Le droit du sol à Mayotte, autre nuage à l'horizon pour la majorité

Mayotte est aux prises avec des troubles sociaux et une crise migratoire paralysante, liée à l'arrivée sur le territoire français d'outre-mer de milliers de personnes fuyant la pauvreté et la corruption (Photo, AFP).
Mayotte est aux prises avec des troubles sociaux et une crise migratoire paralysante, liée à l'arrivée sur le territoire français d'outre-mer de milliers de personnes fuyant la pauvreté et la corruption (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 07 avril 2024

Le droit du sol à Mayotte, autre nuage à l'horizon pour la majorité

  • Soutenu par Emmanuel Macron, le texte doit mettre fin au droit du sol dans le département français situé dans l'océan Indien
  • Deux projets de loi doivent être présentés en Conseil des ministres le 22 mai selon la ministre déléguée Marie Guévenoux

PARIS: Dans l'ombre de ses débats très publics sur l'assurance-chômage ou les finances de l'État, la majorité présidentielle voit venir à l'horizon un autre sujet qui pourrait la diviser et raviver les blessures de la loi immigration: la suppression du droit du sol à Mayotte.

"Ca ne passera pas", "ce sera difficile"... Les parlementaires macronistes ne cachent pas leurs inquiétudes sur la réforme constitutionnelle.

Soutenu par Emmanuel Macron, le texte doit mettre fin au droit du sol dans le département français situé dans l'océan Indien, qui compte 310.000 habitants, selon des chiffres officiels probablement largement sous-estimés, dont 48% d'immigrés comoriens ou venus d'autres pays d'Afrique.

Deux projets de loi doivent être présentés en Conseil des ministres le 22 mai selon la ministre déléguée Marie Guévenoux, en déplacement sur l'île cette semaine: une réforme constitutionnelle pour supprimer le droit du sol, et un texte comprenant des "mesures en complément sur la sécurité, le développement économique et social (et) les institutions".

La ministre, qui se partage le dossier avec Gérald Darmanin (Intérieur), a prédit au micro de Mayotte La 1ère un "débat parlementaire âpre", et le risque d'une réforme "instrumentalisée" par l'opposition. Mais il faudra d'abord convaincre ses propres rangs.

«Match retour»

"Mayotte connaît déjà un droit dérogatoire depuis la loi Collomb de 2018. Cela n'a pas produit beaucoup d’effets", a estimé dans l'Opinion Élodie Jacquier-Laforge, vice-présidente MoDem de l'Assemblée, revenant d'un déplacement sur l'île avec Sacha Houlié, président Renaissance de la commission des Lois.

"On peut jouer sur la nationalité autant que l'on veut, au fond, Mayotte va rester dans la géopolitique mondiale (...) le seul point d'entrée en France dans la région", a estimé ce dernier dans le même entretien.

"Je ne partage pas leur point de vue", a répliqué Marie Guévenoux mardi dans Ouest-France, en appelant à arrêter "de finasser".

D'autres élus de la majorité craignent d'entrouvrir la porte à des idées défendues par l'extrême droite qui pousse depuis longtemps pour une suppression du droit du sol partout sur le territoire.

"Une partie de la majorité va voir ça comme le match retour de l'immigration, dire qu'on a joué le jeu la dernière fois, et qu'il n'est pas question de le refaire", prédit un autre membre classé à gauche de Renaissance.

"Cette réforme du droit du sol, pour ce territoire en particulier, je crois qu'il faut la faire", insiste toutefois Ludovic Mendes, lui aussi classé à gauche du groupe. Il dénonce "l'influence d'Etat des Comores" voisines sur l'île tout en se montrant pessimiste sur l'avenir du texte: "je pense que ça ne passera pas malheureusement".

Même dans l'aile droite, on s'interroge : "on est sur des fondamentaux de la République, je suis très prudent là-dessus, mais je me laisse le temps du débat", explique le député Charles Sitzenstuhl. "Une crise exceptionnelle appelle une réponse exceptionnelle", assume au contraire Mathieu Lefèvre, proche de Gérald Darmanin.

D'autres parlementaires s'inquiètent de velléités de la droite de faire monter les enchères. L'influent président LR du Sénat Gérard Larcher avait plaidé mi-février pour "ne pas se limiter dans le débat seulement à Mayotte".

«Efficace» ?

Et alors qu'une éventuelle réforme constitutionnelle devra recueillir l'assentiment des 3/5es des parlementaires, sénateurs et députés compris, des réserves se font entendre aussi à la chambre haute.

"Si on m'assure que ce dispositif va faire baisser l'immigration clandestine à Mayotte, je signe tout de suite. Mais il faut être sûr que ce sera efficace", explique à l'AFP le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi, membre du groupe RDPI qui réunit les sénateurs macronistes.

Depuis 2018, le droit de la nationalité est déjà dérogatoire à Mayotte. La possibilité de devenir Français lorsqu'on a deux parents étrangers (à la majorité ou à partir de 13 ans sur demande) est conditionnée à ce que l'un des parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière depuis trois mois.

"Depuis le dispositif des trois mois, l'immigration clandestine a-t-elle baissé à Mayotte? Non", estime le sénateur, qui évoque une autre piste : allonger ce délai de trois mois sans nécessairement modifier la Constitution.


Stupeur après le meurtre d'un Tunisien dans le sud-est de la France

"Hichem aidait les gens, il coiffait même ceux qui ne pouvaient pas payer", confirme auprès de l’AFP Marwouen Gharssalli, soudeur de 43 ans et ami du défunt. (AFP)
"Hichem aidait les gens, il coiffait même ceux qui ne pouvaient pas payer", confirme auprès de l’AFP Marwouen Gharssalli, soudeur de 43 ans et ami du défunt. (AFP)
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  • Devant le salon de coiffure "Facekoop", une quinzaine de bouquets de fleurs sont accompagnés de mots
  • "Nous sommes très tristes, très peinés, très choqués, tu vas laisser un vide dans notre rue", ont écrit les commerçants de la commune sur une carte

PUGET-SUR-ARGENS: "Cette haine, pourquoi ?": les habitants de Puget-sur-Argens, petite commune du sud-est de la France, oscillaient entre stupeur et incompréhension après le meurtre d'Hichem Miraoui, un quadragénaire tunisien, un crime a priori raciste et sans doute prémédité.

"Je suis choquée, j'ai du mal à comprendre pourquoi il a été tué (...) C'était un jeune homme poli, travailleur, éduqué, solaire", explique, les larmes aux yeux, Sylvia Elvasorre, une retraitée de 65 ans voisine du salon de coiffure où travaillait la victime.

"Hichem aidait les gens, il coiffait même ceux qui ne pouvaient pas payer", confirme auprès de l’AFP Marwouen Gharssalli, soudeur de 43 ans et ami du défunt.

Christophe B., un quinquagénaire de nationalité française, a abattu Hichem Miraoui samedi dans la soirée à Puget-sur-Argens, avant de blesser un autre de ses voisins, de nationalité turque. Avant et après son acte, il a diffusé des vidéos racistes sur ses réseaux sociaux.

Devant le salon de coiffure "Facekoop", une quinzaine de bouquets de fleurs sont accompagnés de mots. "Nous sommes très tristes, très peinés, très choqués, tu vas laisser un vide dans notre rue", ont écrit les commerçants de la commune sur une carte.

"Les gens sont stupéfaits qu'on puisse arriver à un crime raciste comme ça, ce n'est pas dans les mœurs de Puget ce genre d'événement. C'est une mauvaise surprise et un choc pour la ville", affirme Paul Boudoube, le maire de Puget-sur-Argens, où comme ailleurs dans cette région, l'extrême droite a réalisé de bons scores aux dernières élections.

Enquête antiterroriste 

Dans la petite zone industrielle où Hichem Miraoui habitait, dans un local portant l'enseigne d'une ancienne onglerie, des traces de sang sont encore visibles devant la porte. Un scellé posé par les enquêteurs rappelle le drame, avec la mention "meurtre, tentative de meurtre".

"Nous parlions des préparatifs de l'Aïd (el-Kebir, grande fête musulmane prévue ce vendredi en Tunisie, NDLR)", a commenté auprès de l'AFP Hanen Miraoui, la sœur de la victime, racontant la communication vidéo entre la famille, au moment des coups de feu: "Il rigolait et taquinait ma mère qui était malade, puis tout d'un coup je l'ai entendu dire +Aïe+, puis la communication s'est interrompue".

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a repris l'enquête, se saisissant pour la première fois d'investigations sur un homicide raciste lié à l'ultradroite.

"C'est une bonne chose (...) des moyens d'enquête vont être mis sur l'analyse politique de ce geste et comment cette personne s'est radicalisée", s'est félicitée Zelie Heran, responsable du pôle juridique de SOS Racisme.

Ce meurtre est "clairement un crime raciste", "sans doute aussi antimusulman", et "peut-être aussi un crime terroriste", a affirmé mardi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.

Après le drame, ce dernier a été pointé du doigt, notamment par une partie de la gauche qui l'accuse de courtiser l'extrême droite à l'approche de l'élection présidentielle de 2027.

Le patron du Parti socialiste Olivier Faure a affirmé qu'il banalise "un racisme d'atmosphère" en entretenant "un climat de suspicion vis-à-vis des étrangers".

"Quand je combats l'islamisme, je ne combats pas les musulmans, ceux qui font l'amalgame se trompent", s'est défendu mardi M. Retailleau devant les députés.

"L'étranger qui gêne" 

Plusieurs responsables religieux, politiques ou associatifs dénoncent eux aussi un climat délétère de stigmatisation dans le pays.

"Il est temps de s'interroger sur les promoteurs de cette haine qui, dans les sphères politiques et médiatiques, sévissent en toute impunité et conduisent à des faits d'une extrême gravité", a affirmé mardi le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz.

"Aujourd'hui, l'étranger qui gêne, c'est le musulman", a ajouté M. Hafiz, alors que l'islam, deuxième religion de France, compte entre cinq et six millions de musulmans pratiquants et non-pratiquants, selon plusieurs études.

D'autres violences ont inquiété la communauté musulmane récemment: fin avril, un jeune Malien, Aboubakar Cissé, était assassiné dans une mosquée du Gard (sud-est). Ce weekend, un Coran a été volé et brûlé dans une mosquée de Villeurbanne, près de Lyon (centre-est).

Les actes antimusulmans ont augmenté de 72% au premier trimestre 2025, avec 79 cas recensés dans le pays, selon le ministère de l'Intérieur.

 


La situation de l'automobile européenne est « très préoccupante »

Des employés travaillent à l'assemblage d'un étrier de frein pour un véhicule électrique dans l'usine de Neapco Europe à Dueren, dans l'ouest de l'Allemagne, le 22 août 2023. (Photo par Ina FASSBENDER / AFP)
Des employés travaillent à l'assemblage d'un étrier de frein pour un véhicule électrique dans l'usine de Neapco Europe à Dueren, dans l'ouest de l'Allemagne, le 22 août 2023. (Photo par Ina FASSBENDER / AFP)
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  • « L'industrie automobile européenne n'est pas éternelle et se trouve dans une situation très préoccupante », a jugé mercredi matin Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA).
  • En mai, le marché des voitures neuves a enregistré un cinquième mois consécutif de baisse en France, avec un recul de 12 %.

PARIS : « L'industrie automobile européenne n'est pas éternelle et se trouve dans une situation très préoccupante », a jugé mercredi matin Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA), qui représente les constructeurs et grands équipementiers automobiles français, réclamant de la « souplesse » face aux obligations de décarbonation.

« Je suis très inquiet de l'évolution de notre industrie automobile en Europe parce qu'elle n'est pas éternelle et qu'elle n'est pas à l'abri d'une invasion de la part des industriels chinois qui fabriquent des voitures de grande qualité, bon marché, et qui vont nous concurrencer », a-t-il estimé au micro de RMC.

En mai, le marché des voitures neuves a enregistré un cinquième mois consécutif de baisse en France, avec un recul de 12 %.

« Nous nous enfonçons un peu dans une crise structurelle », décrit le président de la PFA, « parce que les consommateurs sont dans l'incertitude et reportent leurs décisions d'achat. »

Selon lui, cette situation est « très préoccupante », et le secteur doit conjuguer avec la « difficulté de la transition » vers le tout électrique.

L'échéance de 2035 pour l'interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique dans l'Union européenne est, selon lui, « aujourd'hui hors de portée » au regard des ventes de véhicules électriques. 

Pour y parvenir, « il faut remettre de la souplesse » et « faire confiance à l'innovation et à la technologie », préconise M. Chatel.

L'Europe « a pris une décision réglementaire qu'elle a imposée à l'ensemble des industriels de la filière, alors qu'eux-mêmes avaient engagé d'importants efforts en matière de réduction des émissions de CO₂ », mais a « juste oublié qu'à la fin, si on voulait y arriver, il fallait qu'il y ait des consommateurs qui achètent des voitures ». On n'a pas pensé à eux et on s'est aperçu qu'ils avaient finalement besoin de temps pour changer leurs habitudes », abonde-t-il.

« Au cours du deuxième semestre 2025 et 2026, nous aurons une clause de révision à laquelle nous ferons le point sur le règlement voté en 2022 : le maintenons-nous en l'état ? Est-ce qu'on assouplit ? Tout sera mis sur la table », assure le représentant.

Au Parlement européen, certains élus ont fait savoir qu'ils préconiseraient également une révision de cette obligation.

Début mai, les députés européens ont validé un assouplissement des règles imposées aux constructeurs automobiles en matière d'émissions de CO₂, afin d'éviter des amendes en 2025.


Extraction de Mohamed Amra: Retailleau préférerait que le juge se déplace

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, décrivant "des risques majeurs", a indiqué mercredi qu'il préférait que le juge se déplace plutôt que d'extraire Mohamed Amra de sa prison ultra-sécurisée. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, décrivant "des risques majeurs", a indiqué mercredi qu'il préférait que le juge se déplace plutôt que d'extraire Mohamed Amra de sa prison ultra-sécurisée. (AFP)
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  • "Faire sortir des types aussi dangereux d'une prison, ce sont des risques majeurs. Il faut que nous nous y adaptions et qu'on entende soit que le juge se déplace, soit qu'il y ait une visioconférence"
  • Lors d'une précédente extraction, en mai 2024, de Mohamed Amra, multirécidiviste déjà détenu pour d'autres affaires judiciaires, deux agents pénitentiaires avaient été tués et trois autres ont été grièvement blessés

PARIS: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, décrivant "des risques majeurs", a indiqué mercredi qu'il préférait que le juge se déplace plutôt que d'extraire Mohamed Amra de sa prison ultra-sécurisée.

"Faire sortir des types aussi dangereux d'une prison, ce sont des risques majeurs. Il faut que nous nous y adaptions et qu'on entende soit que le juge se déplace, soit qu'il y ait une visioconférence", a lancé le ministre de l'Intérieur sur RTL à propos de l'extraction, prévue la semaine prochaine, de Mohamed Amra pour un interrogatoire.

"Chaque extraction consomme des moyens du ministère de l'Intérieur - et ça coûte cher aux contribuables - mais surtout, à chaque fois, ce sont des risques et nous nous sommes battus sur la loi narcotrafic pour qu'il y ait précisément un dispositif qui rend obligatoire l'audition de ces gens - là par visioconférence", a-t-il ajouté.

"C'est fondamental parce que sinon nos policiers, gendarmes, les agents de la pénitentiaire peuvent risquer leur vie", a-t-il souligné.

Le narcotrafiquant de 31 ans, poursuivi notamment pour meurtres en bande organisée en récidive, doit en effet être extrait la semaine prochaine de sa prison de Condé-sur-Sarthe pour être interrogé à Paris, dans le bureau des juges d'instruction de la Juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (Junalco).

Lors d'une précédente extraction, en mai 2024, de Mohamed Amra, multirécidiviste déjà détenu pour d'autres affaires judiciaires, deux agents pénitentiaires avaient été tués et trois autres ont été grièvement blessés. "La Mouche" avait ensuite passé neuf mois en cavale avant d'être arrêté le 22 février à Bucarest en Roumanie.

Cette extraction prochaine a indigné les syndicats pénitentiaires. "Nous sommes outrés et scandalisés de cette extraction judiciaire", a ainsi déploré auprès de l'AFP Wilfried Fonck, secrétaire national Ufap Unsa Justice.

"Aujourd'hui, le magistrat décide si on doit lui présenter le détenu ou non", a pesté Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO-Justice, considérant que les magistrats ne prenaient pas "la mesure du danger des extractions de ce type de détenus".

Sur TF1 mardi soir, le ministre de la Justice Gérald Darmanin s'est lui dit certain "qu'il ne se passera rien". Le ministère de l'Intérieur, "qui aura la responsabilité de ce transfert, le fait dans magnifiques conditions que ce soit le GIGN ou le Raid", a-t-il martelé.