La charlotte, un signe religieux? Un guide de la laïcité à l'hôpital public à Paris

Une agente de santé coiffée d’une charlotte s'occupe d'une femme âgée dans une unité dédiée aux patients infectés par le Covid-19 à l'hôpital de Bastia sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 15 décembre 2021. (Photo Pascal Pochard-Casabianca  AFP)
Une agente de santé coiffée d’une charlotte s'occupe d'une femme âgée dans une unité dédiée aux patients infectés par le Covid-19 à l'hôpital de Bastia sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 15 décembre 2021. (Photo Pascal Pochard-Casabianca AFP)
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Publié le Samedi 09 décembre 2023

La charlotte, un signe religieux? Un guide de la laïcité à l'hôpital public à Paris

  • Le port de la charlotte -une coiffe à bord froncé porté pour des raisons d'hygiène- est l'une des 15 situations pratiques examinée par le guide de l'AP-HP
  • L'islam, souvent mis en cause dans les cas de friction avec la laïcité, n'est pas la seule religion en cause. «La croix catholique réapparait», relève un directeur d’hôpital

Paris : Le port de la charlotte peut-il être considéré comme un signe religieux, et donc banni de l'hôpital public? Dans certains cas, oui, répond le guide sur la laïcité publié par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), pour guider son personnel dans des situations potentiellement conflictuelles.

«La laïcité est souvent mal comprise, il était utile de remettre à plat un socle commun pour tout le monde», explique Claire Chedru, une responsable juridique de l'AP-HP, lors d'un colloque organisé par ce grand centre hospitalier français.

«On aborde des questions relativement simples» comme le port de signe explicitement religieux par les agents, «totalement interdit», et des sujets «plus complexes», comme «le détournement des tenues professionnelles».

Le port de la charlotte -une coiffe à bord froncé porté pour des raisons d'hygiène- est l'une des 15 situations pratiques examinée par le guide de l'AP-HP.

La porter alors que le service ne l'exige pas, pour une motivation religieuse, n'est pas justifié. Et l'agent qui la porte, malgré les demandes de sa hiérarchie, «s'expose à une procédure disciplinaire».

De même, un jardinier n'a pas le droit de tenir des propos religieux dans le jardin de l'hôpital, même s'il n'est pas en contact direct avec les patients.

Le personnel de l'hôpital n'a pas non plus le droit de se rendre sur les lieux de culte qui peuvent exister dans l'enceinte de l'établissement, même en dehors du temps de travail.

Un agent ne peut refuser de serrer la main de ses collègues féminines pour des motifs religieux, alors qu'il serre la main de ses collègues masculins.

A l'inverse, la barbe, même longue, ne peut être en soi interprétée comme un signe religieux.

- Des manquements «quotidiens» -

Le guide était nécessaire parce que le principe de laïcité des services publics est de plus en plus mal compris par la population, et donc par les soignants, selon plusieurs intervenants à ce colloque, qui s'est tenu vendredi.

Les nouvelles générations voient souvent dans la laïcité une restriction à leur liberté, et non une libération face aux pouvoirs religieux, ont-ils noté.

«On passe un temps fou à essayer de faire en sorte que les règles (sur la laïcité) soient respectées», déplore une femme médecin participant au colloque de l'AP-HP, qui n'a pas souhaité donner son identité.

«Et on voit cela très souvent: le médecin, l'infirmière, l'aide-soignante qui dit +tu ne veux pas que je mette mon voile? Et bien je m'en vais +», raconte-t-elle.

«Depuis dix ans, les manquements sont devenus quotidiens», confirme Didier Frandji, directeur d'hôpital à l'AP-HP. Mais avec du «bon sens», du «dialogue» et de la «pédagogie», «on règle 95% des cas».

L'islam, souvent mis en cause dans les cas de friction avec la laïcité, n'est pas la seule religion en cause. «La croix catholique réapparait», relève Didier Frandji. «Souvent, on me dit que c'est un bijou, mais si je dois commencer à interpréter ce qui est un bijou et ce qui ne l'est pas...».

Pourtant, dans un lieu où souffrance et solitude sont prégnantes, le réconfort que peut apporter la religion ne peut être ignoré, estime Alain Olympie, représentant des usagers au sein de l'AP-HP.

«Quand vous êtes un patient, parfois personne ne vous dit qu'il y a des aumôniers» dans l'hôpital, par application stricte du principe de laïcité, regrette-t-il.

Dans la salle du colloque, une femme portant le voile a approuvé la recherche de clarté de l'AP-HP. «Il faut protéger la laïcité», dit cette jeune femme, aumônière musulmane à l'hôpital.

Mais il y a encore du chemin à faire dans la clarification des règles, ajoute-t-elle. «Je ne sais pas si en tant qu'aumônière, j'ai le droit de porter le voile à l'hôpital...»


Des ONG colorent une fontaine en rouge à Paris pour dire «stop au bain de sang» à Gaza

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  • Cette opération organisée par Greenpeace France, Oxfam France, Amnesty International France, Médecins du Monde et Ekō vise à "dénoncer la lenteur d'action de la France face à l'urgence humanitaire absolue dans laquelle se trouve la population de Gaza"
  • "Les personnes à Gaza ont besoin de tout, c'est une question de survie", a rappelé Clémence Lagouardat, qui a coordonné la réponse humanitaire d'Oxfam à Gaza pendant cinq mois

PARIS: Plusieurs ONG ont mené mercredi une action symbolique à Paris, où ils ont coloré en rouge l'eau d'une fontaine pour dire "stop au bain de sang" dans la bande de Gaza assiégée par Israël et dénoncer la "lenteur de la France" à agir.

"Stop au bain de sang", "Macron doit enfin agir": une poignée de militants se sont donné rendez-vous en début de matinée à la fontaine des Innocents, dans la capitale française, où ils ont déversé plusieurs litres de colorant alimentaire rouge sur les marches du bassin et brandi des pancartes appelant les autorités à l'action face au désastre humanitaire à Gaza.

Cette opération organisée par Greenpeace France, Oxfam France, Amnesty International France, Médecins du Monde et Ekō vise à "dénoncer la lenteur d'action de la France face à l'urgence humanitaire absolue dans laquelle se trouve la population de Gaza", selon un communiqué.

"Les personnes à Gaza ont besoin de tout, c'est une question de survie", a rappelé Clémence Lagouardat, qui a coordonné la réponse humanitaire d'Oxfam à Gaza pendant cinq mois, dénonçant la "prolongation du blocage avec rien qui n'entre dans la bande de Gaza depuis bientôt presque trois mois".

Israël a repris au compte-gouttes la semaine dernière la livraison d'aide humanitaire dans la bande de Gaza, après plus de deux mois d'un blocus total de l'enclave de 2,4 millions d'habitants.

"Il y a un génocide en cours et l'inaction politique devient une sorte de complicité de ce génocide. On ne peut pas dire qu'on ne savait pas, on ne peut pas dire qu'on ne voit pas ce qui se passe, on ne peut pas dire qu'on n'est pas au courant de l'ampleur des massacres (...), des risques engendrés par le blocus humanitaire face à des centaines de milliers de personnes qui peuvent mourir du jour au lendemain", a dénoncé Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.

Ces ONG réclament notamment aux États "ayant de l'influence sur Israël" de faire pression pour un "cessez-le-feu immédiat et durable", un "embargo complet sur les armes", un soutien aux procédures judiciaires en cours devant la Cour pénale internationale, la mise en œuvre des décisions de la Cour internationale de justice, et la "révision de l'accord d’association Union européenne-Israël".

En réponse à l'attaque sans précédent menée en Israël par des commandos du Hamas le 7 octobre 2023, l'armée israélienne mène depuis plus de 19 mois une offensive dans la bande de Gaza visant à détruire le mouvement islamiste.

L'attaque du 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes alors enlevées, 57 restent retenues à Gaza, dont 34 déclarées mortes par l'armée.

Plus de 54.056 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués par la campagne de représailles israéliennes, selon des données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.


France et Indonésie appellent à des «progrès» en juin vers une «reconnaissance mutuelle entre Israël et Palestine»

La France et l'Indonésie ont appelé mercredi à une "feuille de route crédible" et des "progrès" en juin, à l'occasion d'une conférence à l'ONU. (AFP)
La France et l'Indonésie ont appelé mercredi à une "feuille de route crédible" et des "progrès" en juin, à l'occasion d'une conférence à l'ONU. (AFP)
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  • a France et l'Indonésie ont appelé mercredi à une "feuille de route crédible" et des "progrès" en juin, à l'occasion d'une conférence à l'ONU, vers une "reconnaissance mutuelle entre Israël et Palestine"
  • La France, qui coprésidera cette conférence, et l'Indonésie, pays à majorité musulmane le plus peuplé au monde, qui n'a pas à ce jour de relations avec Israël, affirment que ce rendez-vous diplomatique devra favoriser une dynamique positive

JAKARTA: La France et l'Indonésie ont appelé mercredi à une "feuille de route crédible" et des "progrès" en juin, à l'occasion d'une conférence à l'ONU, vers une "reconnaissance mutuelle entre Israël et Palestine", dans une déclaration conjointe lors de la visite d'Etat d'Emmanuel Macron à Jakarta.

La France, qui coprésidera cette conférence, et l'Indonésie, pays à majorité musulmane le plus peuplé au monde, qui n'a pas à ce jour de relations avec Israël, affirment que ce rendez-vous diplomatique devra favoriser une dynamique "vers une reconnaissance de l'Etat de Palestine par tous les pays avec des garanties de sécurité pour tous".

 


Lycée musulman Averroès: un avenir incertain malgré le rétablissement du contrat

L'horizon s'est éclairci fin avril pour le lycée Averroès de Lille dont la justice a rétabli le contrat avec l'Etat, mais à quelques jours du bac et en plein débat sur les Frères musulmans, de nombreuses incertitudes flottent sur son avenir. (AFP)
L'horizon s'est éclairci fin avril pour le lycée Averroès de Lille dont la justice a rétabli le contrat avec l'Etat, mais à quelques jours du bac et en plein débat sur les Frères musulmans, de nombreuses incertitudes flottent sur son avenir. (AFP)
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  • L'établissement fondé en 2003, après l'interdiction du voile à l'école, et sous contrat depuis 2008, a dû augmenter drastiquement ses frais de scolarité et ses effectifs ont fondu
  • Pendant un an et demi, le principal lycée musulman de France a vécu au rythme des décisions de justice

LILLE: L'horizon s'est éclairci fin avril pour le lycée Averroès de Lille dont la justice a rétabli le contrat avec l'Etat, mais à quelques jours du bac et en plein débat sur les Frères musulmans, de nombreuses incertitudes flottent sur son avenir.

Pendant un an et demi, le principal lycée musulman de France a vécu au rythme des décisions de justice. Le 7 décembre 2023, le préfet du Nord a rompu son contrat d'association avec l'État, l'accusant de "manquements graves aux principes fondamentaux de la République".

Cette rupture privait le lycée de subventions publiques à partir de la rentrée 2024 et ses élèves de la prise en compte de leurs notes de contrôle continu pour le bac.

L'établissement fondé en 2003, après l'interdiction du voile à l'école, et sous contrat depuis 2008, a dû augmenter drastiquement ses frais de scolarité et ses effectifs ont fondu.

Deux décisions en référé, en février et juillet 2024, ont confirmé la rupture du contrat.

Mais le 23 avril, le tribunal administratif a annulé sur le fond la décision du préfet, estimant qu'il n'avait pas "suffisamment démontré" le "manque de pluralisme culturel de la documentation accessible aux lycéens", ni le "caractère contraire aux valeurs de la République du cours d'éthique musulmane". Pas de preuves non plus d'un "système de financement illicite" reproché à l'établissement.

Les manquements prouvés, comme le refus d'une inspection inopinée, ne sont pas suffisants pour dénoncer le contrat, a tranché le tribunal.

"Pression de dingue" 

Les élèves de terminale avaient déjà appris en janvier qu'exceptionnellement, leurs notes de contrôle continu seraient comptabilisées pour le bac. Mais ceux de première se préparaient, avant le rétablissement du contrat, à passer des examens centralisés pour chaque matière, comme des candidats libres.

Jusqu'à la semaine dernière, les conséquences du rétablissement du contrat restaient floues. "On se prépare aux épreuves s'il doit y en avoir, et on travaille en même temps à fond pour les notes, parce qu'il peut y avoir le contrôle continu", expliquait mi-mai Wyssam, élève de première.

La professeur de lettres et philosophie Michèle Battin, pointait "une pression de dingue" sur les élèves.

Il y a quelques jours, le rectorat a finalement opté pour une solution intermédiaire: des "épreuves sous le régime du contrôle continu", ont expliqué ses services à l'AFP, sans détail.

Dans chaque matière, la note d'un dernier devoir, réalisé dans le lycée Averroès mais sur un sujet validé par le rectorat, fera office de note de contrôle continu, selon la direction.

"J'ai réussi à rester sereine mais une grande partie de mes camarades a paniqué" à cause de ce climat d'incertitude, confiait lundi une autre élève de première, Hadjer.

Le proviseur du lycée, Eric Dufour, espère que l'Etat finisse par admettre que le rétablissement du contrat prend effet à la rentrée 2024 et non le 23 avril 2025, et prenne donc en compte les notes de l'ensemble de l'année.

"Climat bienveillant" 

L'incertitude prévaut également pour les bourses, interrompues par la rupture du contrat. Elles reprendront à la rentrée 2025 mais les modalités d'un rattrapage de l'année 2024-2025 ne sont pas encore connues, selon M. Dufour.

Pour Latifa Aït Bella, dont la fille Soumaya était boursière, la maintenir à Averroès a représenté un gros effort financier familial. Cette assistante maternelle espère être remboursée, mais assure n'avoir "aucun regret" en raison de professeurs "exceptionnels" et du "climat bienveillant" du lycée.

Alors que les enseignants seront à nouveau rémunérés par l'Etat, M. Dufour se dit rassuré sur l'enveloppe d'heures de cours attribuée par l'Éducation nationale pour la rentrée. Le lycée, qui avait perdu 180 élèves, devrait pouvoir en accueillir à nouveau 475 en septembre, soit 15 classes.

A long terme, son sort est néanmoins loin d'être réglé. La ministre de l'Éducation Élisabeth Borne a fait appel de la décision du tribunal administratif. Le président LR du conseil régional Xavier Bertrand assure que la région ne versera pas le forfait d'externat, dû aux lycées privés sous contrat, tant qu'un jugement définitif ne serait pas intervenu.

Le collège Averroès n'est, lui, toujours pas sous contrat.

Le rapport sur les Frères musulmans commandé par Emmanuel Macron présente le collège-lycée comme une pièce majeure de l'écosystème "frériste" en France.

"Les fantasmes habituels ressortent", soupire M. Dufour. Il souligne que le rapport reprend des accusations pourtant écartées par la justice.