Pourquoi la fusion Lagardère-Vivendi inquiète le monde de l'édition

L'acquisition du groupe Lagardère, qui tient son assemblée générale vendredi, par son concurrent Vivendi inquiète le monde de l'édition (Photo, AFP).
L'acquisition du groupe Lagardère, qui tient son assemblée générale vendredi, par son concurrent Vivendi inquiète le monde de l'édition (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 22 avril 2022

Pourquoi la fusion Lagardère-Vivendi inquiète le monde de l'édition

  • La division édition de Lagardère représente un chiffre d'affaires de 2,598 milliards d'euros en 2021
  • C'est le triple d'Editis, avec 856 millions d'euros

PARIS: L'acquisition du groupe Lagardère, qui tient son assemblée générale vendredi, par son concurrent Vivendi inquiète le monde de l'édition, car ces deux groupes détiennent les numéros un et deux français: Hachette Livre et Editis.

Quelle position ont les deux groupes sur le marché du livre?

La division édition de Lagardère (Lagardère Publishing, dont Hachette Livre) représente un chiffre d'affaires de 2,598 milliards d'euros en 2021. C'est le triple d'Editis, avec 856 millions d'euros.

Devant ses actionnaires, Arnaud Lagardère rêve d'un leader mondial de l'édition, sous la coupe de Vivendi

Arnaud Lagardère, PDG du groupe d'édition et de médias qui porte son nom, est longuement revenu vendredi sur le rapprochement "prometteur" entre Hachette et Editis, filiale de Vivendi, qui devrait découler du succès de l'OPA du groupe de Vincent Bolloré.

"C'est une autre vie, un Lagardère nouveau et bien plus prometteur qui s'ouvre à nous", a-t-il lancé lors de l'assemblée générale des actionnaires du groupe au Casino de Paris, retransmise en vidéo pour les journalistes.

Avec Vivendi, "nous avons des ambitions qui dépassent les ambitions françaises. Elles sont européennes et elles sont mondiales, sans que bien évidemment cela ne remette en cause la liberté d'expression et d'écriture de tous nos auteurs", a-t-il poursuivi.

Arnaud Lagardère a rappelé avoir sollicité lui-même il y a deux ans l'aide de Vincent Bolloré, alors qu'il était confronté à une mauvaise passe actionnariale.

Depuis, le groupe du magnat breton est monté au capital et a lancé mi-avril une offre publique d'achat (OPA) pour prendre officiellement le contrôle du groupe fondé par Jean-Luc Lagardère, disparu en 2003.

"J'ai laissé dérouler les choses" et "je me suis mis totalement en retrait", car "je n'avais pas les moyens" de lancer une OPA au côté de Vivendi, s'est justifié Arnaud Lagardère, oubliant au passage l'alliance contre lui de Vincent Bolloré avec son adversaire Amber Capital et la longue bataille judiciaire qu'il avait menée pour empêcher leur prise de pouvoir.

La concorde est désormais revenue entre les deux hommes d'affaires. "L'idée, c'est de devenir le leader mondial du marché du livre et c'est réalisable", a déclaré Arnaud Lagardère, qui compte sur les moyens financiers de Vivendi pour se lancer dans des acquisitions supérieures à un milliard d'euros.

Le mariage entre Hachette et Editis, qui à eux deux écraseraient le marché français de leur domination, ne sera toutefois pas autorisé sans céder des maisons d'éditions.

"Sur ce dossier, c'est Vivendi qui a la main" et qui agira "dans l'intérêt de Vivendi et de Lagardère, je n'ai absolument aucun doute", a assuré Arnaud Lagardère.

Il tient en revanche à conserver le contrôle de ses médias, les titres de presse Paris Match et Le JDD, qu'il a récemment refusé de céder au milliardaire Bernard Arnault - également actionnaire de son groupe - et surtout la radio Europe 1, dont les audiences dégringolent depuis 10 ans.

Concernant celle-ci, il a promis de ne pas refaire "la même erreur" en arrêtant trop vite les émissions qui ne marchent pas. "Peut-être faut-il être un peu plus patient, attendre, voir comment les choses vont se dérouler", a-t-il relevé.

Sur le seul marché français, Editis, en concentrant l'essentiel de son activité dans son pays d'origine, devance de peu Hachette, qui réalise environ deux tiers de son chiffre d'affaires à l'étranger (en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Espagne, etc...).

À deux, ils écrasent le marché français de leur domination, notamment dans des domaines sensibles: 74% de parts de marché dans le livre scolaire, 84% dans le parascolaire, selon des chiffres du Syndicat national de l'édition cités par un concurrent, Antoine Gallimard.

Pourquoi cette fusion pose-t-elle problème?

Un exemple suffit à l'illustrer: les dictionnaires. Hachette contrôle Larousse, tandis qu'Editis détient son rival Le Robert. Sur un segment où il serait très difficile pour un troisième acteur de s'immiscer, le consommateur aurait beaucoup à perdre si ces deux éditeurs cessaient d'être concurrents.

La fusion paraît manifestement contraire aux règles européennes de la concurrence. La Commission européenne doit donner son feu vert à toute fusion de cette taille pour éviter toute "position dominante", en exigeant de remédier aux distorsions qu'elle génère sur les différents marchés touchés.

Les libraires sont parmi les plus opposés à l'opération. Ce sont souvent de toutes petites structures qui, face à ces mastodontes, ont peu de pouvoir dans la négociation. Elles en auraient encore moins si Hachette et Editis unissaient leurs puissantes filiales commerciales, Hachette Livre Distribution et Interforum.

Que va faire Vivendi?

"Certains actifs pourraient être cédés (...) Le périmètre exact de ces cessions, non identifié à ce stade, sera établi au cours des échanges avec la Commission européenne", explique Vivendi dans la note explicative de son opération publique d'achat sur Lagardère, lancée le 14 avril.

L'agence de notation Moody's, dans une note jeudi, fait l'hypothèse "que la cession de l'activité française de Hachette ou celle d'Editis sera nécessaire". D'après ses calculs, "Vivendi pourrait tirer un milliard d'euros de cette vente hypothétique".

Mais les projets de Vivendi et de son actionnaire principal, le milliardaire Vincent Bolloré, sont un mystère. On peut l'imaginer conserver les plus belles maisons d'édition des deux groupes, lui qui dit investir dans le livre par une passion héritée de sa mère Monique, qui fit une longue carrière chez Gallimard. Quand on acquiert Grasset, l'une des maisons de prestige de Hachette, ou l'éditeur d'Astérix, Albert René, à la rentabilité hors norme, difficile de se séparer de ces joyaux.

Que peuvent les opposants?

Les acteurs de la filière livre jouent leur rôle d'alerte auprès de la Commission européenne. Les éditeurs concurrents (au sein du Syndicat national de l'édition), libraires (Syndicat de la librairie française) et auteurs (Société des gens de lettres) présentent un front uni, qui plaide à Bruxelles pour le maintien d'une concurrence la plus ouverte possible, au nom de la diversité éditoriale.

En interne, les syndicats de Hachette comme d'Editis se disent vigilants face aux éventuelles restructurations à venir. Mais ils sont voués à attendre que leurs directions respectives les informent de leurs plans.


Hoor al-Qasimi nommée directrice artistique de la Biennale de Sydney

Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
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  • Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre
  • Depuis 2017, Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique

DUBAÏ : La Biennale de Sydney a annoncé cette semaine la nomination de la commissaire d’expositions émiratie Hoor al-Qasimi au poste de directrice artistique de sa 25e édition, qui se tiendra du 7 mars au 8 juin 2026.

Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre et s’affirme en tant que première biennale établie dans la région Asie-Pacifique.

En 2009, Al-Qasimi a créé la Fondation d'art de Sharjah, dont elle est actuellement la présidente et la directrice. Tout au long de sa carrière, elle a acquis une vaste expérience dans la conception de biennales internationales, notamment en tant que commissaire de la deuxième Biennale de Lahore en 2020 et du Pavillon des Émirats arabes unis à la 56e Biennale de Venise en 2015.

Elle a également cocuraté la sixième édition de la Biennale de Sharjah en 2003 et en assure la direction depuis.

Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique depuis 2017.  Elle a précédemment siégé au conseil d'administration du MoMA PS1 à New York et à celui du Ullens Center for Contemporary Arts (UCCA), à Beijing, entre autres fonctions.

Elle est également directrice artistique de la sixième Triennale d'Aichi, qui se tiendra au Japon en 2025.

 


Cannes: le conflit israélo-palestinien en filigrane

L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
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  • Sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza
  • Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité »

CANNES, France : Un symbole palestinien ou un portrait d'otage: à l'heure où le conflit entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza embrase les campus et les réseaux sociaux, les stars présentes au 77e Festival de Cannes préfèrent afficher un soutien discret.

Ruban jaune accroché à la veste, l'acteur Philippe Torreton a gravi mardi les marches du Festival. Un symbole en soutien aux quelque 250 personnes prises en otage par le Hamas le 7 octobre.

L'actrice Leïla Bekhti, qui a récemment enregistré un message en faveur des enfants de Gaza pour l'Unicef, a arboré mercredi un pin's pastèque, l'un des symboles de la résistance palestinienne.

Des positionnements très discrets quant au conflit israélo-palestinien, au moment où sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza. Beyoncé et Kim Kardashian figurent parmi les cibles de cette mobilisation propalestinienne et ont déjà perdu des centaines de milliers d'abonnés.

En réponse, des célébrités comme Omar Sy, membre du jury à Cannes, ont mis en ligne en début de semaine un appel au cessez-le-feu sur Instagram.

Sur le tapis rouge cannois, le message le plus fort à propos de ce conflit est venu jusqu'ici d'une survivante de l'attaque du Hamas le 7 octobre, Laura Blajman-Kadar, vêtue d'une robe jaune affichant des portraits d'otages israéliens et une écharpe noire «Bring them home» («Ramenez-les à la maison»).

Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité, ont indiqué à l'AFP ses organisateurs.

Ce film, composé d'extraits des caméras et téléphones des assaillants du Hamas et d'images captées par des victimes et des secouristes, avait été diffusé le 14 novembre à l'Assemblée nationale en France. Des projections privées ont déjà eu lieu en marge de sommets comme Davos, selon les organisateurs.

- Haute surveillance -

Mais point de manifestation politique, ni côté public, ni côté montée des marches. Une discrétion à l'extrême, qui pourrait basculer avec la présentation vendredi à 18H00 de «La belle de Gaza», documentaire dans le milieu très fermé des femmes transgenres palestiniennes réfugiées à Tel-Aviv.

Même si le conflit israélo-palestinien, évoqué à travers la dureté des autorités pour les «clandestines» venues de Cisjordanie sans permis de travail, s'efface totalement dans ce film de Yolande Zauberman, supplanté par un autre type de conflit intime et universel.

Si aucun film palestinien n'est présent en sélection, «Vers un pays inconnu» du réalisateur danois d'origine palestinienne Mahdi Fleifel, suit deux jeunes cousins palestiniens se retrouvant en Grèce, après avoir fui un camp au Liban. Le film est présenté à la Quinzaine des cinéastes.

Au Marché du film, le plus grand au monde, le pavillon du «film arabe» a déroulé une grande banderole appelant à soutenir l'industrie des territoires occupés ou ses cinéastes en exil.

Le seul film israélien présenté cette année est le court-métrage d'Amit Vaknin, étudiante en cinéma à l'Université de Tel-Aviv. «It's no time for pop» s'attache à une jeune femme qui refuse de prendre part à des festivités patriotiques.

Le pavillon israélien a été maintenu, sous très haute surveillance, avec un filtrage sécuritaire drastique à l'entrée.

L'équipe de l'ambassade israélienne a déclaré à l'AFP avoir douté jusqu'au dernier moment du maintien de sa présence, moins d'une semaine après les manifestations monstre lors de l'Eurovision en Suède.

 


Pour sa nouvelle création, Angelin Preljocaj livre son «Requiem(s)»

Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
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  • Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes
  • Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal

AIX-EN-PROVENCE, France : De la tristesse, de la rage parfois mais aussi des moments de joie, le chorégraphe français Angelin Preljocaj présente ce week-end à Aix-en-Provence, en première mondiale, «Requiem(s)», un spectacle autour de toutes les facettes de la mort et du deuil.

«C'est un thème magnifique et puis l'année 2023 était une année assez dure pour moi personnellement. J'ai perdu beaucoup d'amis, mes parents aussi. Je me suis dit que c'était peut-être le moment de faire un requiem», confie M. Preljocaj à l'AFP.

Basé avec son ballet à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, au Pavillon noir, le chorégraphe d'origine albanaise est connu notamment pour ses ballets «Le Parc» et «Blanche-Neige», et ses collaborations fréquentes avec des artistes issus de la musique électro comme Air, le DJ Laurent Garnier et les Daft Punk.

Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes.

Pour ce spectacle, Angelin Preljocaj dit s'être longuement documenté, allant piocher des références entre autres chez le sociologue Émile Durkheim, qui expliquait que les hommes ont fait société quand ils ont commencé à donner une cérémonie pour leurs morts.

Les facettes de ce cérémonial ressortent tout au long du ballet, tantôt langoureux, tantôt très rythmé, parfois complètement frénétique, les danseurs jouant avec les différentes émotions liées au deuil.

«Ce n'est pas toujours triste, il y a beaucoup de joie dans le spectacle aussi, de la rage parfois, de la mélancolie», énumère le chorégraphe.

- De Mozart au métal -

Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal.

«Les musiques m'apportaient des nuances d'émotions différentes et j'avais envie de travailler avec ces choses-là, par exemple les cantates de Bach (1685-1750), Ligeti (1923-2006), Mozart (1756-1791)... et du métal. Je me suis beaucoup amusé avec ça», sourit Angelin Preljocaj.

Des décors aux costumes en passant par la lumière, les danseurs se retrouvent plongés dans une bichromie noire et blanche pudique, seulement troublée par quelques très rares touches de rouge.

Après une heure trente de danse, le public a applaudi de longues minutes.

«Un spectacle, c'est comme une photographie qu'on met dans le révélateur; le révélateur c'est le public, et ce soir c'était très très chaleureux», souffle le chorégraphe à l'issue de la générale.

Après les deux dates inaugurales au Grand Théâtre de Provence vendredi et samedi, une tournée à Paris et dans plusieurs autres villes de France, le spectacle reviendra au mois d'octobre à Aix puis sera joué le 4 décembre à Modène (Italie) puis en 2025 à Athènes, Madrid et Fribourg (Suisse).