A Khartoum, un petit dispensaire de campagne au milieu de la guerre

Pour le syndicat des médecins, "12.000 malades" risquent de mourir sans leur dialyse dans des hôpitaux où les stocks sont vides et les générateurs en panne de carburant. (AFP).
Pour le syndicat des médecins, "12.000 malades" risquent de mourir sans leur dialyse dans des hôpitaux où les stocks sont vides et les générateurs en panne de carburant. (AFP).
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Publié le Mardi 30 mai 2023

A Khartoum, un petit dispensaire de campagne au milieu de la guerre

  • Avec les trois quarts des hôpitaux hors service dans les zones de combat, selon le syndicat des médecins, les "maladies chroniques sont dix fois plus mortelles que les balles en ce moment"
  • Au Soudan, frappé par un embargo international pendant deux décennies, le système de santé est déliquescent depuis longtemps

OMDOURMAN: Devant un tableau noir, ils perfusent une patiente allongée sur une table d'écolier avec une poche de sérum accrochée à un volet. A Khartoum, une poignée de bénévoles tentent, avec les moyens du bord, de remplacer les hôpitaux fermés.

Dans une petite école du quartier d'al-Rachidine à Omdourman, la banlieue nord de la capitale soudanaise, le docteur Mohammed al-Taher et deux jeunes du quartier devenus infirmiers de campagne accueillent blessés et malades avec les quelques cartons de médicaments que les voisins ont rassemblés.

"On soigne des enfants ou des malades chroniques, comme des diabétiques ou des gens souffrant d'hypertension", raconte le praticien, chemise bleu azur sur un jean.

Avec les trois quarts des hôpitaux hors service dans les zones de combat, selon le syndicat des médecins, "ces maladies chroniques sont dix fois plus mortelles que les balles en ce moment", assure le docteur Taher.

Pour le syndicat des médecins, "12.000 malades" risquent de mourir sans leur dialyse dans des hôpitaux où les stocks sont vides et les générateurs en panne de carburant.

« Gratuitement »

Depuis que la guerre a éclaté le 15 avril entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo, les "comités de résistance", ces groupes de quartier pro-démocratie, ont changé d'activité.

Avant, ils organisaient les manifestations contre le pouvoir militaire. Aujourd'hui, ces jeunes militants organisent des collectes d'eau et de nourriture ou mettent sur pied des dispensaires de fortune, plus accessibles que les rares hôpitaux qui fonctionnent encore, souvent séparés des blessés et des malades par des barrages de tirs.

"On forme des jeunes aux premiers soins au cas où ils se retrouveraient face à des blessés au milieu des combats", explique le docteur Taher.

Au Soudan, frappé par un embargo international pendant deux décennies, le système de santé est déliquescent depuis longtemps. Mais l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a en plus noté "une fuite des cerveaux et du personnel de santé formé" au début de la guerre.

Maha Mohammed a tout de suite répondu à l'appel. Cette jeune Soudanaise en abaya et voile noirs tient la pharmacie du petit hôpital de campagne qui assure "de 09H00 à 15H00 médecine générale et petites opérations", selon la pancarte écrite à la main à l'entrée.

Et ce "gratuitement", dans un pays où 65% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Devant des étagères garnies de quelques sirops et poches de sérum, elle plaide pour "plus de dons" alors que les stocks d'aide alimentaire et médicale ont été pillés ou se trouvent au coeur des combats.

« Apportez vos médicaments »

Les humanitaires, qui comptent déjà 18 morts dans leurs rangs, disent ne voir aucun couloir sécurisé s'ouvrir pour acheminer l'aide, malgré une trêve officiellement annoncée mais jamais appliquée. Quant aux containers arrivés par les airs, ils sont pour la plupart bloqués aux douanes.

"Nous devons être solidaires entre nous avant d'attendre l'aide de l'étranger: les gens qui ont des médicaments chez eux, apportez-les ici", lance Maha Mohammed.

Sous le préau de l'école, de nouveaux patients arrivent pour s'enregistrer auprès de deux femmes postées derrière une table et une petite boîte pour les dons.

"Notre quartier est sous les tirs donc de nombreux hôpitaux ont dû fermer, du coup les gens viennent ici pour recevoir des soins gratuits des médecins du quartier", explique un autre volontaire, Achraf, petite barbe noire et chemise rouge à carreaux.

Leur nombre pourrait bientôt augmenter drastiquement car en juin débute la saison des pluies, synonyme d'épidémies: le paludisme fait chaque année des ravages et le choléra pourrait exploser en raison du manque d'eau potable.

Mais Achraf veut rester optimiste, dans un pays allé de guerres civiles en coups d'Etat presque sans interruption depuis l'indépendance en 1956.

"Cette guerre va passer", dit-il.

"On a vu plein de crises au Soudan, et à chaque fois on croit que c'est la dernière, mais celle-ci aussi se terminera".


Un système d’armement américain utilisé dans une frappe israélienne au Liban violerait le droit international

Des débris entourent les bâtiments détruits par une frappe israélienne dans le village frontalier de Mays al-Jabal, dans le sud du Liban, le 5 mai 2024 (AFP).
Des débris entourent les bâtiments détruits par une frappe israélienne dans le village frontalier de Mays al-Jabal, dans le sud du Liban, le 5 mai 2024 (AFP).
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  • The Guardian et Human Rights Watch (HRW) ont identifié les fragments d’une bombe JDAM fabriquée par Boeing sur le site où les secouristes ont été tués
  • Les États-Unis interdisent la vente de ces systèmes à des armées étrangères lorsqu’il existe des «informations crédibles» sur des violations des droits de l’homme

LONDRES: Une frappe aérienne israélienne au Liban, qui a fait sept morts parmi les travailleurs humanitaires en mars, pourrait avoir été lancée à l’aide d’un système d’armement fourni par les États-Unis, selon une enquête menée par le quotidien The Guardian.

Cet incident a coûté la vie à sept secouristes âgés de 18 à 25 ans, tous bénévoles, qui se trouvaient dans un centre ambulancier à Al-Habariyé, dans le sud du Liban, le 27 mars.

Il a eu lieu cinq jours avant qu’une frappe israélienne à Gaza ne tue sept travailleurs humanitaires travaillant pour l’ONG World Central Kitchen.

Les débris trouvés sur les lieux à Al-Habariyé ont été identifiés par The Guardian, un expert indépendant et Human Rights Watch (HRW) comme appartenant à une bombe israélienne MPR de 230 kg et à une bombe JDAM (Joint Direction Attack Munition) fabriquée par Boeing, un système attaché aux explosifs pour les transformer de bombes non guidées en bombes guidées par GPS.

Ramzi Kaiss, chercheur de HRW sur le Liban, a indiqué à The Guardian que «les assurances d’Israël sur son utilisation légale des armes américaines ne sont pas crédibles. Étant donné que le comportement d’Israël à Gaza et au Liban continue de violer le droit international, l’administration Biden devrait immédiatement suspendre les ventes d’armes à Israël».

En vertu de la loi Leahy de 1997, le gouvernement américain ne peut légalement ni aider ni armer des armées étrangères lorsqu’il existe des «informations crédibles» sur des violations des droits de l’homme.

Un porte-parole du Conseil national de sécurité des États-Unis a assuré à The Guardian: «Les États-Unis veillent constamment à ce que le matériel de défense fourni par les États-Unis soit utilisé conformément au droit national et international applicable. Si des violations sont constatées, nous prenons les mesures nécessaires.»

Quant à Josh Paul, chercheur non résident à Democracy for the Arab World Now et ancien employé du département d’État, il a précisé: «Le département d’État a approuvé plusieurs de ces transferts (d’armes) en quarante-huit heures. Il n’y a aucune préoccupation politique concernant les munitions destinées à Israël, à l’exception du phosphore blanc et des bombes à sous-munitions».

Il a ajouté que les JDAM constituent des «armes clés» régulièrement demandées par Israël depuis le début de la guerre à Gaza.

Mercredi, le secrétaire d’État Antony Blinken remettra au Congrès un rapport sur l’utilisation par Israël d’armes américaines et sur la possibilité qu’elles aient été impliquées dans des violations de cette loi ou d’autres.

Le sénateur du Maryland, Chris Van Hollen, a déclaré à The Guardian que les conclusions de l’enquête à Al-Habariyé sont «profondément préoccupantes et doivent faire l’objet d'une enquête approfondie de la part de l’administration Biden. Les conclusions de cette enquête approfondie devraient certainement être incluses dans le rapport NSM-20 qui doit être soumis au Congrès le 8 mai».

La frappe aérienne sur le centre ambulancier d’Al-Habariyé a été lancée sans avertissement le 27 mars avant 1h du matin. Aucun combat n’avait été signalé dans la région.

Les victimes, qui travaillaient au centre la nuit, sont les frères jumeaux Hussein et Ahmad al-Chaar, âgés de 18 ans; Abderrahmane al-Chaar, 19 ans; Mohammed Hamoud, 21 ans; Mohammed al-Farouk Aatwi, 23 ans; Abdallah Aatwi, 24 ans; et Baraa Abou Kaiss, 24 ans.

Selon l’armée israélienne, la frappe, qui a détruit le bâtiment de deux étages, a tué un «terroriste de premier plan appartenant à la Jamaa Islamiya», un groupe politique libanais armé lié au Hezbollah. L’armée n’a pas désigné cette personne par son nom.

Un porte-parole de la Jamaa Islamiya a confirmé que certains des secouristes bénévoles étaient membres du groupe, mais a nié qu’ils faisaient partie de sa branche armée.

Samer Hardane, responsable du centre local de Défense civile, qui faisait partie des premiers intervenants, a affirmé à The Guardian : «Nous avons inspecté chaque centimètre à la recherche des membres et des possessions des victimes. Nous n’avons rien vu qui soit lié à l’armée. Nous connaissions personnellement les victimes. Nous avons donc pu identifier leurs corps».

Depuis le 7 octobre, 16 travailleurs médicaux ont été tués par des frappes aériennes israéliennes au Liban, et 380 autres personnes ont péri, dont 72 civils. Onze soldats israéliens et huit civils ont également été tués.

Kassem al-Chaar, père des jumeaux Ahmed et Hussein, a confié qu’il avait déconseillé à ses fils de se porter volontaires.

«Je leur ai dit qu’il était dangereux de faire ce type de travail, mais ils m’ont répondu qu’ils acceptaient le risque. Je ne sais pas ce qui a poussé Israël à agir de la sorte: il s’agissait de jeunes gens enthousiastes à l’idée d’aider les autres», a-t-il déploré.

«Mes fils voulaient faire du travail humanitaire, et voyez ce qui leur est arrivé. Israël n’oserait pas agir de la sorte si les États-Unis ne le soutenaient pas.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gaza: le Hamas dit avoir accepté une proposition de cessez-le-feu présentée par l'Egypte et le Qatar

Des Palestiniens déplacés se tiennent à côté de leurs biens, dans le quartier d'Al-Mawasi, à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mai 2024. (Reuters)
Des Palestiniens déplacés se tiennent à côté de leurs biens, dans le quartier d'Al-Mawasi, à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mai 2024. (Reuters)
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  • Des scènes de joie et des tirs en l'air ont accueilli lundi cette annonce à Rafah
  • Un responsable du Hamas a indiqué que «la balle est désormais dans le camp» d'Israël, après l'annonce

GAZA: Le Hamas a indiqué lundi avoir informé l'Egypte et le Qatar qu'il acceptait leur proposition pour un cessez-le-feu avec Israël dans la bande de Gaza dévastée par sept mois de guerre.

"Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, s'est entretenu par téléphone avec le Premier ministre qatari Cheikh Mohammed bin Abdelrahmane Al Thani et le ministre égyptien des Renseignements, Abbas Kamel, et les a informés que le Hamas avait approuvé leur proposition d'accord de cessez-le-feu", selon un communiqué publié sur le site du mouvement palestinien.

Un responsable du Hamas a indiqué à l'AFP que "la balle est désormais dans le camp" d'Israël, après l'annonce. 

Des scènes de joie et des tirs en l'air ont accueilli lundi à Rafah, ville à la lisière sud de la bande de Gaza assiégée sur laquelle Israël projette une offensive militaire d'ampleur

 


L’Arabie saoudite met Israël en garde contre le ciblage de Rafah à Gaza

De la fumée s’élève après des frappes israéliennes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mai 2024. (Reuters)
De la fumée s’élève après des frappes israéliennes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mai 2024. (Reuters)
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  • Cet avertissement intervient après que l’armée israélienne a ordonné à des dizaines de milliers de personnes dans la ville de Rafah, dans le sud de Gaza, de commencer à évacuer les lieux plus tôt dans la journée de lundi
  • Le ministère des Affaires étrangères a réaffirmé le rejet catégorique par le Royaume des violations continues du droit international par l’armée israélienne

RIYAD: Lundi, l’Arabie saoudite a mis en garde contre les dangers d’un ciblage de la ville de Rafah par Israël dans le cadre de sa campagne «sanglante et systématique visant à envahir toutes les zones de la bande de Gaza et à déplacer ses habitants».

Cet avertissement intervient après que l’armée israélienne a ordonné à des dizaines de milliers de personnes dans la ville de Rafah, dans le sud de Gaza, de commencer à évacuer les lieux plus tôt dans la journée de lundi, signalant qu’une invasion terrestre, promise depuis longtemps, pourrait être imminente.

Le ministère des Affaires étrangères a réaffirmé le rejet catégorique par le Royaume des violations continues du droit international par l’armée israélienne, qui exacerbent la crise humanitaire dans le territoire et entravent les efforts de paix internationaux.

Le ministère a réitéré l’appel du Royaume à la communauté internationale pour qu’elle intervienne immédiatement afin d’arrêter le génocide israélien en cours dans les territoires palestiniens occupés.

Lundi, Volker Turk, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a déclaré que les ordres israéliens de déplacer les Palestiniens de Rafah étaient inhumains et risquaient de les exposer à davantage de dangers et de souffrances. Il a averti que de telles actions peuvent parfois constituer des crimes de guerre.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com