Takashi Murakami, star mondiale du pinceau aux algorithmes, méfiant face à l'IA

La galerie Gagosian accueille au Bourget des tableaux monumentaux de l'artiste japonais contemporain Takashi Murakami (Photo, AFP).
La galerie Gagosian accueille au Bourget des tableaux monumentaux de l'artiste japonais contemporain Takashi Murakami (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 11 juin 2023

Takashi Murakami, star mondiale du pinceau aux algorithmes, méfiant face à l'IA

  • Il dit poursuivre l'expérience avec le fabricant de montres Hublot, un projet dont il espère pouvoir bientôt annoncer l'aboutissement
  • Pour lui, l'univers de ces crypto-actifs est comme un «nouveau continent»

LE BOURGET: Il jongle avec les NFT et l'univers virtuel, dresse des ponts entre l'art traditionnel, la pop culture et les jeux vidéo. Pourtant, à 61 ans, Takashi Murakami, star mondiale de la peinture, confesse une certaine "crainte" face à l'intelligence artificielle.

"Je travaille avec une certaine crainte d'être un jour remplacé" par l'IA, dit-il à l'AFP, à l'occasion d'une exposition présentant une quarantaine de ses oeuvres, qui ouvre samedi à la galerie Gagosian du Bourget (Seine-Saint-Denis).

Comme "avec l'arrivée de l'Apple II (un des premiers ordinateurs personnels, NDLR)", qui a conduit à l'éviction de leurs aînés par de jeunes professionnels du design, "le changement de génération sera drastique", ajoute-t-il, en japonais, le visage serein et concentré.

Le même scénario risque de se reproduire "dans un ou deux ans, dans le monde de l'art visuel mais aussi ailleurs, avec l'arrivée de gens qui savent utiliser l'IA", poursuit-il.

Installé devant sa dernière fresque monumentale de 23 mètres de long sur 5 mètres de haut, cheveux noués et barbe poivre et sel, il est assis bien droit, vêtu d'un bermuda et d'une veste qu'ils a lui-même dessinés.

Hommage au théâtre traditionnel Kabuki, cette fresque est exposée avec quatre autres tableaux monumentaux, dont ses célèbres fleurs souriantes à l'esthétique "superflat" (en deux dimensions, NDLR) qui ont fait sa renommée.

A leurs côtés, ses chats porte-bonheur voisinent avec ses tableaux pixelisés qui rendent hommage à la culture vidéo-ludique et informatique des années 80. Ils demandent souvent à celui qui les regarde de faire l'effort de les décoder.

«Idées fourbes»

"L'IA va certainement faire des dégâts aux métiers techniques mais je ne pense pas qu'elle sera capable de contrer nos idées. Les plus farfelues (d'entre elles), celles que même l'IA ne peut générer, deviendront précieuses", nuance-t-il.

S'étant approprié lui-même nombre de techniques algorithmiques, il évoque avec malice "la montée en puissance de créateurs avec des idées beaucoup plus fourbes", utilisant des "techniques d'ingénierie qui réussiront à rendre familières les choses les plus bizarres".

Dans l'immense bâtiment aux murs blancs de la galerie, de gigantesques figures grimées s'enchevêtrent à l'aplomb d'un immense serpent dans une explosion de couleurs, "récit" épique en images, cher à l'artiste.

Avec ce travail, réalisé à la peinture acrylique recouverte de laque, ne laissant aucune trace de la main qui l'a réalisé, l'artiste dit avoir acquis la reconnaissance de générations plus anciennes qui ne l'appréciaient guère jusque-là au Japon.

En face, un "dragon bleu" symbolique et gigantesque fait référence au jeu vidéo "Blue Dragon" et au mythe universel, transportant le public dans l'univers de l'estampe japonaise.

«Nouveau continent»

Star aux multiples collaborations internationales dans la mode - Louis Vuitton, les créateurs pluridisciplinaires Virgil Abloh, Pharrell Williams ou Kanye West -, homme d'affaires à succès dont les produits dérivés se vendent partout dans le monde, Takashi Murakami dit "avoir compris la grammaire et les règles" de cet univers grâce à ces collaborations.

Il dit poursuivre l'expérience avec le fabricant de montres Hublot, un projet dont il espère pouvoir bientôt annoncer l'aboutissement.

Fort de cette capacité à investir tous les champs de la création, l'artiste a aussi travaillé avec la société RTFKT, présente dans l'univers des NFT (des oeuvres d'art certifiées par un contrat numérique, NDLR), pour donner naissance à des sneakers qu'il fallait acquérir dans l'univers virtuel avant de pouvoir obtenir leur double physique.

Pour lui, l'univers de ces crypto-actifs est comme un "nouveau continent" et il faudra du temps pour que le public se l'approprie, à l'image des cartes bancaires autrefois.

Il dit "créer de véritables tableaux afin d'expliquer le monde des NFT aux gens dans le monde réel", comme s'il s'agissait de "ponts" entre la vie réelle et le monde virtuel.

Signe de sa volonté de démocratiser cette nouvelle forme d'art, il doit offrir samedi aux visiteurs qui le souhaitent un NFT sur inscription: une pièce de monnaie virtuelle à l'effigie de sa célèbre fleur souriante.


Ziad Rahbani, figure majeure de la culture libanaise, s’éteint à 69 ans

Le compositeur et dramaturge libanais Ziad Rahbani se produit lors de l'ouverture de la 55e session du Festival international de Hammamet au théâtre de Hammamet, le 02 août 2019. (AFP)
Le compositeur et dramaturge libanais Ziad Rahbani se produit lors de l'ouverture de la 55e session du Festival international de Hammamet au théâtre de Hammamet, le 02 août 2019. (AFP)
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  • Le musicien et dramaturge libanais Ziad Rahbani, fils de la légendaire chanteuse Fayrouz, est décédé samedi à l’âge de 69 ans
  • Considéré comme l’une des voix les plus influentes de la musique libanaise, Ziad Rahbani était également un chroniqueur politique redouté, connu pour sa satire acérée et son théâtre engagé

DUBAÏ : Le musicien et dramaturge libanais Ziad Rahbani, fils de la légendaire chanteuse Fayrouz, est décédé samedi à l’âge de 69 ans.

Né le 1er janvier 1956, Rahbani a commencé à composer pour Fayrouz alors qu’il était encore adolescent. Il est l’auteur de chansons emblématiques telles que Kifak Inta et Bala Wala Shi. Son père, le compositeur Assi Rahbani, était lui aussi une figure majeure de la musique arabe.

Considéré comme l’une des voix les plus influentes de la musique libanaise, Ziad Rahbani était également un chroniqueur politique redouté, connu pour sa satire acérée et son théâtre engagé. Parmi ses pièces les plus célèbres : Nazl Al-Sourour, A Long American Film et Bema Inno.

Le Premier ministre libanais Nawaf Salam lui a rendu hommage sur X, le qualifiant d’« artiste créatif exceptionnel et voix libre, fidèle aux valeurs de justice et de dignité ».

« Ziad incarnait un profond engagement envers les causes humaines et nationales, a-t-il ajouté. Sur scène, à travers la musique et les mots, il exprimait ce que beaucoup n’osaient pas dire. Pendant des décennies, il a touché les espoirs et les douleurs du peuple libanais. Par son honnêteté tranchante, il a semé une nouvelle conscience dans la culture nationale. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Sushi Bar ravive l'espoir au cœur de Beyrouth

Mario Haddad estime qu'il fait partie de ceux qui redéfinissent la scène de la gastronomie, alors que Beyrouth connaît un renouveau naissant.  Son restaurant, Le Sushi Bar, se dresse comme un trophée élégant au cœur du centre-ville.  Avec l'arrivée cet été du chef japonais en résidence Sayaka Sawaguchi, il pense que le restaurant contribue à replacer la gastronomie libanaise sur la scène mondiale. (Fournie)
Mario Haddad estime qu'il fait partie de ceux qui redéfinissent la scène de la gastronomie, alors que Beyrouth connaît un renouveau naissant. Son restaurant, Le Sushi Bar, se dresse comme un trophée élégant au cœur du centre-ville. Avec l'arrivée cet été du chef japonais en résidence Sayaka Sawaguchi, il pense que le restaurant contribue à replacer la gastronomie libanaise sur la scène mondiale. (Fournie)
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  • Pour Mme Sawaguchi, l'intégration au Liban - un pays façonné par la résilience et une chaleur particulière - s'est faite naturellement.
  • Elle a passé les semaines précédant la résidence - entre le 9 et le 27 juillet - à voyager à travers le pays, s'immergeant dans les subtilités du pays.

BEYROUTH : "Pour un restaurant, durer 28 ans au Liban, c'est héroïque", a récemment déclaré le chef Mario Haddad à Arab News, alors qu'il réfléchissait à l'industrie dans une ville et un pays confrontés à de nombreux défis.

Mario Haddad estime qu'il fait partie de ceux qui redéfinissent la scène de la gastronomie, alors que Beyrouth connaît un renouveau naissant.

Son restaurant, Le Sushi Bar, se dresse comme un trophée élégant au cœur du centre-ville.

Avec l'arrivée cet été du chef japonais en résidence Sayaka Sawaguchi, il pense que le restaurant contribue à replacer la gastronomie libanaise sur la scène mondiale.

"Nous avons décidé d'avoir un chef en résidence parce que nous voulions célébrer le retour du Liban à la vie", a déclaré M. Haddad.

Pour Mme. Sawaguchi, l'intégration au Liban - un pays façonné par la résilience et une chaleur particulière - s'est faite naturellement.

Elle a passé les semaines précédant la résidence - entre le 9 et le 27 juillet - à voyager à travers le pays, s'immergeant dans les subtilités du pays.

"Le Liban m'a appris le bel équilibre entre les épices, les herbes et l'huile d'olive, tout comme les Libanais vivent leur vie au quotidien", a déclaré Mme Sawaguchi.

Bien que venant de mondes très différents, Haddad et Sawaguchi ont trouvé un terrain d'entente dans leur passion pour la nourriture.

"Elle s'est intégrée comme un gant [...]. Ce n'est pas facile de ne pas avoir ses outils, sa cuisine, ses ingrédients, mais son attitude était parfaite", a déclaré M. Haddad.

"L'art de se nourrir les uns les autres est sans aucun doute notre passion commune", a ajouté Mme Sawaguchi.

Haddad a le sens du détail, ce qui semble être un élément clé du succès de son restaurant.

En l'observant dans son élément - examiner chaque plat à mesure qu'il arrive sur la table, accueillir chaque client comme un membre de la famille et se réjouir de son plaisir - on comprend mieux pourquoi Le Sushi Bar a résisté à la tempête.


Festival international de Hammamet 2025 : Noël Kharman et Yuri Buenaventura, deux voix engagées et envoûtantes 

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  • Noël Kharman a su allier émotion brute et justesse musicale
  • L’un des moments les plus poignants fut son interprétation de « Haifa », chanson dédiée à sa ville natale

HAMMAMET:  La 59e édition du Festival international de Hammamet, placée cette année encore sous le thème Continuous Vibes, a offert samedi soir un double moment d’exception entre engagement, virtuosité musicale et communion avec le public.

Sur la scène mythique de l’amphithéâtre de Hammamet, deux artistes venus de mondes différents mais unis par la puissance de leur message ont brillé tour à tour : la jeune chanteuse palestinienne Noël Kharman, et l’icône de la salsa colombienne Yuri Buenaventura.

Noël Kharman: la voix d’une génération sacrifiée

Venue pour la première fois en Tunisie, la chanteuse palestinienne Noël Kharman, 24 ans, a fait une entrée sobre mais électrisante. Robe noire élégante, voix puissante et regard franc, elle a captivé d’emblée un public conquis par sa sincérité et son intensité.

Entourée de musiciens tunisiens de talent – avec notamment Outail Maaoui au violon, Mohamed Ben Salha au nay, Dali El Euch à la batterie, ou encore Bechir Neffati aux percussions – Kharman a su allier émotion brute et justesse musicale. Un ensemble d’une cohésion remarquable, mis au service de compositions originales et d’arrangements soignés.

L’un des moments les plus poignants fut son interprétation de « Haifa », chanson dédiée à sa ville natale. Elle y a livré un message bouleversant : « La guerre m’a beaucoup épuisée. Elle a changé ma vision du monde. Je vis actuellement en Jordanie. Je prie pour une paix prochaine. » Le public, profondément touché, a répondu par des slogans engagés : « Free, Free Palestine », criant son soutien à la cause palestinienne.

Kharman s’est imposée ces dernières années comme une figure montante de la scène arabe grâce à ses mashups viraux et ses compositions originales, largement diffusées sur TikTok, Instagram et YouTube. Issue d’un village proche de Haïfa, elle fait résonner la culture musicale moyen-orientale au-delà des frontières, avec rigueur, passion et une vraie vision artistique.

Yuri Buenaventura: la salsa comme langage universel

Un peu plus tôt dans la soirée, c’est Yuri Buenaventura qui a fait vibrer l’amphithéâtre, dans une performance marquant son grand retour sur scène après six ans de silence. La soirée, affichant complet bien avant l’ouverture des portes, a tenu toutes ses promesses.

Dès les premières notes, le chanteur colombien a installé son univers : une salsa colorée, généreuse, ouverte à toutes les influences. Costumé en sport-chic, entre élégance sobre et énergie débordante, l’artiste a invité le public à danser, à rêver, mais aussi à réfléchir.

Pendant deux heures, il a enchaîné classiques, morceaux de son nouvel album « Ámame » – un hommage à la musique latine new-yorkaise – et quelques reprises iconiques. De « Como la maleza » à « Historia de un Amor », en passant par sa reprise bouleversante de « Ne me quitte pas », il a ému autant qu’il a fait danser.

Loin de se limiter à l’ambiance festive, Yuri Buenaventura a aussi livré des messages forts sur l’état du monde, dénonçant les conflits et les divisions actuelles. « La musique est une arme de paix », semble-t-il nous dire, en valorisant les instruments comme vecteurs de rencontre entre les peuples.

Le Festival international de Hammamet confirme ainsi, pour sa 59e édition, sa capacité à conjuguer excellence artistique et résonance contemporaine. Une scène où les émotions croisent les convictions, et où les Continuous Vibes prennent tout leur sens.