Etre agriculteur et victime des pesticides, un tabou qui perdure

Malgré cinq maladies professionnelles liées à l'utilisation de produits phytosanitaires reconnues ces dernières années et un fonds d'indemnisation dédié, les agriculteurs demandant réparation restent relativement rares. (AFP)
Malgré cinq maladies professionnelles liées à l'utilisation de produits phytosanitaires reconnues ces dernières années et un fonds d'indemnisation dédié, les agriculteurs demandant réparation restent relativement rares. (AFP)
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Publié le Mardi 27 février 2024

Etre agriculteur et victime des pesticides, un tabou qui perdure

  • Le nombre de demandes pour une reconnaissance de maladies professionnelles étaient d'«environ 70 par an» avant le fonds
  • En trois ans d'exercice, le fonds a procédé à «près de 1 400 indemnisations» sur «un peu plus de 2 000 demandes déposées»

VEXIN SUR EPTE: Malgré cinq maladies professionnelles liées à l'utilisation de produits phytosanitaires reconnues ces dernières années et un fonds d'indemnisation dédié, les agriculteurs demandant réparation restent relativement rares.

"On ne peut pas dire aujourd'hui qu'il n'y a plus de tabou", souligne Antoine Lambert, président de l'association Phyto-Victimes, qui accompagne et rend visibles les professionnels "malades des pesticides" depuis 2011.

"Cela peut être compliqué d'admettre que ce vous avez fait pendant toute votre carrière vous a rendu malade et a pu rendre malade vos voisins, vos salariés, vos enfants", explique l'agriculteur de 54 ans.

Quatrième génération à la tête d'une ferme à Vexin-sur-Epte (Eure), il a utilisé toute sa vie une kyrielle de produits pour traiter 170 hectares de grandes cultures céréalières, et confie ne pas pouvoir y renoncer totalement.

"Pendant très longtemps", l'impact sur la santé n'est pas "un sujet". Jusqu'à ce qu'il connaisse "plusieurs morts" chez les producteurs du coin.

Quand l'association Phyto-Victimes est créée par une poignée d'agriculteurs, ceux qui tentent de faire reconnaître un lien entre leur cancer et une exposition à des substances nocives "se comptent sur les doigts de la main", remarque Antoine Lambert. Plus rares sont ceux à "obtenir satisfaction" devant les tribunaux.

"C'est un petit peu moins le parcours du combattant" depuis les créations de tableaux des maladies professionnelles - Parkinson en 2012, certains cancers du sang en 2015, de la prostate en 2021 - qui créent en théorie une présomption d'imputabilité aux dizaines de produits utilisés dans une carrière, note Claire Bourasseau, responsable du service victimes de Phyto-Victimes.

Mais "il a fallu se battre bec et ongles pour ces tableaux. Pour le cancer de la prostate, on a des données scientifiques depuis 2013!" s'exclame-t-elle.

L'association attendait également de pied ferme la création du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP), finalement lancé en 2020.

«Partie de l'iceberg»

Ce fonds national, financé en partie par la taxe sur la vente des produits phytosanitaires, a permis d'harmoniser les décisions auparavant rendues par les caisses locales de la Mutualité sociale agricole (MSA) ou d'assurance-maladie.

Il a aussi accru le nombre de demandes pour une reconnaissance de maladies professionnelles, qui étaient d'"environ 70 par an" avant le fonds, selon Mme Bourasseau. En trois ans d'exercice, le fonds a procédé à "près de 1.400 indemnisations" sur "un peu plus de 2.000 demandes déposées", indique Christine Dechesne-Céard, directrice de la réglementation à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, qui pilote le fonds.

Mais cela ne reste "qu'une petite partie de l'iceberg", au regard du nombre de "10.000" victimes potentielles estimées par trois inspections d'Etat (Finances, Affaires sociales, Conseil général de l'agriculture - CGAAER), missionnées en 2017 pour évaluer la pertinence d'un fonds.

Pour expliquer le décalage, Phyto-Victimes pointe "l'omerta" qui règne encore dans les campagnes françaises, la sous-déclaration générale des maladies professionnelles et la méconnaissance du milieu médical, alors que sans certificat médical initial pour faire un lien entre maladie et pesticides, la procédure ne peut pas démarrer.

Antoine Lambert en a fait l'amère expérience. Quand il découvre, début 2021, qu'il est atteint d'une thrombocytémie essentielle, un cancer du sang, il doit se battre "plusieurs mois" pour obtenir ce certificat.

D'autres embûches se dresseront: bien que sa pathologie soit désignée dans un tableau des maladies professionnelles et qu'il rapporte la preuve d'une exposition au benzène pendant sa carrière, le fonds conclut à l'absence d'un "lien direct et essentiel", une décision qu'il conteste en justice.

L'agriculteur normand obtient finalement la reconnaissance en maladie professionnelle en mars 2023, à la veille d'une audience pour laquelle il avait sonné la mobilisation. Un an plus tard, il espère toujours une meilleure indemnisation, calculée actuellement sur un taux d'incapacité de 55%.

Le FIVP rend des décisions favorables dans "deux tiers des cas" quand les maladies sont inscrites dans un tableau, et "dans à peu près un tiers des cas" pour les pathologies hors tableaux, affirme Christine Dechesne-Céard. En 2022, cela a été notamment le cas pour des tumeurs cérébrales de type glioblastomes ou des cancers broncho-pulmonaires.

"Faire connaître davantage le FIVP" est "une préoccupation", notamment auprès des femmes et des enfants exposés aux pesticides in utero, très rares à le saisir, assure Christine Dechesne-Céard.


Le chef de la diplomatie française annonce "une nouvelle phase" des relations avec Alger

Cette photo diffusée par le ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE) montre le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot (G) reçu par le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf (D) au siège du ministère à Alger, le 6 avril 2025. (Photo Philemon HENRY / MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA FRANCE / AFP)
Cette photo diffusée par le ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE) montre le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot (G) reçu par le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf (D) au siège du ministère à Alger, le 6 avril 2025. (Photo Philemon HENRY / MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA FRANCE / AFP)
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  • « Avec le président Abdelmadjid Tebboune, nous avons exprimé la volonté partagée de tourner la page, d'entamer une nouvelle phase et de reconstruire un partenariat d'égal à égal, serein et apaisé », a déclaré M. Barrot
  • M. Barrot, a annoncé une « réactivation de l'ensemble des mécanismes de coopération » et la « reprise de nos relations normales ».

ALGER : Dimanche, lors d'une visite à Alger, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a annoncé « une nouvelle phase » pour les relations entre la France et l'Algérie, après huit mois d'une crise qui a mené les deux pays au bord de la rupture.

« Avec le président Abdelmadjid Tebboune, nous avons exprimé la volonté partagée de tourner la page, d'entamer une nouvelle phase et de reconstruire un partenariat d'égal à égal, serein et apaisé », a déclaré M. Barrot à l'issue d'un entretien de 2 h 30 avec le chef de l'État algérien. 

« La France souhaite tourner la page des tensions actuelles, dans un souci d'efficacité et de résultats », a expliqué M. Barrot, annonçant une « réactivation de l'ensemble des mécanismes de coopération » et la « reprise de nos relations normales ».

La période de tension inédite traversée ces derniers mois « ne sert ni les intérêts des Algériens ni ceux des Français », a-t-il estimé.

Selon M. Barrot, tous les sujets ont été mis sur la table lors d'une réunion de 1 h 45 avec son homologue Ahmed Attaf, l'idée étant de retrouver la dynamique et l'ambition fixées par MM. Macron et Tebboune en août 2022 lors de la visite du président français à Alger.

Le ministre a annoncé « tout d'abord » une reprise de la coopération sécuritaire, avec une réunion « déjà actée » des hauts responsables des services de renseignement. « Nous aurons, a-t-il ajouté, un dialogue stratégique sur le Sahel », où l'Algérie est limitrophe du Mali et du Niger. Les deux pays sont également préoccupés par le retour de djihadistes de Syrie.

Autre sujet de préoccupation pour la France : l'acceptation par Alger des ressortissants renvoyés ou expulsés de France. Le traitement de questions comme les visas et les réadmissions se fera « dans le cadre des accords existants, via des procédures normales », a indiqué M. Barrot, annonçant « une rencontre prochaine » entre préfets français et consuls algériens.

Sur le plan économique, face aux difficultés rencontrées par une partie des 6 000 entreprises françaises implantées en Algérie, notamment dans les secteurs de l'agroalimentaire, de l'automobile et du transport maritime, M. Tebboune a assuré vouloir « donner une nouvelle impulsion ». M. Barrot a également annoncé une réunion entre les patronats des deux pays le 9 mai à Paris.

M. Barrot a évoqué le sort de Boualem Sansal », appelant le président Tebboune à « un geste d'humanité » pour l'écrivain « au vu de son âge et de son état de santé ». L'essayiste et romancier de plus de 80 ans, atteint d'un cancer, a été condamné le 27 mars à cinq ans de prison.

Le parquet algérien, qui avait requis 10 ans de prison, a fait appel. Selon des avocats à Alger, une réduction de peine et éventuellement une grâce présidentielle permettraient sa libération anticipée.

« Les relations reprennent leur cours normal, sans avoir besoin de déclarer un vainqueur dans cette brouille diplomatique », tout en démontrant « l'impossibilité d'une rupture entre l'Algérie et la France » voulue par l'extrême droite française, estime le journal algérien L'Expression. 


LFI ne votera pas «une loi de confort» sur l'inéligibilité de Le Pen

La France insoumise ne votera pas une proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire d'une condamnation d'inéligibilité, son coordinateur Manuel Bompard estimant que Marine Le Pen n'avait plus de raison "de se plaindre" après avoir obtenu un appel rapidement. (AFP)
La France insoumise ne votera pas une proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire d'une condamnation d'inéligibilité, son coordinateur Manuel Bompard estimant que Marine Le Pen n'avait plus de raison "de se plaindre" après avoir obtenu un appel rapidement. (AFP)
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  • Jean-Luc Mélenchon avait semé le doute sur les intentions de LFI en disant son opposition aux mesures exécutoires et en estimant que "la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple" après la condamnation choc de Marine Le Pen
  • La France insoumise ne votera pas une proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire d'une condamnation d'inéligibilité

PARIS: La France insoumise ne votera pas une proposition de loi pour supprimer l'exécution provisoire d'une condamnation d'inéligibilité, son coordinateur Manuel Bompard estimant que Marine Le Pen n'avait plus de raison "de se plaindre" après avoir obtenu un appel rapidement.

"C'est une loi de confort. Je n'ai certainement pas l'intention de voter pour une loi Marine Le Pen", a déclaré M. Bompard sur Franceinfo en allusion à la proposition de loi qu'Eric Ciotti entend déposer pour supprimer les peines d'inéligibilité immédiate, comme celle infligée à Marine Le Pen.

Jean-Luc Mélenchon avait semé le doute sur les intentions de LFI en disant son opposition aux mesures exécutoires et en estimant que "la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple" après la condamnation choc de Marine Le Pen à une peine d'inéligibilité de cinq ans avec effet immédiat.

"Nous avons dit +c'est une décision suffisamment lourde qui a des conséquences importantes pour la démocratie et donc on trouve légitime qu'elle puisse donner lieu à un appel, y compris du point de vue de la peine d'inéligibilité+", a expliqué M. Bompard.

"D'un certain point de vue, cette exigence est satisfaite aujourd'hui puisqu'il va y avoir un appel dans un an. Je ne comprends pas pourquoi Madame Le Pen continue à se plaindre sur ce sujet d'ailleurs", a-t-il ajouté.

Le RN est assez isolé sur ce sujet, a-t-il relevé. "La preuve, c'est quand même que le rassemblement d'hier qui devait être un élément de démonstration de force pour montrer que Madame Le Pen a eu un soutien populaire a été un gros flop", a-t-il estimé.

Selon le RN, quelque 10.000 sympathisants étaient présents place Vauban devant les Invalides mais selon une source policière ils étaient moins de 7.000 sur cette place qui était loin d'être remplie.

La contre-manifestation, appelée par LFI et les écologistes, n'a pas attiré les foules non plus.

"Ce n'est pas tout à fait la même chose pour une manifestation appelée depuis une semaine avec les bus du RN pour essayer de faire une grande démonstration de force et pour une réponse qui a été appelée en quelques jours", a-t-il répondu.

M. Bompard a donné rendez-vous au 1er mai pour "une réponse puissante avec des centaines de milliers de personnes dans la rue"


En France, un rassemblement en soutien à Marine Le Pen se tient dans un climat de tensions

Des représentants du parti, dont Franck Allisio (3eL), Emmanuel Fouquart (2eL), Romain Tonussi (5eL), tiennent une banderole lors d'un rassemblement de soutien à la présidente du groupe parlementaire du Rassemblement national, Marine Le Pen, après sa condamnation pour un système d'emplois fictifs au Parlement européen, à Marseille, le 5 avril 2025. (Photo Clement MAHOUDEAU / AFP)
Des représentants du parti, dont Franck Allisio (3eL), Emmanuel Fouquart (2eL), Romain Tonussi (5eL), tiennent une banderole lors d'un rassemblement de soutien à la présidente du groupe parlementaire du Rassemblement national, Marine Le Pen, après sa condamnation pour un système d'emplois fictifs au Parlement européen, à Marseille, le 5 avril 2025. (Photo Clement MAHOUDEAU / AFP)
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PARIS : Alors que la France s'approche à grands pas de l'élection présidentielle, l'extrême droite organise dimanche à Paris un rassemblement de soutien à sa cheffe de file, Marine Le Pen, condamnée à une peine d'inéligibilité, dans un climat de tensions avec des contre-manifestations attendues dans la capitale.

Dans un contexte international marqué par des crises - conflit russo-ukrainien, Proche-Orient, guerre commerciale lancée par Donald Trump -, et une crise politique latente en France, le pays a subi la semaine dernière une très forte secousse judiciaire et politique.

La lourde condamnation en première instance du premier parti de France, le Rassemblement national (RN), dans l'affaire des assistants parlementaires européens pour détournement de fonds publics, et l'hypothèse sérieuse de l'inéligibilité de Marine Le Pen, l'une des favorites pour la prochaine présidentielle, ont mis la classe politique en tension, alors que nous approchons de l'échéance prévue pour la succession d'Emmanuel Macron. 

D'ici là, à l'été 2026, la cour d'appel de Paris doit se prononcer sur le sort de la triple candidate à l'élection présidentielle, condamnée en première instance à quatre ans de prison dont deux ferme, ainsi qu'à cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire.

La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale ne compte pas pour autant renoncer d'emblée et passer le flambeau au président de son parti, Jordan Bardella.

Au contraire, le parti d'extrême droite est à l'offensive : il a dénoncé des « juges tyrans » à l'Assemblée nationale selon les mots du député RN Jean-Philippe Tanguy et appelle à un rassemblement de soutien à Mme Le Pen devant les Invalides, un monument emblématique de Paris qui abrite le tombeau de Napoléon, à 13 heures GMT. 

Dans le journal Le Parisien, le Premier ministre centriste François Bayrou a jugé qu'il n'était « ni sain ni souhaitable » d'organiser un rassemblement pour protester contre une décision de justice.

Même son de cloche à droite : Xavier Bertrand, le président de droite de la région des Hauts-de-France, terre d'élection de Mme Le Pen, redoute la perspective d'un « mauvais remake du Capitole », en référence à l'envahissement du Congrès de Washington par les partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021.

« Ce n'est pas une manifestation contre des juges, mais pour la démocratie, pour Marine Le Pen, pour la souveraineté populaire », a rétorqué Sébastien Chenu, vice-président du RN.

Le parti de gauche radicale La France Insoumise (LFI) ainsi que les écologistes organiseront au même moment un contre-rassemblement face au RN, place de la République à Paris, à environ 5 kilomètres des Invalides.

Un autre meeting, prévu depuis des mois, se tiendra à Saint-Denis, au nord de Paris, à l'appel de Renaissance, le parti centriste proche du camp présidentiel.

Gabriel Attal, l'ancien jeune Premier ministre qui dirige cette formation, a battu le rappel après l'annonce du rassemblement du RN, pour défendre « l’État de droit », « la démocratie et nos valeurs ».

« Est-ce que l'on veut que la France devienne l'Amérique de Trump ou pas ? », s'est interrogé un proche de M. Attal.