Guerre au Soudan: tournée africaine du chef des paramilitaires en quête de légitimité

Le commandant paramilitaire soudanais Mohamed Hamdan Daglo s'exprime après la signature d'un accord initial visant à mettre fin à une crise profonde causée par le coup d'État militaire de l'année dernière, dans la capitale Khartoum, le 5 décembre 2022. (Photo Ashraf Shazly  AFP)
Le commandant paramilitaire soudanais Mohamed Hamdan Daglo s'exprime après la signature d'un accord initial visant à mettre fin à une crise profonde causée par le coup d'État militaire de l'année dernière, dans la capitale Khartoum, le 5 décembre 2022. (Photo Ashraf Shazly AFP)
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Publié le Samedi 06 janvier 2024

Guerre au Soudan: tournée africaine du chef des paramilitaires en quête de légitimité

  • Mardi, Mohamed Hamdan Daglo a signé à Addis Abeba une déclaration commune, sur une «cessation immédiate et inconditionnelle des hostilités», avec l'ancien Premier ministre du Soudan, Abdallah Hamdok, évincé lors d'un coup d'Etat en octobre 2021
  • Avec un partenaire civil, il devient un leader potentiel plus acceptable pour les capitales occidentales

LE CAIRE, Egypte : Le chef des paramilitaires, discret depuis le début de la guerre au Soudan, effectue une tournée dans plusieurs capitales africaines, marquant ainsi son premier voyage à l'étranger depuis le début du conflit, dans une quête de légitimité internationale, selon des experts.

Depuis le début de la guerre au Soudan le 15 avril, les apparitions publiques du général Mohamed Hamdane Daglo, commandant des Forces de soutien rapide (FSR), se sont faites rares alors que son rival, le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, a multiplié les visites à l'étranger et s'est adressé à l'Assemblée générale de l'ONU en septembre en tant que dirigeant de facto du Soudan.

Mais depuis le début de sa tournée le 27 décembre, le général Daglo, dit «Hemedti», a troqué son habituel treillis pour des costumes taillés sur mesure pour ses premiers déplacements à l'étranger en neuf mois de guerre.

En Ouganda, en Ethiopie, à Djibouti, au Kenya, en Afrique du Sud et au Rwanda, il a été «accueilli avec les attributs d'un chef d'Etat», a assuré à l'AFP Clément Deshayes, spécialiste du Soudan à l'université de la Sorbonne à Paris.

- «Gagner en légitimité» -

Le chef des FSR est «en pleine ascension», a déclaré à l'AFP Alex de Waal, spécialiste du Soudan.

Mardi, il a signé à Addis Abeba une déclaration commune, sur une «cessation immédiate et inconditionnelle des hostilités», avec l'ancien Premier ministre du Soudan, Abdallah Hamdok, évincé lors d'un coup d'Etat en octobre 2021 mené par les généraux Burhane et Daglo qui étaient alors alliés.

M. Hamdok a ensuite été brièvement rétabli dans ses fonctions, avant de démissionner en janvier 2022 et de quitter le Soudan pour Abou Dhabi. La coalition de civils qu'il dirige, les Forces pour la liberté et le changement (FLC), a depuis fondé avec d'autres formations civiles, une autre coalition: Taqadum.

Elle regroupe la société civile et des indépendants censés représenter les partisans d'un pouvoir civil au Soudan dirigé quasiment sans interruption par les militaires depuis son indépendance.

Pour Andreas Krieg, professeur au King's College de Londres, le général Daglo a délivré «le plus important des messages politiques qu'il aurait pu envoyer afin de gagner en légitimité» en s'assurant du soutien de Taqadum. Pendant des années, le général Daglo, qui a mené une politique de la terre brûlée au Darfour dans une guerre qui a fait des centaines de milliers de morts dans les années 2000, a multiplié les efforts pour passer du statut de chef de guerre à celui d'homme d'Etat.

Aujourd'hui, une coalition civile «qui signe un accord» avec lui, malgré «le nettoyage ethnique au Darfour», le «légitime aux yeux de la communauté internationale», a déclaré à l'AFP M. Deshayes.

Avec un partenaire civil, il devient un leader potentiel plus acceptable pour les capitales occidentales, selon le professeur Krieg.

Sur les réseaux sociaux toutefois, des militants prodémocratie ont accusé M. Hamdok de trahir les civils.

«C'est le même Hemedti qui a collaboré avec (l'armée) pour disperser le sit-in», a écrit un utilisateur sur X, anciennement Twitter, faisant référence à la violente répression d'une manifestation en juin 2019 ayant fait au moins 128 morts.

M. Hamdok avait dit espérer «une réunion urgente» avec le général Burhane, mais ce dernier est désormais «très peu susceptible» d'accepter, d'après Cameron Hudson, du Centre d'études stratégiques et internationales.

C'est «précisément le but recherché, car cela donnera l'impression que l'armée est opposée à la paix et présentera Hemedti comme plus raisonnable et plus responsable», ajoute M. Hudson.

Abdallah Hamdok a commis une grave «erreur diplomatique» en ostracisant l'armée, selon M. de Waal.

Les déplacements de Hemedti ont en effet suscité la colère du chef de l'armée, qui a accusé les dirigeants africains de «s'associer à l'assassinat du peuple soudanais». Jeudi, Khartoum a rappelé son ambassadeur à Nairobi après que le président kenyan a reçu le général Daglo.

-L’armée isolée-

Les paramilitaires contrôlent désormais Khartoum, la quasi-totalité de la vaste région occidentale du Darfour et ont pénétré dans l'Etat d'al-Jazira (centre-est).

L'armée, elle, s'est retrouvée «de plus en plus isolée», selon Clément Deshayes, ses défaites militaires éloignant même son proche allié et grand voisin du nord, l'Egypte.

Pendant des mois, les efforts diplomatiques pour mettre fin aux hostilités ont été vains, mais le général Daglo peut désormais «entamer les négociations en position de force».


Jordanie: l'armée dit avoir intercepté des drones et des missiles dans son espace aérien

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  • Le gouvernement a également condamné l'attaque israélienne contre l'Iran, le porte-parole de la diplomatie jordanienne Sufian Qudah mettant en garde contre "les conséquences d'une telle escalade"
  • La Jordanie a qualifié l'attaque israélienne "de violation flagrante de la souveraineté d'un Etat membre de l'ONU" et une "violation manifeste" du droit international

AMMAN: L'armée jordanienne a déclaré vendredi avoir intercepté des drones et des missiles ayant violé son espace aérien, après que l'Iran a averti qu'il n'y aurait "aucune limite" dans sa réponse à l'attaque lancée vendredi sur son territoire par Israël.

"Des avions de la Royal Air Force et des systèmes de défense aérienne ont intercepté vendredi matin un certain nombre de missiles et de drones qui ont pénétré dans l'espace aérien jordanien", a déclaré un communiqué de l'armée.

Plus tôt, des sirènes avaient retenti à Amman, le gouvernement appelant les habitants à ne pas sortir: "respectez les consignes, restez chez vous", ont averti des hauts-parleurs dans la capitale jordanienne, selon un correspondant de l'AFP.

Lors de la dernière attaque iranienne contre Israël, en octobre 2024, de nombreux drones et missiles tirés depuis l'Iran vers Israël avaient été interceptés dans l’espace aérien jordanien.

"La Jordanie n'a pas permis, et ne permettra pas, la moindre violation de son espace aérien", a déclaré vendredi le porte-parole du gouvernement, Mohammad Momani, réaffirmant que "le royaume ne sera pas un champ de bataille pour quelque conflit que ce soit."

Le gouvernement a également condamné l'attaque israélienne contre l'Iran, le porte-parole de la diplomatie jordanienne Sufian Qudah mettant en garde contre "les conséquences d'une telle escalade."

La Jordanie a qualifié l'attaque israélienne "de violation flagrante de la souveraineté d'un Etat membre de l'ONU" et une "violation manifeste" du droit international.


L'armée israélienne appelle des habitants à évacuer divers secteurs de la ville de Gaza

L'armée israélienne a sommé jeudi des habitants de la ville de Gaza d'en évacuer divers secteurs, qu'elle a présentés comme des "zones de combat", dans le nord du territoire palestinien dévasté par plus de vingt mois de guerre contre le Hamas. (AFP)
L'armée israélienne a sommé jeudi des habitants de la ville de Gaza d'en évacuer divers secteurs, qu'elle a présentés comme des "zones de combat", dans le nord du territoire palestinien dévasté par plus de vingt mois de guerre contre le Hamas. (AFP)
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  • L'armée israélienne a sommé jeudi des habitants de la ville de Gaza d'en évacuer divers secteurs, qu'elle a présentés comme des "zones de combat"
  • Les soldats israéliens "opèrent dans la zone où vous vous trouvez, afin d'éliminer les infrastructures terroristes", a déclaré le porte-parole de l'armée en langue arabe, Avichay Adraee, sur Telegram

JERUSALEM: L'armée israélienne a sommé jeudi des habitants de la ville de Gaza d'en évacuer divers secteurs, qu'elle a présentés comme des "zones de combat", dans le nord du territoire palestinien dévasté par plus de vingt mois de guerre contre le Hamas.

Les soldats israéliens "opèrent dans la zone où vous vous trouvez, afin d'éliminer les infrastructures terroristes", a déclaré le porte-parole de l'armée en langue arabe, Avichay Adraee, sur Telegram, affichant une carte qui mentionne en rouge plusieurs quartiers, notamment la vieille ville de Gaza. "Pour votre sécurité, évacuez immédiatement vers les abris connus dans l'ouest de la ville de Gaza", a-t-il ajouté.

 

 


Nucléaire: l'Iran défie les Etats-Unis avant des pourparlers prévus dimanche

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  • L'enrichissement d'uranium est la principale pierre d'achoppement dans les discussions irano-américaines, menées via une médiation d'Oman et visant à encadrer le programme nucléaire iranien en échange d'une levée des lourdes sanctions imposées à l'Iran
  • L'Iran est le seul Etat non doté d'armes nucléaires à enrichir de l'uranium au niveau élevé de 60%, selon l'AIEA. Pour fabriquer une bombe atomique, l'enrichissement doit être poussé jusqu'à 90%

TEHERAN: L'Iran a annoncé coup sur coup jeudi la prochaine construction d'un nouveau site d'enrichissement et une augmentation "significative" de sa production d'uranium enrichi, exacerbant les tensions sur son programme nucléaire avant des pourparlers avec les Etats-Unis prévus dimanche.

Dans le même temps, des médias américains, dont le New York Times et NBC News, ont rapporté qu'Israël, proche allié des Etats-Unis, semblait préparer une attaque imminente contre l'Iran, son ennemi juré.

Les annonces iraniennes sont intervenues après l'adoption par le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) d'une résolution condamnant l'Iran pour "non-respect" de ses obligations nucléaires.

L'enrichissement d'uranium est la principale pierre d'achoppement dans les discussions irano-américaines, menées via une médiation d'Oman et visant à encadrer le programme nucléaire iranien en échange d'une levée des lourdes sanctions imposées à l'Iran.

L'Iran est le seul Etat non doté d'armes nucléaires à enrichir de l'uranium au niveau élevé de 60%, selon l'AIEA. Pour fabriquer une bombe atomique, l'enrichissement doit être poussé jusqu'à 90%.

Les Occidentaux et Israël, considéré par des experts comme la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, accusent l'Iran de chercher à se doter de l'arme atomique. Téhéran dément en défendant un droit au nucléaire à des fins civiles.

"Les ordres nécessaires ont été donnés par le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA) pour lancer un nouveau centre d'enrichissement dans un endroit sécurisé", ont indiqué les Affaires étrangères iraniennes et l'OIEA.

"Nous remplaçons toutes (les) machines de première génération par des machines avancées de sixième génération" à l'usine d'enrichissement de Fordo, au sud de Téhéran, a déclaré Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l'OIEA. Cela signifie selon lui que la production "de matière enrichie augmentera de manière significative".

Plus tard, le chef de l'OIEA, Mohammad Eslami, a jugé "illégale" la résolution de l'AIEA, l'imputant à "l'influence" israélienne.

M. Eslami a souligné que son pays avait respecté ses engagements envers l'AIEA, mais qu'il s'était affranchi de certaines obligations liées à l'accord nucléaire conclu avec les puissances mondiales en 2015, après le retrait unilatéral américain de ce pacte en 2018.

"Ils ne peuvent pas s'attendre à ce que nous les respections sans qu'ils (les pays occidentaux) honorent leurs engagements", a-t-il déclaré à la télévision d'Etat.

Selon lui, l'enrichissement sur le nouveau site débutera "dès l'installation des machines".

L'accord de 2015 fixait la limite de l’enrichissement à 3,67%.

Menaces d'attaques 

Israël a aussitôt appelé la communauté internationale à "une réponse décisive" contre l'Iran, dont les actes constituent selon lui "une menace imminente pour la sécurité et la stabilité"internationales.

L'Etat israélien, qui considère le programme nucléaire iranien comme une menace existentielle, a maintes fois menacé d'attaquer les sites nucléaires iraniens.

L'Iran a averti qu'il répondrait à toute frappe israélienne en ciblant les "installations nucléaires secrètes" d'Israël.

Mercredi, il a aussi menacé de frapper les bases militaires américaines au Moyen-Orient en cas de conflit consécutif à un éventuel échec des négociations avec Washington.

Dans la foulée, un responsable américain a déclaré que les effectifs de l'ambassade des Etats-Unis à Bagdad avaient été réduits pour raisons de sécurité. Et les Etats-Unis ont décidé de restreindre les déplacements en Israël des employés du gouvernement américain et de leurs familles.

A Vienne, la résolution adoptée par l'AIEA appelle l'Iran à "remédier d'urgence au non-respect" des engagements pris en vertu du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). En l'état, l'AIEA, une instance onusienne, "n'est pas en mesure de garantir que le programme nucléaire iranien est exclusivement pacifique".

"Mieux sans guerre"

Malgré cette escalade, le chef de la diplomatie omanaise, Badr Albusaidi, a confirmé la tenue dimanche à Mascate du 6e cycle de négociations irano-américaines.

L'Union européenne a appelé l'Iran à "éviter toute mesure qui contribuerait à une escalade". Et la France a dénoncé "la poursuite assumée de l'escalade nucléaire de l'Iran".

Washington et Téhéran, qui n'ont pas de relations diplomatiques depuis 1980, tentent depuis avril de s'entendre sur un accord après le retrait des Etats-Unis de l'accord de 2015, sous le premier mandat de Donald Trump, et le rétablissement des sanctions américaines.

Dans un podcast du New York Post, enregistré lundi, M. Trump a dit être "beaucoup moins confiant (qu'auparavant) de parvenir à un accord" avec l'Iran.

Le président américain, qui a plusieurs fois menacé de s'en prendre militairement à l'Iran en cas d'échec de la diplomatie, a toutefois dit que "ce serait mieux sans guerre".

Les Etats-Unis exigent que l'Iran renonce totalement à l'enrichissement d'uranium, ce que Téhéran refuse, affirmant en avoir le droit en vertu du TNP dont il est signataire.

L'Iran a indiqué lundi qu'il soumettrait dans les prochains jours sa propre proposition aux Etats-Unis en vue d'un accord sur le nucléaire, après avoir critiqué un plan proposé par les Etats-Unis. On ignore le contenu des deux propositions.