En Turquie, l'inflation plombe la «  joie » du ramadan

Au coucher du soleil sur le Bosphore, la file s'allonge en attendant l'iftar, le repas de rupture du jeûne de ramadan offert par la municipalité d'Istanbul. Dans la foule des fidèles, beaucoup n'ont plus les moyens de le préparer chez eux. (AFP).
Au coucher du soleil sur le Bosphore, la file s'allonge en attendant l'iftar, le repas de rupture du jeûne de ramadan offert par la municipalité d'Istanbul. Dans la foule des fidèles, beaucoup n'ont plus les moyens de le préparer chez eux. (AFP).
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Publié le Jeudi 21 mars 2024

En Turquie, l'inflation plombe la «  joie » du ramadan

  • "Nous sommes bien servis, mais ça ne remplace pas l'iftar à la maison. Il n'y avait pas autant de personnes les années précédentes", constate Huseyin Ozcan, qui a attendu plus d'une heure avant d'être servi
  • Le taux d'inflation en Turquie a dépassé 67% en février sur un an, selon les chiffres officiels - près du double selon un groupe d'économistes indépendants

ISTANBUL: Au coucher du soleil sur le Bosphore, la file s'allonge en attendant l'iftar, le repas de rupture du jeûne de ramadan offert par la municipalité d'Istanbul. Dans la foule des fidèles, beaucoup n'ont plus les moyens de le préparer chez eux.

"Nous sommes bien servis, mais ça ne remplace pas l'iftar à la maison. Il n'y avait pas autant de personnes les années précédentes", constate Huseyin Ozcan, qui a attendu plus d'une heure avant d'être servi.

C'est la première fois que ce retraité de 68 ans vient prendre son diner sous cette tente. Au menu: soupe de lentilles, épinards et pâtes.

"Avec ma pension, je n'ai plus de quoi préparer des repas comme lors des ramadans précédents. La nourriture coûte trop cher".

Le taux d'inflation en Turquie a dépassé 67% en février sur un an, selon les chiffres officiels - près du double selon un groupe d'économistes indépendants.

Cette flambée concerne tout particulièrement les denrées alimentaires, qui a atteint 72% en 2023.

L'Union des chambres d'agriculture de Turquie a relevé que "depuis le dernier mois de ramadan (en 2023), trente-huit produits alimentaires ont vu leur prix augmenter sur les marchés".

Dans le détail, cela donne +149% pour l'huile d'olive, devenue un luxe; +148% pour les abricots secs et +171% pour les figues sèches, un incontournable des tables de ramadan en Turquie.

« Pas la même joie »

Malgré les hausses régulières du salaire minimum - 17.000 livres turques (483 euros) - et des pensions de retraite pour compenser en partie cette envolée, l'inflation demeure un sujet brûlant à dix jours des élections municipales du 31 mars.

Le président Recep Tayyip Erdogan promet régulièrement le retour à une "inflation à un chiffre", alors que le pays est enfermé dans une spirale infernale d'inflation et de chute de sa monnaie depuis plusieurs années.

Dans les ruelles du Bazar aux épices, dans le quartier central d'Eminönü, les Stambouliotes cherchent les meilleurs prix pour leurs courses, espérant arracher une ristourne aux vendeurs.

Son cabas à moitié vide, Çiçek Akpinar scrute chaque étiquette. "Je me noie dans les dettes. Ces prix sont inabordables. Pour l'iftar, je prépare des pâtes ou des œufs pour moi et mes enfants. Je ne peux plus inviter mes proches comme avant", regrette-t-elle.

Pour cette quinquagénaire, le mois sacré du ramadan "n'a plus la même joie".

"Cette année, beaucoup se contentent de regarder les rayons, sans acheter", ajoute-t-elle.

Mirza, 65 ans, a dû comme beaucoup renoncer à la viande.

"Autrefois, nous préparions un repas différent pour chaque jour de la semaine pendant le ramadan afin de partager un bon moment en famille. Maintenant on cuisine toujours les mêmes plats, sans viande", glisse-t-il, une boîte de loukoum à la main.

Le kilo de mouton dépasse les 420 livres, près de douze euros.

« Pays en feu »

Dans son échoppe d'épices et de fruits secs, particulièrement courue autrefois pendant le ramadan, Mehmet Masum s'inquiète pour ses affaires.

"Le mois de ramadan était la période la plus vivante pour les commerçants, pas cette année", dit-il.

Les dattes, traditionnellement consommées pour rompre le jeûne, ont vu leur prix s'envoler de 80 à 230 livres le kilo en un an (2,20 euros à 6,25 euros).

"Celui qui peut s'offrir un demi-kilo de dattes est aussi heureux que s'il avait trouvé de l'or. Autrefois, les clients goûtaient avant d'acheter. Nous ne le proposons plus, les prix augmentent tous les jours", avoue le commerçant.

A une heure de l'iftar, des centaines de fidèles s'impatientent devant la tente où la mairie sert des repas une fois le soleil couché. La rangée s'agite, des bousculades surviennent.

"Vous serez tous servis", les rassure un employé municipal.

À 19h17, l'appel à la prière couvre le brouhaha de la mégapole et en une heure, 500 fidèles sont servis.

Venu avec ses amis, Haci Hakalmaz célèbre un moment de convivialité.

"Ce qui est important n'est pas la qualité de la nourriture, mais de partager ce moment avec la communauté", assure-t-il.

Le temps de l'iftar, le retraité de 67 ans veut oublier sa maigre pension - certaines plafonnent à 10.000 livres (284 euros).

"Quand on regarde les prix, on voit bien que le pays est en feu", lance-t-il. "Mais ce soir je veux garder ma bonne humeur et le sentiment de la fraternité autour de cette table".


Prêt-à-porter: Naf Naf placé en redressement judiciaire, 600 emplois menacés

Il s'agit de la troisième procédure de la sorte pour l'entreprise française, mais sa direction turque a déclaré vouloir "continuer à faire exister la marque et présenter un plan de redressement", selon la décision du tribunal de commerce dont l'AFP a eu connaissance. (AFP)
Il s'agit de la troisième procédure de la sorte pour l'entreprise française, mais sa direction turque a déclaré vouloir "continuer à faire exister la marque et présenter un plan de redressement", selon la décision du tribunal de commerce dont l'AFP a eu connaissance. (AFP)
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  • L'entreprise emploie en France 588 salariés - 650 dans les 6 derniers mois, a noté le tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis)
  • La justice a motivé le placement en redressement judiciaire en arguant "que la société est confrontée à des difficultés de trésorerie qu’elle n’est pas en mesure de surmonter"

PARIS: L'enseigne de prêt-à-porter féminin Naf Naf, qui emploie près de 600 personnes, a été placée vendredi en redressement judiciaire, confrontée à "des difficultés de trésorerie", a appris l'AFP de sources proches du dossier.

Il s'agit de la troisième procédure de la sorte pour l'entreprise française, mais sa direction turque a déclaré vouloir "continuer à faire exister la marque et présenter un plan de redressement", selon la décision du tribunal de commerce dont l'AFP a eu connaissance.

L'entreprise emploie en France 588 salariés - 650 dans les 6 derniers mois, a noté le tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

La justice a motivé le placement en redressement judiciaire en arguant "que la société est confrontée à des difficultés de trésorerie qu’elle n’est pas en mesure de surmonter" et qu'elle "est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible".

En effet, son passif s'élève à 44 millions d'euros quand son chiffre d'affaires en 2024 a atteint 47 millions d'euros.

Mais le tribunal a estimé que "sur les déclarations du débiteur et la présentation de son prévisionnel d’activité ainsi que du montant de la trésorerie disponible, il existe des perspectives de redressement".

La société bénéficie donc d'une période d'observation de six mois et sa situation sera rééxaminée lors d'une audience fixée au 23 juillet.

En juin 2024, le repreneur turc Migiboy Tekstil s'était engagé à sauver 90% des emplois et conserver une centaine de boutiques en propre. A l'époque, la société a offert plus de 1,5 million d'euros pour reprendre l'enseigne française.

Ce faisant, l'entreprise turque avait sauvé 521 emplois sur 586 et une centaine de boutiques en France, et repris les filiales en Espagne, en Italie et en Belgique.

"Si ce jugement écarte pour l'instant la liquidation immédiate de l'entreprise, il ouvre une grande période d'incertitude", s'est émue la CFDT dans un communiqué transmis à l'AFP.

"La direction et l'actionnaire devront prouver que Naf Naf peut continuer à fonctionner au moins temporairement, ce qui suppose d'approvisionner les magasins (...) et de trouver une nouvelle organisation logistique, le tout avec des marges de manœuvre financières très contraintes", s'est encore inquiété le syndicat.

Les magasins "vont être approvisionnés car il y a 800.000 articles en stock et la société écoule 140.000 articles par mois", a argumenté la direction devant le tribunal.

Mais même si ce plan de redressement aboutit, "une réorganisation drastique avec des fermetures de magasins et une nouvelle réduction du siège sont très probables", a jugé la CFDT. Sans compter le scénario catastrophe: "A l'inverse, si ces conditions ne sont pas remplies, se profilera une liquidation avec vente au plus offrant des magasins, des stocks et de la marque, avec un impact social désastreux".


EDF confirme une nouvelle usine d'ici 2028 pour l'après-charbon

Une photo montre la centrale à charbon EDF de Cordemais, dans l'ouest de la France, le 25 septembre 2024. (AFP)
Une photo montre la centrale à charbon EDF de Cordemais, dans l'ouest de la France, le 25 septembre 2024. (AFP)
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  • L'électricien français EDF a confirmé mercredi son projet de créer une usine de tuyauteries nucléaires d'ici à la "fin 2028" à Cordemais (Loire-Atlantique)
  • La décision de créer cette usine fait suite à l'annonce par EDF en septembre 2024 de l'abandon du projet Ecocombust qui visait à convertir la centrale à la biomasse

PARIS: L'électricien français EDF a confirmé mercredi son projet de créer une usine de tuyauteries nucléaires d'ici à la "fin 2028" à Cordemais (Loire-Atlantique), après la fermeture des deux dernières unités de sa centrale à charbon.

Framatome, filiale du groupe EDF spécialisée dans l'équipement nucléaire, a entamé "les études en vue de la construction sur place d'une usine de tuyauteries nucléaires", qui "emploiera à terme jusqu'à 200 salariés", selon le communiqué du groupe.

EDF "confirme sa volonté de maintenir sur le site stratégique de Cordemais une activité industrielle", souligne-t-il.

La décision de créer cette usine fait suite à l'annonce par EDF en septembre 2024 de l'abandon du projet Ecocombust qui visait à convertir la centrale à la biomasse, "les conditions technico-économiques de réalisation du projet Ecocombust n'étant pas réunies".

La centrale thermique de Cordemais, la seule restant en France avec celle de Saint-Avold (Moselle), tournera la page du charbon à compter du 31 mars 2027 avec la fermeture des deux dernières unités, 4 et 5.

EDF souligne qu'elle "met ainsi fin à sa production d'électricité à partir de charbon en France conformément aux dispositions prévues par la loi énergie-climat" de 2019, le texte qui inscrit l'objectif de la France d'atteindre la neutralité carbone en 2050 pour lutter contre le réchauffement climatique.

Le groupe EDF assure qu'"il conduira avec responsabilité cette fermeture auprès de ses salariés qui seront accompagnés individuellement pour construire la suite de leur parcours professionnel".

La fédération syndicale de la branche de l'énergie, la FNME-CGT, a toutefois dénoncé mercredi "un choix irresponsable, un mépris total des territoires et des travailleurs".

"Aucune perspective sérieuse de reclassement en local n'est avancée. Ce sont des dizaines de travailleurs qui voient leur avenir brisé, des familles entières plongées dans l'incertitude, et un territoire fragilisé économiquement", déplore le syndicat.

La CGT critique en outre la décision d'EDF de "se priver d'un outil de production pilotable stratégique, au mépris des besoins de sécurité d'approvisionnement", estimant que "le Grand Ouest, déjà particulièrement vulnérable — avec un triste record de coupures d'électricité – verrait sa situation se détériorer encore davantage".

Dans un courrier adressé au Premier ministre François Bayrou mercredi, huit parlementaires de gauche élus en Loire-Atlantique ont dénoncé un "faux 'plan de conversion'" puisque la centrale n'est pas convertie en site de production d'énergie utilisant "des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone".

Ils demandent "la réouverture du dialogue avec les élus du territoire et organisations syndicales" à "la lumière des enjeux de décarbonation, d'électrification et de sécurité d'approvisionnement du Grand Ouest de la France".


L'économie française a débuté l'année faiblement, confirme l'Insee

Le ministre français de l'Economie et des Finances Eric Lombard visite le siège de l'entreprise de deep tech Wandercraft, qui développe des exosquelettes médicaux pour la marche, à Paris, le 13 mars 2025. (Photo par Thomas SAMSON / AFP)
Le ministre français de l'Economie et des Finances Eric Lombard visite le siège de l'entreprise de deep tech Wandercraft, qui développe des exosquelettes médicaux pour la marche, à Paris, le 13 mars 2025. (Photo par Thomas SAMSON / AFP)
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  • La France évite ainsi la récession, mais la croissance sera sans éclat en 2025.
  • Le gouvernement mise encore sur 0,7 % cette année, mais la Commission européenne a revu sa prévision à 0,6 %.

PARIS : Les résultats n'apportent pas de bonnes surprises : la croissance française a été faible au premier trimestre, avec une hausse du PIB de 0,1 %, après un recul équivalent au dernier trimestre 2024. 

La France évite ainsi la récession, mais la croissance sera sans éclat en 2025. Le gouvernement mise encore sur 0,7 % cette année, mais la Commission européenne a revu sa prévision à 0,6 %.

C'est un nouveau défi pour le gouvernement, qui doit faire 40 milliards d'euros d'efforts pour 2026, et contenter les partis politiques pour éviter une nouvelle censure.

La Commission européenne prévoit que la France sera au dernier rang de la zone euro avec un déficit public de 5,6 % à 5,7 % du PIB en 2025 et 2026, alors que le gouvernement espère encore réaliser 5,4 % et 4,6 %, et revenir sous 3 % en 2029. La croissance du premier trimestre est inquiétante.

- Évacuer les stocks -

Elle est marquée par un recul de la consommation des ménages, après une hausse, notamment en raison de la chute des achats d'automobiles. L'investissement total reste stable. Ainsi, la demande intérieure hors stocks contribue négativement à la croissance du PIB ce trimestre.

De même pour le commerce extérieur, marqué par un recul des exportations et une nouvelle augmentation des importations. Ce sont donc les stocks qui tirent la croissance.

Les stocks représentent les biens produits mais pas encore vendus.
Une hausse des stocks peut signifier qu'on fabrique en prévision d'une hausse de la demande. Mais plutôt, ici, que les produits fabriqués n'ont pas trouvé preneur.

Charlotte de Montpellier, économiste chez ING, souligne le risque qu'il faille à présent « arrêter de produire pour évacuer ces stocks » et « n'exclut pas un prochain trimestre de croissance négative ».

Pour elle, on est ainsi « dans une phase proche de la stagnation, et qui va durer », et au total « une année 2025 beaucoup plus difficile que 2024 ». Elle anticipe une croissance de 0,4 %. 

« Court de moteur »

Les économistes de BNP Paribas Stéphane Colliac et Guillaume Derrien constatent une demande qui se raffermit en zone euro. Une amélioration qui vient « principalement d'Allemagne » où la croissance du premier trimestre a été révisée à la hausse à 0,4 %.

Pourtant, le pouvoir d'achat des ménages augmente. Au premier trimestre, le pouvoir d'achat a augmenté de 0,1 % et le RDB de 0,8 %. Cela se traduit par un regain de consommation, d'autant que l'inflation a vertigineusement chuté et que le taux d'épargne est élevé. Au contraire, le taux d'épargne est remonté à 18,8 % du revenu disponible, après 18,5 %.
« La prudence » règne chez les Français. La morosité ambiante se traduit enfin par une baisse du taux de marge des entreprises, à 31,8 %.