Irak: une école de cinéma créée à Mossoul en partenariat avec un théâtre belge

Théâtre de Gand. (Photo, www.ntgent.be)
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Publié le Vendredi 17 septembre 2021

Irak: une école de cinéma créée à Mossoul en partenariat avec un théâtre belge

  • Il s'agit de permettre à vingt étudiants irakiens de suivre à partir de l'automne un cursus de quatre mois qui leur apprendra le processus menant «d'une idée à un film abouti»
  • Plusieurs comédiens et professionnels belges du cinéma participeront au cursus de formation

BRUXELLES: Un département Cinéma va voir le jour à l'école des Beaux-Arts de Mossoul, en partenariat avec le théâtre de Gand (Belgique), dans le cadre de la reconstruction de la ville irakienne financée par l'Unesco, ont annoncé vendredi les deux institutions partenaires.

Il s'agit de permettre à vingt étudiants irakiens de suivre à partir de l'automne un cursus de quatre mois qui leur apprendra le processus menant "d'une idée à un film abouti", ont-elles indiqué dans un communiqué.

Le projet est appuyé par le metteur en scène suisse Milo Rau, directeur artistique du théâtre de Gand (NTGent), une des grandes scènes européennes d'art dramatique. Milo Rau s'est déjà rendu plusieurs fois depuis 2016 dans le nord irakien dévasté par la guerre pour y travailler.

La ville de Mossoul est un ex-fief du groupe Etat islamique, libérée en 2017, mais qui est en grande partie en ruines.

En 2019, dans sa pièce "Oreste à Mossoul", Milo Rau a transposé la tragédie grecque d'Eschyle dans un récit confrontant les Irakiens aux questions de l'homosexualité et de la misogynie. La pièce impliquant des acteurs locaux a été jouée au centre culturel de Mossoul.

"Aider à créer un département Cinéma à Mossoul pourrait paraître exceptionnel pour un scène de théâtre européenne", mais "c'est le prolongement logique d'une collaboration qui dure depuis des années" et va se poursuivre, a affirmé le metteur de scène, cité dans le communiqué.

Plusieurs comédiens et professionnels belges du cinéma participeront au cursus de formation. Le premier des quatre séjours programmés sur place est prévu en octobre.

Cette "collaboration structurelle" qui démarre entre les deux institutions belge et irakienne s'inscrit dans le cadre d'un vaste projet de l'Unesco ("Revive the Spirit of Mosul") qui porte aussi sur la reconstruction d'églises et de mosquées. L'organisme de l'Onu établi à Paris a lancé cette initiative en 2018.


«Dabadabada» et puis s'en va: Nicole Croisille, voix de la chanson française, est décédée

"Sa voix, si singulière, a été le souffle de mes films, la musique de mes émotions.
 Ensemble, nous avons créé des instants d'éternité. Son timbre unique donnait vie aux images, transformant chaque séquence en un moment de grâce", a salué Claude Lelouch sur Instagram. (AFP)
"Sa voix, si singulière, a été le souffle de mes films, la musique de mes émotions.
 Ensemble, nous avons créé des instants d'éternité. Son timbre unique donnait vie aux images, transformant chaque séquence en un moment de grâce", a salué Claude Lelouch sur Instagram. (AFP)
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  • Elue "plus belle de voix de 1975", elle incarnait les chanteuses dites à voix, dans un registre à contre-courant de la vague yéyé mais qui deviendra à la mode deux décennies plus tard avec ses cadettes Patricia Kaas ou Lara Fabian
  • "Je n'ai chanté que des chansons d'amour et je sais ce que j'ai apporté aux gens"

PARIS: La chanteuse, danseuse et comédienne Nicole Croisille est décédée dans la nuit de mardi à mercredi à 88 ans, laissant son empreinte dans la mémoire populaire avec des tubes mais surtout l'entêtant "dabadabada" du film "Un homme et une femme".

Elue "plus belle de voix de 1975", elle incarnait les chanteuses dites à voix, dans un registre à contre-courant de la vague yéyé mais qui deviendra à la mode deux décennies plus tard avec ses cadettes Patricia Kaas ou Lara Fabian.

"Je n'ai chanté que des chansons d'amour et je sais ce que j'ai apporté aux gens", avait confié, en 2017 à Paris Match, cette célibataire convaincue, sans mari ni enfant.

Ses succès en chansons ont émaillé les années 1970 comme "Parlez-moi de lui" (1973), "Une femme avec toi" (1975) ou encore "Téléphone-moi" (1975).

Au total, une vingtaine d'albums studio sont à mettre son actif.

Sa rencontre avec le cinéaste Claude Lelouch et le compositeur Francis Lai en 1966 est décisive. La musique du film "Un homme et une femme", interprétée par Pierre Barouh et Nicole Croisille, devient culte pour son onomatopée entêtante et chaloupée, transformée au fil du temps en "chabada-bada".

Cet air va abonner Nicole Croisille aux génériques du réalisateur ("Vivre pour vivre", "Les uns et les autres", "Itinéraire d'un enfant gâté", "Il y a des jours et des lunes").

"Sa voix, si singulière, a été le souffle de mes films, la musique de mes émotions.
 Ensemble, nous avons créé des instants d'éternité. Son timbre unique donnait vie aux images, transformant chaque séquence en un moment de grâce", a salué Claude Lelouch sur Instagram.

"Sa présence, sa sensibilité, son immense talent ont profondément marqué ma vie. 
Nicole était une muse, une amie, une complice. Aujourd'hui, je perds bien plus qu'une voix. 
Elle a été la voix de ma vie", a-t-il assuré.

Passion jazz 

Née le 9 octobre 1936 à Neuilly-sur-Seine, Nicole Croisille a entamé sa carrière artistique comme danseuse, d'abord au sein du ballet de la Comédie-Française qu'elle intègre à 17 ans. Trois ans plus tard, elle décroche le premier rôle dans "L'Apprenti fakir", une comédie musicale de Jean Marais.

Artiste complète, elle appris à jouer à la Comédie-Française avec le sociétaire Jean Hervé, le mime avec Marcel Marceau, le chant à l'Opéra et la danse dans le cours où sa mère jouait au piano avant de devenir habilleuse chez les Barrault et aux Folies Bergères.

A ses débuts, c'est le jazz qui emporte la jeune Croisille: elle intègre, en 1958, la troupe de Joséphine Baker, qui a contribué à l'éclosion de ce courant musical à Paris, puis le touche du doigt aux Etats-Unis, en tournée avec Marcel Marceau.

Son premier 45 tours, en 1961, est d'ailleurs une adaptation de Ray Charles.

Avec le "Blues du businessman" - le tube de Starmania qu'elle adapte pour "Itinéraire d'un enfant gâté" -, elle signe son dernier grand succès populaire en 1985, avant de retourner à ses premières amours avec des titres jazz ou bossa nova ("Jazzille", 1987, "Black et Blanche", 1991, "Bossa d'hiver", 2008).

Sur sa fin de carrière, cette bosseuse adepte du twist était remontée sur les planches, cette fois comme comédienne dans les théâtres parisiens.

En 1992, elle avait réalisé "son rêve" en incarnant le rôle-titre de "Hello, Dolly!", comédie musicale américaine.

Après un rôle de "vieille dame dévergondée" - selon ses propres mots - dans "Hard", pièce loufoque sur l'industrie du porno, elle avait campé en 2019 une ex-maîtresse d'un riche antiquaire dans la comédie grinçante de Sacha Guitry "N'écoutez pas, Mesdames!", aux côtés de Michel Sardou.

"Je m'amuse comme une petite folle! A mon âge, je n'aime que les gageures!", avait-elle confié à l'AFP juste avant ses 83 ans.

 


Djeddah : Un atelier de thérapie par le théâtre explore le pouvoir réparateur de l'expression

La psychologue Lujain Faqerah et l'acteur Abdul Al-Shareef, au centre, avec les participants à l'atelier de thérapie par le théâtre à Djeddah. (Photo Fournie)
La psychologue Lujain Faqerah et l'acteur Abdul Al-Shareef, au centre, avec les participants à l'atelier de thérapie par le théâtre à Djeddah. (Photo Fournie)
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  • Faqerah a déclaré à Arab News : « Le théâtre s'intègre naturellement dans nos réactions et situations quotidiennes. »
  • Elle a clairement indiqué que la thérapie par le théâtre ne consiste pas à jouer, mais à exprimer ce qui se cache derrière  les émotions, les souvenirs ou les conflits internes.

DJEDDAH : un atelier de thérapie par le théâtre a récemment été organisé sur le thème « Dans le théâtre, nous trouvons le pouvoir d'exprimer, et dans l'expression, nous trouvons le pouvoir de guérir », au cinéma Al-Balad.

Dirigé par Lujain Faqerah, psychologue senior et superviseure en arts créatifs, en collaboration avec l'acteur et scénariste Abdul Al-Shareef, cet atelier a exploré l'utilisation de la thérapie par le théâtre dans la vie quotidienne et le travail créatif.

Les participants, parmi lesquels figuraient des thérapeutes, des créatifs et d'autres professionnels, ont appris comment le théâtre peut favoriser la conscience émotionnelle, la guérison et la connexion.

L'atelier a montré comment les techniques thérapeutiques basées sur le théâtre peuvent aider les gens à accéder à des comportements inconscients, à favoriser l'expression de soi et à améliorer les pratiques créatives telles que l'écriture de scénarios et le jeu d'acteur. 

« Le théâtre s'intègre naturellement dans nos réactions et situations quotidiennes, a déclaré Faqerah à Arab News. Dans un cadre thérapeutique, il nous aide à observer ces interactions et à réfléchir à un niveau plus profond à nos gestes et mouvements inconscients qui peuvent en dire long sur notre personnalité. »

Elle a clairement indiqué que la thérapie par le théâtre ne consiste pas à jouer, mais à exprimer ce qui se cache derrière  les émotions, les souvenirs ou les conflits internes. Faqerah a déclaré : « Le mot « théâtre » a une connotation négative, à tel point que les gens le rejettent avant même d'essayer.

La thérapie par le théâtre ne dépend pas de vos talents d'acteur ou de votre expérience préalable, mais plutôt de votre capacité à vous exprimer et des défis que vous rencontrez. » 

Sa découverte de la thérapie par le théâtre a été transformatrice. « J'ai été surpris de voir apparaître une partie cachée de moi-même, plus audacieuse et plus confiante. Lorsque j'ai commencé à observer les avantages de cette partie de moi, j'ai décidé de l'intégrer à ma pratique professionnelle. »

Al-Shareef a apporté une perspective créative en tant qu'acteur et scénariste novice en thérapie par le théâtre, mais intéressé par ses techniques.

« En tant qu'acteur et écrivain, j'ai trouvé cette expérience de supervision et de thérapie par le théâtre fascinante. C'est un outil que je suis prêt à explorer et à approfondir pour améliorer ma vie et ma pratique », a-t-il déclaré.

« La thérapie par le théâtre n'est pas réservée qu'aux artistes. Les techniques peuvent être intégrées à la routine quotidienne de chacun, en tenant compte des défis spécifiques à chaque personne. » 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Au Caire, le grand écran de Zawya défend le cinéma indépendant

À contre-courant des multiplexes du Caire saturés de superproductions et de comédies locales, Zawya défend dans la capitale égyptienne un cinéma alternatif, tremplin pour les jeunes réalisateurs. (AFP)
À contre-courant des multiplexes du Caire saturés de superproductions et de comédies locales, Zawya défend dans la capitale égyptienne un cinéma alternatif, tremplin pour les jeunes réalisateurs. (AFP)
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  • Adossé à Misr International Films - la société fondée par le célébrissime réalisateur Youssef Chahine en 1972 -, Zawya bénéficie d’un financement pérenne, qui lui permet de tenir bon, dans un pays longtemps considéré comme l'"Hollywood du monde arabe"
  • "On dit souvent que l’Égypte a de la chance d’avoir une grande industrie cinématographique", explique Maged Nader, un réalisateur indépendant. "Mais la vérité est que cette industrie ne fonctionne que selon des logiques commerciales"

LE CAIRE: À contre-courant des multiplexes du Caire saturés de superproductions et de comédies locales, Zawya défend dans la capitale égyptienne un cinéma alternatif, tremplin pour les jeunes réalisateurs.

Né dans l’élan artistique qui a suivi la révolution de 2011 ayant renversé l’autocrate Hosni Moubarak, Zawya reste l’un des derniers bastions de la scène underground de cette époque. Ailleurs, elle recule face aux pelleteuses qui remodèlent le centre-ville.

Adossé à Misr International Films - la société fondée par le célébrissime réalisateur Youssef Chahine en 1972 -, Zawya bénéficie d’un financement pérenne, qui lui permet de tenir bon, dans un pays longtemps considéré comme l'"Hollywood du monde arabe".

"On dit souvent que l’Égypte a de la chance d’avoir une grande industrie cinématographique", explique Maged Nader, un réalisateur indépendant. "Mais la vérité est que cette industrie ne fonctionne que selon des logiques commerciales".

Alors, Zawya préfère les chemins de traverse.

"C’est un cinéma pour les films qui ne trouvent pas leur place dans les salles traditionnelles", résume son fondateur, Youssef Shazly, fils de la cinéaste Marianne Khoury et petit-neveu de M. Chahine.

Un écran pour devenir cinéaste 

Depuis 2014, la programmation annuelle, mêlant courts-métrages, documentaires, films internationaux et productions locales underground, a fidélisé une petite communauté passionnée.

"Ici, c’est comme notre maison", lance Lujain, une jeune comédienne de 24 ans, dans la longue file d’attente qui serpente devant le guichet. Les tarifs y sont fixes, 100 livres égyptiennes (environ 2 euros).

Ce soir, c’est "My Name is Dahab" qui est à l’affiche. Un court-métrage tourné au Kenya, où l’on suit un adolescent qui s’efforce d'honorer le dernier voeu de son petit frère emporté par la faim.

Le festival du court-métrage, organisé par Zawya chaque printemps, est aujourd’hui l’un des rares tremplins pour les cinéastes émergents, souvent écartés des circuits classiques.

"Je ne me pensais pas réalisateur jusqu’à ce que Zawya projette mon film sur grand écran", confie à l’AFP Michael Samuel, 24 ans, replié vers la publicité malgré son amour pour le cinéma.

Pour beaucoup, cette reconnaissance - de leurs pairs, mentors et du public - est essentielle. "Zawya a poussé davantage de personnes à réaliser leurs films, car il y avait enfin un endroit pour les projeter", souligne Mohamed Said, manager du lieu.

Le réalisateur autodidacte Mostafa Gerbeii, 26 ans, se souvient encore de son premier tournage. Il n’avait ni studio, ni moyens.

"Les équipes de Zawya ont été extrêmement généreuses et nous ont prêté leur salle gratuitement pour une journée entière" de tournage.

Le tarif aurait pu atteindre les 100.000 livres égyptiennes (environ 1.850 euros), "ils l'ont fait passer à zéro", sourit M. Gerbeii.

Censure 

Comme toutes les salles de cinéma en Égypte, Zawya doit toutefois composer avec la censure: une phrase trop audacieuse, une scène trop explicite, et le couperet tombe.

"Avec le temps, on apprend à deviner ce qui passera ou non", à négocier chaque plan pour qu’il puisse être vu, confie Youssef Shazly.

"Il y a tellement de talent autour de Zawya", dit-il. "Mais existe-t-il autant d’opportunités que de talents?"

Installé au 15 de la rue Emad-el-Din, Zawya perpétue dans tous les cas la riche tradition artistique développée autour de la place Tahrir.

"C’est un quartier particulier avec une saveur tout aussi particulière de vie artistique et intellectuelle", observe Chihab Al-Khachab, professeur à Oxford et auteur de l'essai "Making Film in Egypt".

Dès la fin du XIXe siècle, le centre-ville abritait les plus grands théâtres, cinémas et cabarets du pays, berceaux des grandes figures du cinéma et de la musique arabes.

Et tout au long du XXe siècle, écrivains, artistes et militants s’y sont retrouvés dans les bars, librairies ou cafés littéraires.