en Europe parce qu'elle n'est pas éternelle et qu'elle n'est pas à l'abri d'une invasion de la part des industriels chinois qui fabriquent des voitures de grande qualité, bon marché, et qui vont nous concurrencer », a-t-il estimé au micro de RMC.

En mai, le marché des voitures neuves a enregistré un cinquième mois consécutif de baisse en France, avec un recul de 12 %.

« Nous nous enfonçons un peu dans une crise structurelle », décrit le président de la PFA, « parce que les consommateurs sont dans l'incertitude et reportent leurs décisions d'achat. »

Selon lui, cette situation est « très préoccupante », et le secteur doit conjuguer avec la « difficulté de la transition » vers le tout électrique.

L'échéance de 2035 pour l'interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique dans l'Union européenne est, selon lui, « aujourd'hui hors de portée » au regard des ventes de véhicules électriques. 

Pour y parvenir, « il faut remettre de la souplesse » et « faire confiance à l'innovation et à la technologie », préconise M. Chatel.

L'Europe « a pris une décision réglementaire qu'elle a imposée à l'ensemble des industriels de la filière, alors qu'eux-mêmes avaient engagé d'importants efforts en matière de réduction des émissions de CO₂ », mais a « juste oublié qu'à la fin, si on voulait y arriver, il fallait qu'il y ait des consommateurs qui achètent des voitures ». On n'a pas pensé à eux et on s'est aperçu qu'ils avaient finalement besoin de temps pour changer leurs habitudes », abonde-t-il.

« Au cours du deuxième semestre 2025 et 2026, nous aurons une clause de révision à laquelle nous ferons le point sur le règlement voté en 2022 : le maintenons-nous en l'état ? Est-ce qu'on assouplit ? Tout sera mis sur la table », assure le représentant.

Au Parlement européen, certains élus ont fait savoir qu'ils préconiseraient également une révision de cette obligation.

Début mai, les députés européens ont validé un assouplissement des règles imposées aux constructeurs automobiles en matière d'émissions de CO₂, afin d'éviter des amendes en 2025.


Extraction de Mohamed Amra: Retailleau préférerait que le juge se déplace

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, décrivant "des risques majeurs", a indiqué mercredi qu'il préférait que le juge se déplace plutôt que d'extraire Mohamed Amra de sa prison ultra-sécurisée. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, décrivant "des risques majeurs", a indiqué mercredi qu'il préférait que le juge se déplace plutôt que d'extraire Mohamed Amra de sa prison ultra-sécurisée. (AFP)
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  • "Faire sortir des types aussi dangereux d'une prison, ce sont des risques majeurs. Il faut que nous nous y adaptions et qu'on entende soit que le juge se déplace, soit qu'il y ait une visioconférence"
  • Lors d'une précédente extraction, en mai 2024, de Mohamed Amra, multirécidiviste déjà détenu pour d'autres affaires judiciaires, deux agents pénitentiaires avaient été tués et trois autres ont été grièvement blessés

PARIS: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, décrivant "des risques majeurs", a indiqué mercredi qu'il préférait que le juge se déplace plutôt que d'extraire Mohamed Amra de sa prison ultra-sécurisée.

"Faire sortir des types aussi dangereux d'une prison, ce sont des risques majeurs. Il faut que nous nous y adaptions et qu'on entende soit que le juge se déplace, soit qu'il y ait une visioconférence", a lancé le ministre de l'Intérieur sur RTL à propos de l'extraction, prévue la semaine prochaine, de Mohamed Amra pour un interrogatoire.

"Chaque extraction consomme des moyens du ministère de l'Intérieur - et ça coûte cher aux contribuables - mais surtout, à chaque fois, ce sont des risques et nous nous sommes battus sur la loi narcotrafic pour qu'il y ait précisément un dispositif qui rend obligatoire l'audition de ces gens - là par visioconférence", a-t-il ajouté.

"C'est fondamental parce que sinon nos policiers, gendarmes, les agents de la pénitentiaire peuvent risquer leur vie", a-t-il souligné.

Le narcotrafiquant de 31 ans, poursuivi notamment pour meurtres en bande organisée en récidive, doit en effet être extrait la semaine prochaine de sa prison de Condé-sur-Sarthe pour être interrogé à Paris, dans le bureau des juges d'instruction de la Juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (Junalco).

Lors d'une précédente extraction, en mai 2024, de Mohamed Amra, multirécidiviste déjà détenu pour d'autres affaires judiciaires, deux agents pénitentiaires avaient été tués et trois autres ont été grièvement blessés. "La Mouche" avait ensuite passé neuf mois en cavale avant d'être arrêté le 22 février à Bucarest en Roumanie.

Cette extraction prochaine a indigné les syndicats pénitentiaires. "Nous sommes outrés et scandalisés de cette extraction judiciaire", a ainsi déploré auprès de l'AFP Wilfried Fonck, secrétaire national Ufap Unsa Justice.

"Aujourd'hui, le magistrat décide si on doit lui présenter le détenu ou non", a pesté Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO-Justice, considérant que les magistrats ne prenaient pas "la mesure du danger des extractions de ce type de détenus".

Sur TF1 mardi soir, le ministre de la Justice Gérald Darmanin s'est lui dit certain "qu'il ne se passera rien". Le ministère de l'Intérieur, "qui aura la responsabilité de ce transfert, le fait dans magnifiques conditions que ce soit le GIGN ou le Raid", a-t-il martelé.