Le jeu dangereux de l'homme fort du Bélarus, intermédiaire entre Poutine et Prigojine

Le dirigeant bélarusse Alexandre Loukachenko semble avoir remporté une victoire de prestige en négociant l'accord entre Vladimir Poutine et Evguéni Prigojine pour stopper l'offensive sur Moscou (Photo, AFP).
Le dirigeant bélarusse Alexandre Loukachenko semble avoir remporté une victoire de prestige en négociant l'accord entre Vladimir Poutine et Evguéni Prigojine pour stopper l'offensive sur Moscou (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 26 juin 2023

Le jeu dangereux de l'homme fort du Bélarus, intermédiaire entre Poutine et Prigojine

  • Le chef de l'Etat a indiqué qu'il avait passé la journée à négocier avec Prigojine obtenant que le patron de Wagner stoppe son avance sur Moscou
  • Loukachenko, 68 ans, est également confronté à des questions lancinantes sur sa santé, après être apparu bien mal en point

MOSCOU: Le dirigeant bélarusse Alexandre Loukachenko semble avoir remporté une victoire de prestige en négociant l'accord entre Vladimir Poutine et Evguéni Prigojine, mais il pourrait en regretter le prix en voyant arriver chez lui l'encombrant chef du groupe paramilitaire Wagner.

Dans une déclaration surprise samedi soir, le service de presse de Loukachenko a indiqué qu'il avait passé la journée à négocier avec Prigojine, avec l'aval du président russe, obtenant finalement que le patron de Wagner stoppe son avance sur Moscou.

L'accord représente un coup d'éclat pour Loukachenko, qui dirige son pays d'une main de fer depuis près de 30 ans et fait figure de paria en Occident, depuis les élections très contestées de 2020 et après son soutien à l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Le chef de l'Etat, 68 ans, est également confronté à des questions lancinantes sur sa santé, après être apparu bien mal en point lors des cérémonies de commémoration de la victoire sur l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, à Moscou le mois dernier. Avant de disparaître plusieurs jours.

Au terme de l'accord négocié, Prigojine doit vivre en exil au Bélarus, a annoncé le Kremlin, sans préciser s'il amènerait avec lui des membres de sa milice.

L'appel téléphonique où, selon la présidence bélarusse, Poutine a remercié Loukachenko, a dû sonner comme une douce musique aux oreilles de l'homme fort de Minsk.

Mais pour Katia Glod, de l'European Leadership Network à Londres, Loukachenko a surtout hérité d'une patate chaude. "Je ne pense pas que ce soit la volonté de Loukachenko. Je pense qu'il a été utilisé par le Kremlin", a-t-elle déclaré à l'AFP.

Loukachenko «acculé»
Sa présence au Bélarus posera "de multiples risques", ajoute-t-elle, dans un pays où la loyauté des forces de sécurité est d'une importance capitale après les élections de 2020, qui avaient déclenché un mouvement de manifestations et une brutale répression. "Le seul avantage que pourrait tirer le dirigeant bélarusse serait d'utiliser les hommes de Prigojine comme une armée personnelle contre une éventuelle révolte".

L'idée que le chef du groupe de mercenaires le plus connu du monde s'installe au Bélarus n'enchante d'ailleurs pas ses voisins.

Le président lituanien Gitanas Nauseda, dont le pays accueille le sommet de l'OTAN le mois prochain, a averti que l'alliance devrait renforcer ses frontières orientales "si Prigojine ou une partie du groupe Wagner se retrouvent au Bélarus avec des plans et des intentions peu clairs".

Depuis 2020, Loukachenko est de plus en plus dépendant du Kremlin pour sa survie politique, apparaissant comme le vassal de Poutine. Et dans ce que l'opposition considère comme un coup majeur porté à la souveraineté du Bélarus, il héberge désormais des armes nucléaires tactiques russes.

"Placer des armes nucléaires sur le territoire bélarusse signifie l'annexion au ralenti du Bélarus par la Russie", relève William Alberque, de l'Institut international d'études stratégiques (IISS). "Je pense que Loukachenko se sent déjà acculé. Évidemment, si Poutine lui dit 'fais-moi une faveur', il le fera dans l'espoir d'obtenir un effet de levier".

Pour l'opposition bélarusse, dont la dirigeante Svetlana Tikhanovskaïa s'est exilée au lendemain d'élections qu'elle dit avoir remportées, la dépendance de Loukachenko vis-à-vis de la Russie rend sa décision dangereuse.

«Pari risqué»
"Prigojine n'est pas un cadeau pour Loukachenko car Poutine, l'autocrate, ne pardonnera jamais l'humiliation qu'il a subie", affirme l'ex-ministre bélarusse de la Culture Pavel Latushko, désormais dans l'opposition.

"C'est une petite victoire tactique, artificielle et superficielle pour Loukachenko qui pourrait se transformer en un problème stratégique", a-t-il ajouté sur la chaîne d'opposition polonaise Telegram Nexta.

La répression interne s'est intensifiée, avec quelque 1.500 prisonniers politiques, selon le groupe de défense des droits humains Viasna.

Selon Katia Glod, le règne de Loukachenko repose sur deux piliers : la violence et le soutien de la Russie. Or "il est clairement inquiet maintenant, car le Kremlin n'est pas aussi fort qu'il semblait l'être", souligne-t-elle.

Hanna Liubakova, de l'Atlantic Council, relève pour sa part que la position de Loukachenko pourrait être renforcée par sa médiation. Mais "à plus long terme, son régime en subira les répercussions".

Car s'il a fait preuve d'une "loyauté inébranlable" envers le Kremlin, il a fait un "pari risqué" sur la victoire rapide de la Russie en Ukraine. "Avec l'affaiblissement de l'autorité de Poutine, le régime de Minsk pourrait se retrouver avec un soutien et un appui réduits de la Russie".


Passe d'armes entre Israël et l'ONU sur l'aide à Gaza

Un jeune Palestinien déplacé réagit en portant un sac d'aide alimentaire sur ses épaules après que des personnes aient pris d'assaut un entrepôt du Programme alimentaire mondial à Deir el-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 28 mai 2025. (AFP)
Un jeune Palestinien déplacé réagit en portant un sac d'aide alimentaire sur ses épaules après que des personnes aient pris d'assaut un entrepôt du Programme alimentaire mondial à Deir el-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 28 mai 2025. (AFP)
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  • Israël a accusé mercredi les Nations unies de tenter de "bloquer" la distribution de l'aide à Gaza, tandis que l'ONU assurait faire tout son possible pour récupérer les volumes limités autorisés par les autorités israéliennes

Nations unies, États-Unis: Israël a accusé mercredi les Nations unies de tenter de "bloquer" la distribution de l'aide à Gaza, tandis que l'ONU assurait faire tout son possible pour récupérer les volumes limités autorisés par les autorités israéliennes.

"Alors que l'ONU répand la panique et fait des déclarations détachées de la réalité, l'Etat d'Israël facilite de façon continue l'entrée de l'aide à Gaza via deux méthodes", qui vont continuer "de façon simultanée" à ce stade, a déclaré l'ambassadeur israélien à l'ONU Danny Danon devant le Conseil de sécurité.

Une référence à l'autorisation limitée d'entrée de camions de l'ONU via le point de passage de Kerem Shalom depuis le début de la semaine dernière après plus de deux mois de blocage, et à la nouvelle Fondation humanitaire de Gaza (GHF).

Cette société privée créée avec le soutien d'Israël et des Etats-Unis a mis en place un système que l'ONU juge contraire aux principes humanitaires, et une distribution chaotique dans l'un de ses centres a fait 47 blessés mardi.

L'ambassadeur israélien a attribué la responsabilité de ce chaos au Hamas, l'accusant d'avoir tenté de "bloquer" l'accès au centre de distribution avec des "barrages routiers".

Et "l'ONU a maintenant activement rejoint le Hamas pour tenter de bloquer cette aide", a-t-il affirmé. "L'ONU utilise les menaces, l'intimidation et les représailles contre les ONG qui ont choisi de participer au nouveau mécanisme humanitaire", a-t-il ajouté, qualifiant les Nations unies de "mafieuses".

Il a précisément accusé l'ONU d'avoir retiré ces ONG d'une base de données répertoriant les organisations travaillant à Gaza, accusation rejetée par les Nations unies.

"Il n'y a aucune différence entre la liste actuelle et celle d'avant le lancement de la GHF", a assuré à l'AFP Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU.

Il avait un peu plus tôt répété le refus des Nations unies de travailler avec la nouvelle fondation. "Nous ne renoncerons pas à nos principes. Nous ne participerons pas à des opérations qui ne respectent pas nos principes humanitaires", a-t-il insisté devant la presse.

Il a également assuré que l'ONU faisait tout son possible pour récupérer l'aide arrivée via Kerem Shalom.

"Depuis la semaine dernière, environ 900 camions ont été soumis à l'accord d'Israël, 800 ont été approuvés mais seulement 500 ont pu être déchargés côté israélien de Kerem Shalom et encore moins ont pu passer côté palestinien, où nous et nos partenaires avons pu collecter un peu plus de 200 d'entre eux, freinés par l'insécurité et un accès restreint", a déclaré Stéphane Dujarric.

"Si nous ne pouvons pas collecter ces biens, je peux vous dire une chose, ce n'est pas parce que nous n'essayons pas", a-t-il martelé.

Une réponse à Danny Danon qui a dit que 400 camions attendaient du côté palestinien de Kerem Shalom et qu'Israël avait proposé des "routes sûres" dans Gaza.

"Mais l'ONU a échoué à les récupérer", a-t-il dénoncé devant la presse. "Mettez votre ego de côté, récupérez l'aide et faites votre travail", a-t-il lancé.


Von der Leyen qualifie «d'odieux» le bombardement israélien d'une école

Dans le nord de la bande de Gaza, cible de nouveaux bombardements israéliens, 33 Palestiniens, des enfants en majorité, ont été tués à l'école Fahmi Al-Jarjaoui de Gaza-ville, et 19 dans une frappe sur une maison de Jabalia, selon la Défense civile locale. (AFP)
Dans le nord de la bande de Gaza, cible de nouveaux bombardements israéliens, 33 Palestiniens, des enfants en majorité, ont été tués à l'école Fahmi Al-Jarjaoui de Gaza-ville, et 19 dans une frappe sur une maison de Jabalia, selon la Défense civile locale. (AFP)
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  • "L'intensification des opérations militaires d'Israël à Gaza, visant des infrastructures civiles - dont une école servant de refuge à des familles palestiniennes déplacées - et provoquant la mort de civils, y compris des enfants, est odieuse"
  • "Cette escalade et ce recours disproportionné à la force contre des civils ne peuvent être justifiés au regard du droit humanitaire et international", a-t-elle ajouté

BRUXELLES: La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a qualifié mardi d'"odieux" le bombardement israélien d'une école à Gaza et de sites abritant des civils, lors d'un appel avec le roi de Jordanie.

"L'intensification des opérations militaires d'Israël à Gaza, visant des infrastructures civiles - dont une école servant de refuge à des familles palestiniennes déplacées - et provoquant la mort de civils, y compris des enfants, est odieuse", a-t-elle affirmé, citée dans un communiqué.

"Cette escalade et ce recours disproportionné à la force contre des civils ne peuvent être justifiés au regard du droit humanitaire et international", a-t-elle ajouté, rappelant que l'Union européenne "avait toujours soutenu, et continuera à soutenir, le droit d'Israël à se défendre".

Israël doit "immédiatement" rétablir l'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza, a encore dit Mme von der Leyen, appelant également le gouvernement israélien à mettre un "terme immédiat à l'escalade en cours".

L'Union européenne a décidé de revoir son accord d'association avec Israël à la lumière des derniers événements à Gaza, avait annoncé la semaine dernière la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas.

Dans le nord de la bande de Gaza, cible de nouveaux bombardements israéliens, 33 Palestiniens, des enfants en majorité, ont été tués à l'école Fahmi Al-Jarjaoui de Gaza-ville, et 19 dans une frappe sur une maison de Jabalia, selon la Défense civile locale.

L'armée israélienne a dit de son côté avoir visé dans la zone de l'école "des terroristes".

 


Voiture-bélier à Liverpool: 4 personnes toujours dans un état grave

Quatre enfants figurent parmi les blessés, dont l'un est dans un état grave, selon le dernier bilan des services ambulanciers. (AFP)
Quatre enfants figurent parmi les blessés, dont l'un est dans un état grave, selon le dernier bilan des services ambulanciers. (AFP)
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  • "Horreur" est le mot qui s'étale mardi en Une des quotidiens britanniques
  • Toutes affichent en grand des photos des blessés évacués portant l'écharpe rouge du club de la ville et les images effroyables saisies par des témoins du véhicule sombre qui a percuté la foule

LIVERPOOL: Quatre personnes sont toujours hospitalisées dans un état grave mardi après qu'une voiture a foncé sur la foule qui célébrait la victoire du club de foot de Liverpool en première division anglaise lundi soir, faisant près de 50 blessés au total.

"Il y a encore quatre personnes qui sont hospitalisées dans un état grave et nous espérons qu'elles s'en sortent très, très rapidement", a déclaré mardi Steve Rotheram, le maire de la région de Liverpool (nord), au lendemain de ce drame, que la police ne considère pas comme terroriste.

Quatre enfants figurent parmi les blessés, dont l'un est dans un état grave, selon le dernier bilan des services ambulanciers.

"Horreur" est le mot qui s'étale mardi en Une des quotidiens britanniques. Toutes affichent en grand des photos des blessés évacués portant l'écharpe rouge du club de la ville et les images effroyables saisies par des témoins du véhicule sombre qui a percuté la foule.

Son conducteur, un Britannique de 53 ans, a été arrêté.

Les termes employés sont souvent les mêmes pour résumer le sentiment général: "Horreur quand une voiture percute des supporters" titre le tabloïd The Sun, "Horreur à la parade de Liverpool" pour le Times, "L'euphorie puis l'horreur" pour le Daily Mirror, "Carnage à la parade" pour le Daily Mail, "La gloire de Liverpool tourne à l'horreur" pour le Telegraph...

Le journal local, le Liverpool Echo, reprend le bilan de la soirée: "Au moins 47 blessés blessés dans l'horreur de la parade des Reds", le surnom des joueurs du club.

"Extremement rapide" 

Malgré une pluie battante, des centaines de milliers de personnes, beaucoup en famille, s'étaient rassemblées lundi pour célébrer le triomphe de Liverpool FC en Premier League.

Les joueurs du club, dont les stars Mohamed Salah et Virgil van Dijk, ont défilé dans un bus à impériale pendant environ quatre heures, ralenti par la foule festive.

Tout a basculé vers 18H00 locales (17H00 GMT), alors que la parade, s'étendant sur 16 kilomètres, touchait à sa fin.

Des images circulant sur les réseaux sociaux montrent une voiture sombre entourée d'une foule de gens, dont certains tapent sur l'habitacle, qui fait marche arrière puis fonce dans le public. On y voit des gens projetés sur les côtés et sur le capot du véhicule, puis des dizaines de personnes s'en prendre à la voiture, probablement pour la stopper ou arrêter le conducteur.

La police a rapidement précisé avoir arrêté "un homme blanc britannique de 53 ans de la région de Liverpool".

"Nous pensons qu'il s'agit d'un incident isolé, et nous ne cherchons actuellement personne d'autre. L'incident n'est pas traité comme un acte de terrorisme", a déclaré  Jenny Sims, la cheffe de la police du Merseyside, lors d'une conférence de presse tard dans la nuit.

Elle a appelé le public à "ne pas faire de spéculation ou répandre de la désinformation sur les réseaux sociaux".

Un témoin cité par l'agence britannique PA a dit avoir vu la voiture, "extrêmement rapide", percuter la foule puis "des gens allongés par terre, des gens inconscients". "C'était horrible. Tellement horrible", a dit ce témoin, Harry Rashid, 48 ans, à la parade avec ses deux filles et son épouse.

"J'ai réussi à attraper ma fille qui était avec moi et à me jeter sur le côté", a raconté Matt Cole, un journaliste de la BBC présent avec sa famille,

"Célébrer ses héros" 

"Les scènes qui se sont déroulées à Liverpool sont épouvantables", a réagi le Premier ministre Keir Starmer dans un communiqué, assurant la ville de la solidarité du "pays tout entier".

L'émotion est vive dans le monde du football, plusieurs clubs rivaux de Liverpool, comme Manchester United, Manchester City ou Everton, adressant leurs "pensées" aux victimes, le président de la Fifa Gianni Infantino faisant part lui aussi de ses "pensées et prières à tous ceux qui ont été affectés".

Il n'y avait pas eu de parade lors de la dernière victoire du club, en 2020, en raison du Covid-19. C'était la première fois en 35 ans que les fans pouvaient célébrer ensemble un titre de Premier League.

Les supporters de foot à Liverpool ont déjà connu un drame, qui continue de marquer la ville portuaire.

En 1989, 97 supporters du club étaient morts dans une bousculade lors d'un match dans le stade de Hillsborough à Sheffield. Plus de 760 personnes ont également été blessées dans cette catastrophe, la plus meurtrière de l'histoire du sport britannique.