2023: L’année qui signe la phagocytose amorcée par le Hezbollah au Liban

Les combattants du mouvement chiite libanais Hezbollah font leurs adieux aux corps de trois de leurs camarades tués lors d'un raid israélien à Quneitra, dans le sud-ouest de la Syrie, le long du plateau du Golan, lors des funérailles dans la banlieue sud de Beyrouth, le 9 décembre 2023. (AFP)
Les combattants du mouvement chiite libanais Hezbollah font leurs adieux aux corps de trois de leurs camarades tués lors d'un raid israélien à Quneitra, dans le sud-ouest de la Syrie, le long du plateau du Golan, lors des funérailles dans la banlieue sud de Beyrouth, le 9 décembre 2023. (AFP)
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Publié le Vendredi 29 décembre 2023

2023: L’année qui signe la phagocytose amorcée par le Hezbollah au Liban

  • L’année 2023 n’était pas très différente de toutes celles qui se sont succédé depuis 2019, mais elle vient signer le contrôle sans ambiguïté du Hezbollah au Liban
  • Aujourd’hui, la décision de la guerre et de la paix lui revient également exclusivement, et de facto

BEYROUTH: Au Liban, sur le plan social, l’année 2023 n’était pas très différente de toutes celles qui se sont succédé depuis 2019 – année qui a amorcé la descente aux enfers de la livre libanaise et qui aujourd’hui vaut moins de 90% de son taux pré-2019. Il reste que celle-ci vient signer le contrôle sans ambiguïté du Hezbollah au Liban, autant sur le plan militaire que politique.

 

EN BREF

Ces dernières années, le Liban a été confronté à une myriade de défis, notamment des crises économiques, la corruption, la détérioration des infrastructures et l'explosion dévastatrice de Beyrouth en 2020, qui a mis en lumière l'incompétence et l'inefficacité du gouvernement. L'économie du pays est en chute libre, avec une inflation galopante, le chômage et l'effondrement de la monnaie, ce qui a exacerbé les troubles sociaux et le mécontentement généralisé de la population.

 

Faut-il le rappeler? Le Hezbollah est aujourd’hui la seule milice dont l’existence est officialisée par chaque nouveau gouvernement au Liban.

Car, en vertu de l'accord de Taëf de 1989, négocié par l'Arabie saoudite et la Syrie, et qui a mis fin à la guerre civile au Liban, le Hezbollah était la seule milice autorisée à conserver ses armes. L'Institut international d'études stratégiques a estimé en 2020 que la milice comptait jusqu'à vingt mille combattants actifs et quelque vingt mille réservistes, avec un arsenal d'armes légères, de chars, de drones et de diverses roquettes à longue portée. Un rapport de 2018 du Centre d'études stratégiques et internationales l'a qualifié d'«acteur non étatique le plus lourdement armé au monde».

Le groupe se targuait malgré tout, depuis quelques années, de vouloir passer du statut de milice à celui de groupe d’opposition. Une position transitoire, tactique? Toujours est-il que celle-ci a su emmener avec succès le Hezbollah là où il se trouve aujourd’hui: aux commandes, sur tous les plans, d’un pays qu’il a phagocyté de manière systématique en veillant à vider l’ensemble des institutions libanaises de leur substance, avec une minutie quasi chirurgicale. Lorsque les banques ont entamé leur naufrage, c’est le Hezbollah qui, dans l’ombre, était en train de réguler le taux de change livres libanaises-dollars. C’est aussi durant cette période que les «banques» du Hezb, de facto illégales, à travers le réseau Qard el-Hassan, avec ses guichets automatiques, ses branches régionales et sa politique particulière d’octroi de crédits personnels, sans aucun contrôle officiel et à l’écart du circuit financier local et international, ont vu le jour. 

Sans président de la république depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 23 octobre 2022, c’est encore le Hezbollah qui contrôle ce dossier en faisant croire un temps qu’il avait accepté un compromis. Puis en se ravisant le lendemain, imposant son candidat comme seul présidentiable alors qu’il sait que ce dernier ne sera jamais accepté par la majorité parlementaire. Le Hezbollah, avec le président de la Chambre et allié de toujours, Nabih Berri, a ainsi paralysé pendant quatorze mois le Parlement alors que c’est ce dernier qui procède à l’élection présidentielle. Une paralysie qui ne prendra pas fin de sitôt.

Le but, atteint, étant de se retrouver seul aux commandes d’un État «failli» au sens le plus strict du terme.

en bref

La définition d’«État failli» se fonde sur plusieurs critères: 

soit une situation de faillite financière dans laquelle un État n’est plus en mesure de régler les intérêts de sa dette, 

soit un État défaillant au sens où il ne parvient plus à assurer ses fonctions régaliennes.

 

Aujourd’hui, la décision de la guerre et de la paix lui revient également exclusivement, et de facto. À l’heure où le commandant en chef de l’armée voyait son mandat expirer et où les diverses parties tentaient en vain de le reconduire, il aura suffi que le Hezbollah «lève le petit doigt» pour rendre cela possible après des mois de tergiversations.

À la suite de l'assaut lancé en octobre dernier contre Israël par le Hamas, le groupe militant palestinien soutenu par l'Iran qui gouverne la bande de Gaza, le Hezbollah a tiré des obus sur la frontière israélo-libanaise en signe de ce que les dirigeants du groupe ont appelé la «solidarité» avec le Hamas, et plusieurs militants du Hezbollah auraient tenté de s'infiltrer en Israël.

Selon les experts, l'Iran et le Hezbollah ont probablement conseillé et formé le Hamas sur la manière d'attaquer Israël, bien que le Hamas maintienne que ni l'un ni l'autre n'ont participé à la planification de l'opération de 2023.

Il reste que le Hezbollah a fait d’emblée part de sa volonté de soutenir davantage le Hamas dans cette guerre, ce qui pourrait constituer un sérieux défi pour Israël et déclencher une nouvelle instabilité régionale. «Une explosion de violence à la frontière [israélo-libanaise] est susceptible de provoquer une conflagration et Israël devrait se battre sur deux fronts», écrit à ce propos Ray Takeyh, expert du Council on Foreign Relations (CFR). Des analystes tels que Bruce Hoffman, du CFR, notent en outre que l'invasion terrestre de Gaza par l'armée israélienne pourrait à terme pousser le Hezbollah à programmer une attaque majeure contre Israël, ce qui aurait un coût humain énorme étant donné que le groupe possède des capacités militaires nettement supérieures à celles du Hamas. Mais on ne sait pas jusqu'où ira le Hezbollah. Les experts estiment qu'il pourrait hésiter à s'engager trop profondément dans le conflit, au risque de compromettre sa position politique dans son pays.

Actuellement, le parti-milice se complaît dans l’espèce de limbe juridique qu’il s’est créé sur mesure au Liban. Une «zone grise» qui lui sied parfaitement, où il ne se trouve en confrontation avec aucune institution étatique. Toutes sont exsangues, à commencer par l’armée libanaise qui a désormais à peine de quoi payer ses troupes.

 

Qu’est-ce qu’une «zone grise»?

La zone grise est un espace de dérégulation sociale, de nature politique ou socio-économique, qui échappe au contrôle de l’État.

La zone grise se définit comme étant en deçà d’un double seuil: celui de l’agression et celui de l’attribution.

 

en bref

La théorie de la zone grise, mise en avant par Gaïdz Minassian, docteur en sciences politiques, enseignant à SciencesPo Paris et journaliste au journal Le Monde, prend tout son sens dans le Liban actuel. Elle illustre parfaitement les conséquences d’une phagocytose chirurgicalement menée depuis des années, dans un pays naturellement enclin aux divisions, et ce pour deux raisons principales: un tissu social désuni et une économie en faillite. 

Sources :
EYE ON HEZBOLLAH https://hezbollah.org/timeline
Council on Foreign Relations https://www.cfr.org/backgrounder/what-hezbollah
Cairn.info https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2020-3-page-29.htm 

 


Le ministre israélien de la Défense s'oppose à ce qu'Israël contrôle Gaza après la guerre

Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant. (AFP)
Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant. (AFP)
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  • «Je le répète clairement: je n'accepterai pas l'établissement d'une administration militaire israélienne dans Gaza, Israël ne doit pas avoir de contrôle civil sur la bande de Gaza»
  • Netanyahu avait plus tôt estimé vaine toute discussion sur l'avenir de la bande de Gaza avant que le Hamas soit anéanti

TEL-AVIV: Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, s'est opposé mercredi à ce qu'Israël exerce un "contrôle" militaire ou civil sur la bande de Gaza une fois la guerre terminée et appelé à une alternative palestinienne au Hamas pour gouverner le territoire palestinien.

"Je le répète clairement: je n'accepterai pas l'établissement d'une administration militaire israélienne dans Gaza, Israël ne doit pas avoir de contrôle civil sur la bande de Gaza", a déclaré M. Gallant lors d'un point de presse.

"J'appelle le Premier ministre Benjamin Netanyahu à (...) déclarer qu'Israël ne mettra pas en place un contrôle civil sur la bande de Gaza (...) pas en place une direction militaire dans la bande de Gaza et qu'une alternative gouvernementale au Hamas va être préparée immédiatement", a-t-il ajouté.

M. Netanyahu avait plus tôt estimé vaine toute discussion sur l'avenir de la bande de Gaza avant que le Hamas soit anéanti. "Les discours sur le +jour d'après+, tant que le Hamas n'est pas détruit, resteront de simples mots, des mots vides de contenu", a-t-il déclaré.

"La fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique", a répondu M. Gallant, alors qu'Israël mène depuis près de 10 jours des opérations au sol dans Rafah, à l'extrême-sud du territoire palestinien, pour y anéantir les derniers bataillons du mouvement islamiste palestinien.

Selon M. Gallant, "le +jour d'après le Hamas+ n'existera qu'avec des entités palestiniennes prenant le contrôle de Gaza, accompagnées par des acteurs internationaux, formant une alternative de gouvernement au régime du Hamas. C'est, par dessus tout, dans l'intérêt de l'Etat d'Israël".

"L'idée d'une direction militaire et civile dans Gaza" est "négative et dangereuse pour l'Etat d'Israël", a-t-il insisté.

Si cela devait arriver "l'administration militaire de Gaza deviendrait le principal effort militaire et sécuritaire de l'Etat d'Israël ces prochaines années (...). Le prix à payer serait un bain de sang et des victimes, ainsi qu'un lourd coût économique".

Volée de critiques

Selon lui, le "plan de bataille" présenté par l'appareil militaire après l'attaque sanglante menée le 7 octobre par le Hamas en Israël, prévoyait d'oeuvrer "simultanément" à la destruction militaire du Hamas et "à la mise en place d'une alternative gouvernementale palestinienne non hostile" à Israël.

"J'ai soulevé ce sujet de façon répétée au gouvernement et n'ai reçu aucune réponse", a déploré M. Gallant.

"La première condition pour préparer le terrain à une autre entité est de détruire le Hamas et le faire sans chercher des excuses", a réagi sur Telegram M. Netanyahu, semblant implicitement critiquer le bilan de son ministre.

"Le ministre de la Défense qui a échoué le 7 octobre et qui continue d’échouer encore aujourd’hui (...) doit être remplacé afin d’atteindre les objectifs de la guerre", a lui réagi le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, d'extrême droite.

"Le peuple israélien n’acceptera pas de remettre Gaza au contrôle de l’Autorité terroriste palestinienne" et sa sécurité "ne sera assurée que par la détermination à gagner" a pour sa part rétorqué le ministre de la Justice, Yariv Levin, membre du Likoud de M. Netanyahu.

M. Gallant a "annoncé aujourd'hui son soutien à la création d'un Etat terroriste palestinien", a fustigé Betzalel Smotrich, ministre des Finances d'extrême droite.

L'attaque du Hamas a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 36 considérées mortes, selon l'armée.

L'offensive israélienne déclenchée en riposte à Gaza a fait plus de 35.000 morts, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

 


Pour Erdogan, Israël s'en prendra à la Turquie si le Hamas est vaincu

Le président turc Recep Tayyip Erdogan (AP)
Le président turc Recep Tayyip Erdogan (AP)
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  • La Turquie, rare pays à majorité musulmane à reconnaître Israël, a récemment suspendu ses relations commerciales avec Israël
  • « Ne pensez pas qu'Israël s'arrêtera à Gaza», a lancé le chef de l'Etat aux députés de son parti, l'AKP, à Ankara

ISTANBUL: Le président turc Recep Tayyip Erdogan a soutenu mercredi qu'Israël s'en prendra à la Turquie "tôt ou tard" s'il parvient à défaire le Hamas dans la bande de Gaza.

"Ne pensez pas qu'Israël s'arrêtera à Gaza", a lancé le chef de l'Etat aux députés de son parti, l'AKP, à Ankara.

"Si on ne l'arrête pas, cet État voyou et terroriste jettera tôt ou tard son dévolu sur l'Anatolie", a-t-il jugé, faisant référence à la partie de la Turquie située en Asie mineure et qui représente la plus grande partie de son territoire.

La Turquie, rare pays à majorité musulmane à reconnaître Israël, a récemment suspendu ses relations commerciales avec Israël pour le "forcer à accepter un cessez-le-feu et à augmenter le volume d'aide humanitaire entrant" à Gaza.

Contrairement aux Etats-Unis, à Israël et à l'Union européenne qui considèrent le Hamas comme une organisation terroriste, Recep Tayyip Erdogan multiplie les déclarations de soutien au mouvement palestinien.

"Nous continuerons à soutenir le Hamas, qui lutte pour l'indépendance de son propre pays et qui défend l'Anatolie", a-t-il affirmé devant les députés de l'AKP.

Le 7 octobre, des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont mené une attaque contre Israël, faisant plus de 1.170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Plus de 250 personnes ont été enlevées ce jour-là et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l'armée.

En riposte, Israël a promis d'anéantir le Hamas, menant une vaste opération militaire dans la bande de Gaza, qui a fait plus de 35.000 morts, selon un nouveau bilan communiqué lundi par le ministère de la Santé du Hamas.

 

 


L'émir du Koweït demande au nouveau gouvernement de mener des réformes

L’émir du Koweït, le cheikh Mechaal al-Ahmed al-Jaber al-Sabah. (AFP)
L’émir du Koweït, le cheikh Mechaal al-Ahmed al-Jaber al-Sabah. (AFP)
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  • L’émir du Koweït, le cheikh Mechaal al-Ahmed al-Jaber al-Sabah, s’est entretenu mercredi avec le nouveau Premier ministre et son gouvernement
  • Le cheikh Mechaal a nommé le cheikh Ahmed Abdallah al-Ahmed al-Sabah au poste de Premier ministre en avril

RIYAD: L’émir du Koweït, le cheikh Mechaal al-Ahmed al-Jaber al-Sabah, s’est entretenu mercredi avec le nouveau Premier ministre et son gouvernement.

Selon l’agence de presse du Koweït, le cheikh Mechaal a déclaré: «Nous entamons une nouvelle phase de réformes, ce qui signifie que des mesures sérieuses doivent être prises.»

Il a ajouté que les ministres devraient «accélérer la mise en œuvre des projets de développement tant attendus, s’occuper des dossiers nécessaires et travailler sur les projets d’infrastructure, améliorer les soins de santé et le système éducatif et veiller à la transparence et à la préservation des fonds publics».

Le cheikh Mechaal a nommé le cheikh Ahmed Abdallah al-Ahmed al-Sabah au poste de Premier ministre en avril et il a dissous le Parlement vendredi dernier lors d’un discours télévisé.

Il a exhorté les ministres à faire en sorte que le Koweït dispose d’une économie forte et durable en investissant dans le capital humain et en assurant la promotion de l’innovation et de la recherche scientifique.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com