Drogues, crime et terreur: Bienvenue dans le «Nouveau Désordre Mondial»

«Nous sommes au seuil d'un Nouveau Désordre Mondial terrifiant.» (Photo, Fournie).
«Nous sommes au seuil d'un Nouveau Désordre Mondial terrifiant.» (Photo, Fournie).
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Publié le Lundi 31 juillet 2023

Drogues, crime et terreur: Bienvenue dans le «Nouveau Désordre Mondial»

Drogues, crime et terreur: Bienvenue dans le «Nouveau Désordre Mondial»
  • Des États comme la Chine, la Russie, l'Inde, la Corée du Nord et l'Iran s'efforcent de renverser l'ordre ancien et de remodeler le monde en fonction de leurs intérêts
  • Nous sommes au seuil d'un «Nouveau Désordre Mondial» terrifiant, largement promu par les mêmes acteurs

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, la manière dont le monde fonctionne et les rivalités entre superpuissances se sont profondément transformées de manière encore peu comprise.

Le monde occidental a pris conscience qu'il ne décidait plus de façon unilatérale comme il le faisait dans les années 1990, tandis que des États comme la Chine, la Russie, l'Inde, la Corée du Nord et l'Iran s'efforcent de renverser l'ordre ancien et de remodeler le monde en fonction de leurs intérêts.

Paradoxalement, des décennies de sanctions occidentales ont donné naissance à une nouvelle génération d’institutions et de réseaux transnationaux qui rendent ces sanctions largement inopérantes. Il suffit de voir comment des producteurs de pétrole lourdement sanctionnés tels que l'Iran et la Russie exportent clandestinement en quantités importantes vers l'Inde et la Chine, tandis que les paiements sont facilités par des institutions opaques, voire des accords de troc impossibles à retracer. Le dollar ne règne plus en maître comme ultime moyen de transaction.

L'Iran est actuellement le principal exportateur de drones et autres munitions vers la Russie, tandis que les États-Unis expriment leur préoccupation face à la multiplication des exportations chinoises de biens à double usage vers la Russie, l'Iran et d'autres États voyous.

L'Asie centrale est devenue l’arène par excellence pour le transit des marchandises illégales. Par exemple, une vague de sociétés écrans nouvellement constituées acheminant des matériaux destinés à la guerre en Ukraine serait à l'origine d'une augmentation de 250 % des exportations du Kirghizistan vers la Russie. La Chine entretient des relations intensives avec les ultrarétrogrades talibans, qui détestent les femmes, considérant l'Afghanistan comme une autre pièce sur son échiquier asiatique, tout en étant avide de ses ressources minérales largement inexploitées.

L'Iran a construit son propre empire, faisant de l'Irak, de la Syrie, du Yémen et du Liban de simples États satellites occupés par d'immenses armées de milices contrôlées par Téhéran qui se comptent par centaines de milliers, constituant une zone de contrôle ininterrompue de Téhéran à la Méditerranée, facilitant le transit de marchandises illégales. Les sanctions internationales contre les banques de ces États sont une reconnaissance de l’inefficacité face à un monde qui danse désormais sur une nouvelle mélodie financière et géopolitique. Avec l'Iran, la Corée du Nord et d'autres entités obscures partageant régulièrement leur technologie nucléaire et balistique, le risque que les groupes terroristes acquièrent des armes de destruction massive augmente de façon exponentielle.

Les réseaux criminels et paramilitaires en sont les principaux bénéficiaires. La Syrie est déjà un narco-État, avec des ports et des frontières libanais utilisés à des fins de transit de drogues et d'autres produits de contrebande, et l'économie irakienne a été détournée au profit des milices contrôlées par les Gardiens de la Révolution. Ces paramilitaires irakiens établissent des installations de production de stupéfiants dans les zones qu'ils contrôlent, ce qui annonce des épidémies meurtrières d’addiction, de vies gâchées et de néant. Le pétrole iranien est régulièrement passé en contrebande à travers la frontière, et rebaptisé avec un drapeau irakien afin d’échapper aux sanctions. Les revenus de ces activités criminelles sont aspirés de manière parasitaire au profit des budgets officieux des ayatollahs corrompus.

L'Asie centrale est devenue l’arène par excellence pour le transit des marchandises illégales. Par exemple, une vague de sociétés écrans nouvellement constituées acheminant des matériaux destinés à la guerre en Ukraine serait à l'origine d'une augmentation de 250 % des exportations du Kirghizistan vers la Russie. La Chine entretient des relations intensives avec les ultrarétrogrades talibans, qui détestent les femmes, considérant l'Afghanistan comme une autre pièce sur son échiquier asiatique, et avide de ses ressources minérales largement inexploitées.

L'arrêt récent par Moscou des exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire, et sa manipulation des exportations de gaz et de pétrole en 2022 illustrent à quel point la monopolisation catastrophique des routes commerciales transasiatiques peut être catastrophique pour la sécurité alimentaire et énergétique, menaçant une grande partie du monde en développement de famine et d'appauvrissement.

L'initiative chinoise de «la Ceinture et la Route» illustre ce «Nouveau Désordre Mondial», via des routes terrestres et maritimes qui enjambent le globe, avec pour objectif une influence économique se transformant progressivement en hégémonie politique. L’accord de plusieurs milliards de dollars de Pékin avec l'Iran reflète cette interdépendance évolutive, financée par des niveaux importants d'investissements et de prêts de la part de Pékin, face auxquels de nombreux régimes ont joyeusement hypothéqué leur souveraineté et leur indépendance.

«Il n'y a plus aucun semblant d'"ordre international", seulement la loi de la jungle et la survie des plus cruels»

Baria Alamuddin

Par ailleurs, une guerre technologique acharnée a éclaté entre la Chine et les États-Unis, en particulier dans les domaines des semi-conducteurs, des micropuces et de l'intelligence artificielle (IA). Washington craint que Pékin ne vole la technologie occidentale à des fins militaires, tandis que la Chine accuse les États-Unis de contenir de manière agressive son expansion naturelle. Il existe un désir compréhensible d'arrêter le flot de technologies occidentales qui se retrouvent dans les drones et les munitions utilisés par la Russie sur les champs de bataille ukrainiens ou pour de futurs conflits, mais pourtant la Chine fait partie intégrante des chaînes d'approvisionnement des entreprises produisant ces technologies. Il n'y a pas non plus d'alternative à une coopération intense entre les deux plus grandes économies du monde sur l’agenda climatique, si nous ne voulons pas que l'atmosphère de la planète bouillonne dans un avenir proche.

Xi Jinping a explicitement demandé à ses forces armées d'être prêtes pour une invasion de Taïwan dans six ans. Les États-Unis se sont tardivement rendu compte qu'après avoir mis sous cocon leur complexe industriel et militaire à l'ère post-soviétique, ils ne possèdent pas nécessairement la capacité militaire pour arrêter une telle attaque, ou fournir à Taipei ce dont elle a besoin pour se protéger, en particulier avec une guerre et des affrontements toujours en cours en Ukraine. Depuis approximativement l’année 2000, le budget militaire de la Chine a augmenté d'environ 10 % par an, atteignant 230 milliards de dollars (un dollar = 0,91 euros) en 2022, avec probablement 60 milliards de dollars supplémentaires non comptabilisés, permettant à la Chine d'acquérir de nouvelles armes à un rythme estimé six fois supérieur à celui des États-Unis.

Nous sommes donc au seuil d'une nouvelle ère de course aux armements, alors que les deux camps accroissent leurs arsenaux en masse, aspirant à une stratégie de dissuasion mutuelle, mais plus probablement risquant de déclencher de nouveaux conflits par procuration, voire dans le pire des cas, une troisième guerre mondiale. La rivalité entre des États tels que l'Inde, le Pakistan et la Chine pour des territoires et l'hégémonie régionale présente des menaces similaires.

Par conséquent, les nouvelles connexions des routes de transit échappant aux sanctions gagneront en importance, alors que la Chine, l'Iran et la Russie tentent de se protéger d'une nouvelle avalanche de mesures occidentales visant à les isoler et à les priver de technologie et de fonds.

Alors qu'un Poutine vengeur a cherché à semer le désordre dans toute l'Europe via des entités d'extrême droite transformées en chevaux de Troie, le monde occidental est ravagé par le dysfonctionnement et la polarisation. Aux États-Unis, Donald Trump fait face à une multitude de  problèmes juridiques, cherchant à retrouver la présidence, et dominant le cycle de l'actualité tout autant qu'en 2016. L'extrême droite populiste européenne prospère dans la tourmente, avec les élections espagnoles et les émeutes en France ouvrant de nouvelles opportunités de pouvoir et d'influence. Les dirigeants mondiaux sont par conséquent distraits ou endormis au volant, face à une catastrophe imminente.

Il n'y a plus aucun semblant d'«ordre international», mais seulement la loi de la jungle et la survie des plus cruels. En réfléchissant à l'avenir de mes propres petits-enfants, je vois les tensions, les menaces et le chaos qui règnent partout dans le monde avec une horreur absolue.

Nous sommes au seuil d'un «Nouveau Désordre Mondial» terrifiant, largement cultivé par les mêmes acteurs et forces qui ont passé des décennies à neutraliser le droit international et à saboter les institutions mondiales.

Si nous ne voulons pas que le terrorisme, le bellicisme et l'anarchie prévalent, c'est le moment idéal pour que les dirigeants mondiaux conscients reconsidèrent de toute urgence un nouvel ensemble de règles rigoureusement appliquées sur la façon dont le jeu mondial est façonné,  avant que les tensions géopolitiques croissantes ne deviennent hors de contrôle pour tout le monde.

 

  • Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d'État.

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com