Comment le Liban, la Syrie et la Jordanie peuvent surmonter leurs problèmes

La plupart des réfugiés syriens en Jordanie vivent dans les villes et les villages, au sein des communautés locales. (Reuters)
La plupart des réfugiés syriens en Jordanie vivent dans les villes et les villages, au sein des communautés locales. (Reuters)
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Publié le Mardi 08 août 2023

Comment le Liban, la Syrie et la Jordanie peuvent surmonter leurs problèmes

Comment le Liban, la Syrie et la Jordanie peuvent surmonter leurs problèmes
  • La crise des réfugiés syriens demeure la plus importante au monde et, selon le Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés, plus de «quatorze millions de Syriens ont été contraints de fuir leur foyer en quête de sécurité»
  • Si le Liban, la Syrie et la Jordanie coopèrent étroitement sur les questions sécuritaires, sociales, économiques et politiques, ils pourront résoudre de nombreux problèmes auxquels ils sont actuellement confrontés

Il n'est pas exagéré d'affirmer que les situations politique, sécuritaire, humanitaire et économique du Liban, de la Syrie et de la Jordanie sont étroitement liées. Si la prospérité et la croissance dans l’un de ces pays arabes ont des conséquences directes sur les deux autres, il en va de même pour les difficultés économiques et l’instabilité politique.

De nombreux problèmes auxquels ces trois nations limitrophes du Levant font actuellement face ont commencé avec la guerre civile syrienne. Les guerres civiles peuvent infliger des dégâts dévastateurs aux infrastructures et, plus encore, perturber les processus de production et de fabrication dans les pays touchés par un conflit, ainsi que les pays voisins.

Il convient de noter que le Liban et la Jordanie continuent de subir les retombées du conflit en Syrie, qui n’a toujours pas entièrement pris fin. Certaines parties du pays restent très instables et peu sûres. C’est notamment le cas des régions du sud de la Syrie, dont la ville de Deraa – berceau du soulèvement populaire et l’un des endroits les plus stratégiques du pays. Deraa est proche de la frontière avec la Jordanie, ainsi que de la région de Quneitra, sur le plateau du Golan syrien.

Une autre dynamique importante qui a directement affecté le Liban et la Jordanie est l’arrivée massive de réfugiés syriens dans les deux pays. Après plus de douze ans de conflit, la crise des réfugiés syriens demeure la plus importante au monde. Le Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a rapporté en mars que plus de «quatorze millions de Syriens ont été contraints de fuir leur foyer en quête de sécurité».

La Jordanie accueille le deuxième plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde. Selon le UNHCR, on recense actuellement en Jordanie quelque «675 000 réfugiés syriens, qui ont commencé à fuir en 2011 lorsque la crise dans leur pays a causé des souffrances inimaginables à ses citoyens. La plupart des réfugiés syriens en Jordanie vivent dans les villes et les villages, au sein des communautés locales. Seuls 17% vivent dans les deux principaux camps de réfugiés, Zaatari et Azraq.»

Le Liban, quant à lui, accueille désormais le plus grand nombre de réfugiés par habitant dans le monde. «Le gouvernement estime à 1,5 million le nombre de réfugiés syriens et à 13 715 le nombre de réfugiés d’autres nationalités. Quatre-vingt-dix pour cent des réfugiés syriens vivent dans une extrême pauvreté», selon le UNHCR.

Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses personnes en Syrie, au Liban et en Jordanie soient confrontées à de graves difficultés économiques. Le chômage dans tous ces pays est supérieur à 10%. La crise économique du Liban est classée comme l’une des dix pires au monde depuis le XIXe siècle. Les Syriens font face à un niveau record d’insécurité alimentaire et à une augmentation des prix des produits de première nécessité. La monnaie syrienne, qui s’échangeait à près de 47 livres pour 1 dollar américain (1 dollar = 0,91 euro) juste avant que les troubles n’éclatent en 2011, est désormais à son plus bas historique. Un dollar vaut maintenant 13 000 livres syriennes. L’inflation a également atteint 139% en 2022. Une situation qui place le pays au quatrième rang mondial en termes de taux d’inflation les plus élevés, derrière le Venezuela, le Soudan et le Liban, selon le World Population Review.

De nombreux problèmes auxquels ces trois nations limitrophes du Levant font actuellement face ont commencé avec la guerre civile syrienne.

- Dr Majid Rafizadeh

Néanmoins, de nombreux problèmes auxquels Damas, Beyrouth et Amman sont confrontés peuvent être traités et résolus de manière adéquate si les trois pays coopèrent étroitement et à plusieurs niveaux.

Pour atteindre cet objectif, le plus important est la volonté politique unie. Les dirigeants de la Syrie, du Liban et de la Jordanie peuvent mettre en place une vision globale, unifiée et à long terme qui fait progresser leur dynamique économique, humanitaire et politique, tout en tenant compte du fait que les situations sociopolitiques et économiques de leurs nations sont étroitement liées.

Plusieurs pays de la région ont mis en place des visions à long terme et inspirantes afin d’orienter leurs nations vers un avenir meilleur et plus prospère. À titre d’exemple, l’initiative Vision 2030 de l’Arabie saoudite est l’un des plans les plus ambitieux et les plus complets introduits dans le Moyen-Orient moderne, car il englobe non seulement les paysages économiques, mais aussi environnementaux, sociaux et religieux, ainsi que des réformes politiques. Les Émirats arabes unis (EAU) ont également adopté la vision «We the UAE 2031», qui représente «un plan national à travers lequel les EAU poursuivront leur développement au cours des dix prochaines années, en mettant l’accent sur les aspects sociaux, économiques, d’investissement et de développement». Ce plan vise à renforcer la position des EAU en tant que partenaire mondial et pôle économique attrayant et influent.

Une fois que les dirigeants syriens, libanais et jordaniens auront défini une vision ferme et unie, ils pourront tracer une voie pour coopérer étroitement sur les questions de sécurité, en sécurisant leurs frontières, en renforçant la stabilité politique, en attirant les investissements étrangers et en augmentant les revenus du tourisme grâce à leur importance historique. Ils doivent investir dans leurs infrastructures, lutter contre l’insécurité alimentaire, les pénuries d’électricité et le trafic de drogue en provenance de Syrie, en plus d’ouvrir la voie aux réfugiés syriens pour qu’ils rentrent chez eux en toute sécurité.

Sans aucun doute, un tel plan mettra du temps à porter ses fruits. Mais comme le dit le proverbe, «Rome ne s’est pas faite en un jour».

La Syrie, le Liban et la Jordanie ont tous une importance historique et culturelle et ces trois pays ont apporté des contributions importantes à la civilisation dans le passé. S’ils coopèrent étroitement sur les questions sécuritaires, sociales, économiques et politiques, ils pourront non seulement résoudre de manière adéquate de nombreux problèmes auxquels ils sont actuellement confrontés, mais ils pourront également devenir des exemples à suivre pour d’autres nations.

En résumé, les paysages politique, économique, social et sécuritaire de la Syrie, du Liban et de la Jordanie sont étroitement liés. Ces trois nations levantines ont besoin d’une vision unie et forte, ainsi que d’une coopération étroite à plusieurs niveaux, afin de résoudre les problèmes difficiles auxquels elles font face.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.

Twitter: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com