Procès du 13-Novembre: Confrontation entre deux systèmes de pensée antinomiques

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Publié le Jeudi 09 septembre 2021

Procès du 13-Novembre: Confrontation entre deux systèmes de pensée antinomiques

  • Les accusés, dans ce cas précis, ne reconnaissent même pas l’existence de la justice française
  • Le passage à l’acte de Mohammed Merah, en 2012, est un événement qui a été «mal lu par la société française»

PARIS: Ce n’est pas un procès classique qui s’ouvre aujourd’hui à Paris. Ni par son ampleur logistique, ni par sa nature. Une salle d’audience hors norme, pour un procès hors norme. Et pour cause: les accusés, dans ce cas précis, ne reconnaissent même pas l’existence de la justice française et ne se sentent donc pas concernés par une quelconque obligation de rendre des comptes. Pour eux, seule compte la justice divine.

Sur ce point, Anne-Clémentine Larroque, spécialiste de l’idéologie islamiste et chargée de cours à Sciences Po, est formelle: il y a chez des individus tels que Salah Abdeslam «un rejet de la république et un déni de la justice française», explique-t-elle à Arab News en français.

«Je suis allée en février 2018 à l’audience du procès de Salah Abdeslam», raconte l'historienne, qui affirme qu’il se joue dans le tribunal «autre chose que la simple application des principes juridiques», car le prévenu «ne reconnaît pas les lois de la justice des hommes; seule compte celle d’Allah».

La spécialiste insiste sur la confrontation qui est à l’œuvre entre deux systèmes de pensée totalement différents: celui d’une république démocratique et celui d’une idéologie salafo-djihadiste.

En réalité, c’est comme si ces personnes n’étaient même pas présentes au procès. Parfois, elles choisissent d’ailleurs de ne pas y assister: Amel Sakaou, l’une des accusées de l’attentat manqué à la bonbonne de gaz de Notre-Dame de Paris, est restée dans la souricière du tribunal. Elle refusera de comparaître tout au long du procès. Ayant fait le choix de ne pas être défendue à la barre, elle écopera de vingt ans de prison.

D’autres, qui acceptent de parler, ne veulent être jugés que sur les faits: pour eux, seul Dieu peut les interpréter, et ils nient aux avocats le droit de plaider.

 

L’enjeu du procès

Pour Anne-Clémentine Larroque, ce procès «a d’abord une dimension mémorielle historique».

«Il ne faut jamais perdre de vue que les valeurs de la démocratie sont toujours fragiles, qu’elles ne sont jamais acquises. On a tendance à être amnésique. Ce procès est un rappel à l’ordre sur une posture du système idéologique démocratique qui peut être parfois un peu arrogante. C’est un rappel de notre fragilité, de la nécessité de nous remettre en question.

Or, cela reste difficile dans un monde qui ne voit pas à long terme.

Le fait qu’il ait lieu pendant la campagne présidentielle ne va pas aider à rationaliser les fulgurances passionnelles et démesurées que l’action des djihadistes manifeste.»

«Aucun changement»

Dans le procès qui s’ouvre aujourd’hui à Paris, «on ne sait pas dans quelle posture les accusés vont s’installer», note Anne-Clémentine Larroque, qui ne s’attend quant à elle à «aucun changement» du côté de Salah Abdelslam. «Il va très probablement rester encore muré dans son mutisme», indique-t-elle, avant d’expliquer qu’il «ne peut discuter avec quelqu’un qui n’est pas “comme lui”, c’est-à-dire “musulman” selon sa propre acception de l’islam. Pour les islamistes, les musulmans deviennent “identitairement” ce qu’ils sont eux-mêmes», souligne l'historienne.

S’il fallait tenter de comparer le 13-Novembre au meurtre de Samuel Paty, lequel de ces deux événements pourrait-il être considéré comme central? Pour la chercheuse, il ne fait pas de doute que «les deux se complètent, dans la crise identitaire que traverse actuellement la France».

«Dans les deux cas, il y a une volonté de tuer une part de l’identité républicaine de la France. Ces deux actions, menées à cinq ans d’intervalle, se répondent et constituent un signal fort», martèle la chercheuse, qui précise que, paradoxalement, «notre modèle représente une menace pour notre propre société, car la majorité des auteurs des attentats sont français». «C’est comme si la société se tue elle-même», fait-elle observer.

«Les individus en question rejettent tellement le milieu duquel ils sont issus qu’ils veulent le tuer», ajoute-t-elle.

Elle estime d’ailleurs que «tout ce qu’on voit là sont des symptômes qui tirent leur racine d’un passé bien plus complexe entre la civilisation occidentale et la civilisation arabo-musulmane».

«Spectacularisation du phénomène»

Peut-on, dans ce contexte, parler d’éléments précurseurs aux attentats du 13-Novembre? Pour la chercheuse, il ne fait pas de doute que ces derniers existent: il s’agit de «tous les attentats perpétrés depuis le 11 septembre 2001, au moment où le terrorisme djihadiste devient visible et représente désormais une véritable force de frappe. Il y a alors une spectacularisation du phénomène».

Elle souligne à ce titre que le passage à l’acte de Mohammed Merah au mois de mars 2012 – lorsqu’il assassine un soldat français d’origine marocaine parce que ce dernier a servi en Afghanistan – est un événement qui a été «mal lu par la société française». À l’époque, en effet, on ne disposait pas des outils nécessaires pour mesurer l’envergure de cet acte. Anne-Clémentine Larroque rappelle que, avant d’agir, Merah est allé au Pakistan, «dans les zones tribales du Waziristan, pour aller chercher sa tazkiah [“recommandation”] auprès d’un djihadiste tunisien francophone du nom de Moez Garsallaoui».

Qui est Moez Garsallaoui?

Il vivait en Suisse depuis des années et était marié à Malika el-Aroud, une Belge d’origine marocaine surnommée «l’icône des djihadistes» ou «la veuve noire» car elle avait eu antérieurement pour époux Abdessatar Dahmane, alias Abou Obeyda, qui avait participé au meurtre du commandant Massoud, le 9 septembre 2001, dans le nord-est de l’Afghanistan. Garsallaoui sera tué au Pakistan par un drone lors d’un raid américain.

Bernard Squarcini, le directeur de ce qui était la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure, NDLR) à l’époque, l’actuelle DCRI, déclare alors que Merah n’est pas «un loup solitaire». La France comprend peu à peu qu’il existe une véritable mouvance, «mais cela prend du temps». Avec les attentats perpétrés contre Charlie Hebdo, le monde prend conscience de l’ampleur de ces actes. Il existe une véritable action dirigée contre la France puisque deux groupes terroristes se sont associés pour mener ces attaques: les frères Kouachi sont membres de l’Aqpa (Al-Qaïda dans la péninsule Arabique) et Coulibaly, quant à lui, a prêté allégeance à Daech. «Non seulement il s’agit d’actions projetées de l’étranger, mais c’est une combinaison de deux labels», explique Anne-Clémentine Larroque.

Loi confortant le respect des principes de la république: quelle portée?

Cette loi, qui a changé de noms à de nombreuses reprises, a pour origine le discours des Mureaux d’Emmanuel Macron, au mois d’octobre 2020. Il faut noter qu’il est prononcé quinze jours avant la décapitation de Samuel Paty, observe Anne-Clémentine Larroque.

Pour la chercheuse, même si ce discours intervient trop tard par rapport à l’ampleur du phénomène islamiste et à ce qu‘il signifie en France, sa portée symbolique ne doit pas être minimisée.

Cette prise de parole est en effet symbolique, car l’exécutif reconnaît l’existence d’une menace qui existe sur le territoire. Le mot qui a été utilisé est «islamisme», et non «islam». On vise donc ici l’idéologie qui a pour objectif de détourner l’islam et non la religion elle-même.


Macron réunira un conseil de défense dimanche soir après les frappes américaines en Iran, annonce l'Elysée

Emmanuel Macron, Président de la République française. (Photo AFP)
Emmanuel Macron, Président de la République française. (Photo AFP)
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  • Le chef de l'État, qui a échangé dimanche avec le prince héritier d’Arabie saoudite et le sultan d’Oman, « entend poursuivre ses contacts avec ses partenaires européens et les leaders de la région
  • Le président a également assuré que la France « met tout en œuvre pour accélérer le départ de nos ressortissants qui le souhaitent d’Iran et d'Israël ».

PARIS : Emmanuel Macron tiendra un nouveau conseil de défense et de sécurité nationale dédié à la situation au Proche et Moyen-Orient dimanche à 19 h 30, a indiqué l'Élysée.

Le chef de l'État, qui a échangé dimanche avec le prince héritier d’Arabie saoudite et le sultan d’Oman, « entend poursuivre ses contacts avec ses partenaires européens et les leaders de la région au cours des prochaines heures, après les frappes américaines sur les sites nucléaires iraniens ».  

Le président a également assuré que la France « met tout en œuvre pour accélérer le départ de nos ressortissants qui le souhaitent d’Iran et d'Israël ».

Par un message de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur X, la France a exprimé sa préoccupation après les frappes américaines contre les sites nucléaires de l'Iran, exhortant « les parties à la retenue pour éviter toute escalade susceptible de conduire à une extension du conflit ».

La France a précisé qu'elle « n'a ni participé à ces frappes ni à leur planification », et a ajouté être « convaincue que le règlement durable à cette question passe par une solution négociée dans le cadre du Traité de non-prolifération ».  


Macron affirme que les Européens vont "accélérer les négociations" avec l'Iran, après un appel avec le président iranien

Une combinaison d'images créées le 7 août 2024 montre le président iranien Masoud Pezeshkian (G) lors de sa cérémonie de prestation de serment au parlement de Téhéran, le 30 juillet 2024, et le président français Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse au Pavillon Cambon Capucines à Paris, le 12 juin 2024. (AFP)
Une combinaison d'images créées le 7 août 2024 montre le président iranien Masoud Pezeshkian (G) lors de sa cérémonie de prestation de serment au parlement de Téhéran, le 30 juillet 2024, et le président français Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse au Pavillon Cambon Capucines à Paris, le 12 juin 2024. (AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron a affirmé samedi que les Européens allaient "accélérer les négociations" avec l'Iran pour "sortir de la guerre et éviter de plus graves dangers", après un appel avec le président iranien

PARIS: Le président français Emmanuel Macron a affirmé samedi que les Européens allaient "accélérer les négociations" avec l'Iran pour "sortir de la guerre et éviter de plus graves dangers", après un appel avec le président iranien Masoud Pezeshkian.

Le chef de l'Etat a prévenu son homologue de sa "profonde inquiétude concernant le programme nucléaire iranien", a-t-il affirmé sur le réseau social X plus d'une semaine après le début de la guerre entre l'Iran et Israël, assurant que "l'Iran ne (devait) jamais avoir l'arme nucléaire" et devra "donner toute garantie que ses intentions sont pacifiques".


Mercosur: Paris et Rome veulent des clauses pour protéger les agriculteurs européens

Le président français Emmanuel Macron assiste à la signature d'un accord entre Air France-KLM et le Groupe ADP lors de la 55e édition du Salon international de l'aéronautique et de l'espace (SIAE) à l'aéroport Paris-Le Bourget, au Bourget, au nord de Paris, le 20 juin 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron assiste à la signature d'un accord entre Air France-KLM et le Groupe ADP lors de la 55e édition du Salon international de l'aéronautique et de l'espace (SIAE) à l'aéroport Paris-Le Bourget, au Bourget, au nord de Paris, le 20 juin 2025. (AFP)
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  • La France a multiplié ces derniers mois les initiatives européennes pour tenter de bloquer l'adoption du traité commercial entre l'Union européenne et des pays du Mercosur
  • Le président français Emmanuel Macron avait assuré le 6 juin qu'il était prêt à signer un accord avec le Mercosur d'ici fin 2025, mais sous condition, à l'occasion d'une visite du président brésilien en France

PARIS: La France et l'Italie appellent à "un meilleur équilibre" de l'accord UE-Mercosur pour protéger les agriculteurs européens y compris en adoptant "des clauses dédiées", ont-elles annoncé dans un communiqué conjoint.

La France a multiplié ces derniers mois les initiatives européennes pour tenter de bloquer l'adoption du traité commercial entre l'Union européenne et des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), qui suscite une forte opposition du monde agricole hexagonal.

Le texte prévoit la possibilité pour l'UE d'exporter notamment davantage de voitures, de machines ou de spiritueux. En retour, il faciliterait l'entrée de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains.

Benjamin Haddad, ministre français délégué à l'Europe, s'est entretenu cette semaine à Rome avec son homologue italien Tommaso Foti pour "aborder les voies possibles d'amélioration de l'accord du Mercosur", selon le communiqué conjoint.

"Les ministres Haddad et Foti partagent la nécessité de mieux protéger nos agriculteurs et nos règles sanitaires, y compris par l'adoption de clauses dédiées", explique le texte.

"Même s'il contient des bénéfices, l'accord UE Mercosur ne protège pas suffisamment les agriculteurs européens contre les risques de perturbation de marché et ne permet pas d'assurer durablement la souveraineté alimentaire du continent", ajoute-t-il.

Le président français Emmanuel Macron avait assuré le 6 juin qu'il était prêt à signer un accord avec le Mercosur d'ici fin 2025, mais sous condition, à l'occasion d'une visite du président brésilien en France.

Lula avait lui insisté sur la nécessité d'un tel accord malgré l'opposition du secteur agricole européen.