PARIS: La tension entre Paris et Tel Aviv est montée d’un cran ces derniers jours, le gouvernement israélien ne voyant pas d’un bon œil, l’évolution de la position française vers une reconnaissance d’un État palestinien.
Alors que le conflit à Gaza continue de provoquer des drames humanitaires et d’enflammer la scène internationale, la France semble de plus en plus tentée de franchir un cap diplomatique vers la reconnaissance officielle d’un État palestinien.
D’autre part, cette reconnaissance est l’un des principaux sujets qui seront au menu de la conférence internationale présidée par la France et l’Arabie Saoudite à New York, le 18 juin.
Cette perspective suscite une réaction virulente du gouvernement israélien et cristallise des tensions croissantes entre Paris et Tel Aviv.
L’objectif affiché par Paris est d’éviter qu’une reconnaissance, aussi légitime soit-elle sur le plan politique, ne soit instrumentalisée par les factions les plus radicales ou ne sape les perspectives de paix durable.
À la suite d’une réunion de préparation tenue récemment à New York, la diplomatie française a indiqué que la conférence pourrait être l’occasion d’annoncer une décision symboliquement puissante, bien que toujours conditionnée à plusieurs garanties.
Le président français Emmanuel Macron qui ne cache plus son intérêt croissant pour une telle reconnaissance, qu’il qualifie de « devoir moral » mais aussi d’ « exigence politique », reste toutefois prudent, « Cela ne peut se faire que sous certaines conditions », martèle-t-il depuis plusieurs semaines.
Parmi ces conditions: la libération des otages encore détenus par le Hamas, l’exclusion du mouvement de la gouvernance d’un éventuel État palestinien, ainsi que la reconnaissance claire d’Israël et de son droit à vivre en sécurité.
Dans cette optique, la diplomatie française s’emploie à obtenir des assurances de la part des acteurs palestiniens et des pays arabes alliés.
Lors du forum de défense Shangri-La Dialogue à Singapour, le président français a mis en garde contre le « deux poids deux mesures » des puissances occidentales.
L’objectif affiché par Paris est d’éviter qu’une reconnaissance, aussi légitime soit-elle sur le plan politique, ne soit instrumentalisée par les factions les plus radicales ou ne sape les perspectives de paix durable.
C’est depuis l’Asie du Sud-Est, où il effectuait une tournée diplomatique fin mai, qu’Emmanuel Macron a haussé le ton.
Lors du forum de défense Shangri-La Dialogue à Singapour, le président français a mis en garde contre le « deux poids deux mesures » des puissances occidentales.
« Si les Occidentaux abandonnent Gaza et laissent faire Israël, ils perdront toute crédibilité auprès du reste du monde », a-t-il averti.
Le président a également fustigé les « pays révisionnistes » qui cherchent à imposer leur domination par la force, une critique à peine voilée à l’égard de certaines pratiques israéliennes dans les territoires occupés.
Ce langage direct et justifié, au regard du rejet persistant d’Israël de toute proposition de Trèves à Gaza, et de la poursuite de la destruction méthodique de l’enclave sans se soucier des victimes, a suscité l’ire de Tel Aviv.
Le ministère israélien de la défense Israël Katz a réagi avec une rare virulence, accusant Macron d’être « en croisade contre l’État juif ».
Il l’a également accusé de vouloir « récompenser les terroristes djihadistes » en reconnaissant un État palestinien.
« Il ne fait aucun doute que sa fête nationale sera désormais le 7 octobre », a-t-il même lancé dans un communiqué incendiaire, en référence à l’attaque du Hamas en octobre 2023.
Sur le même ton belliqueux, repris d’ailleurs par des figures politiques israéliennes, Katz qui a qualifié la reconnaissance d’un État palestinien de « déclaration de papier » vouée à finir « dans la poubelle de l’histoire ».
Il a affirmé que l’État hébreu continuerait de bâtir « sur le terrain », en allusion à une intensification de la colonisation.
D’ailleurs, ces propos surviennent à la suite de l’annonce par le gouvernement israélien d’un projet majeur d’expansion des implantations israéliennes en Cisjordanie.
Cette escalade coïncide avec une sorte de retournement de l’opinion publique en France, où au bout de plus de 19 mois d’opérations sanglantes à Gaza, le soutien à une reconnaissance de la Palestine gagne du terrain.
Selon un sondage Odoxa pour Public Sénat, 63 % des Français se disent favorables à cette initiative.
Sur les mesures concrètes évoquées, 75 % des sondés soutiennent l’arrêt de la livraison d’armes à Israël, 62 % souhaitent suspendre l’accord d’association entre l’UE et Israël, et 58 % se prononcent en faveur d’un embargo sur les produits israéliens.
En adoptant des positions de plus en plus critiques contre Israël, Macron semble vouloir repositionner la diplomatie française sur une ligne plus équilibrée au risque d’entrer en collision avec les orientations du gouvernement israélien.
La France n’est pas isolée dans cette démarche, L’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont d’ores et déjà reconnu l’État palestinien.
Cependant, une reconnaissance française de l’Etat palestinien est particulièrement irritante pour Israël, d’autant plus que la plus grande communauté juive d’Europe est française et compte environ 600 milles personnes.
S’il est vrai qu’elles n’ont pas radicalement changé la donne sur le terrain, mais ces reconnaissances ont redonné une visibilité à la solution à deux États, longtemps reléguée au second plan.
Emmanuel Macron, souvent critiqué pour son approche prudente sur ce dossier, semble vouloir s’inscrire dans cette dynamique européenne, mais en gardant un levier diplomatique et affirme qu’il reconnaîtra la Palestine « lorsque ce sera utile », dans l’espoir de relancer un processus politique crédible.
La date du 18 juin, fixée pour la conférence internationale, pourrait marquer un tournant, ce jour-là, Macron pourrait prendre la parole depuis le siège des Nations unies pour annoncer la reconnaissance française de la Palestine, dans le cadre d’une démarche collective.
Mais cette décision reste suspendue à de nombreuses inconnues, dont en premier lieu la position des États-Unis, la dynamique interne de l’Union européenne, et l’évolution de la situation humanitaire à Gaza.
En adoptant des positions de plus en plus critiques contre Israël, Macron semble vouloir repositionner la diplomatie française sur une ligne plus équilibrée au risque d’entrer en collision avec les orientations du gouvernement israélien.