Contrats sportifs d’Arabie saoudite: prestige ou stratégie?

Cristiano Ronaldo (2e à droite), attaquant portugais et capitaine de l'équipe de Nassr, et Ali Hazazi (2e à gauche), milieu de terrain saoudien et capitaine de l'équipe d'Ettifaq, posent pour une photo avec l'équipe arbitrale avant le match de football de la Saudi Pro League entre Al-Nassr et Al-Ettifaq au stade Prince Mohammed Bin Fahd à Dammam, le 27 mai 2023. (Photo, AFP)
Cristiano Ronaldo (2e à droite), attaquant portugais et capitaine de l'équipe de Nassr, et Ali Hazazi (2e à gauche), milieu de terrain saoudien et capitaine de l'équipe d'Ettifaq, posent pour une photo avec l'équipe arbitrale avant le match de football de la Saudi Pro League entre Al-Nassr et Al-Ettifaq au stade Prince Mohammed Bin Fahd à Dammam, le 27 mai 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 24 juin 2023

Contrats sportifs d’Arabie saoudite: prestige ou stratégie?

Contrats sportifs d’Arabie saoudite: prestige ou stratégie?
  • Les progrès rapides de l’Arabie saoudite en matière de développement ont attiré l’attention du monde entier
  • Pour prendre la mesure de ce qui est en train de se passer, il faut éviter de cloisonner les différents aspects, qu’il s’agisse du sport, des arts ou de la culture

Les progrès rapides de l’Arabie saoudite en matière de développement ont attiré l’attention du monde entier, et ils ne se limitent pas à un seul secteur. Il s’agit plutôt d’un plan global qui remodèle la vie et place le Royaume à l’aube d’un nouveau chapitre.

L’un des sujets brûlants, en particulier dans les médias, est la transformation en cours du secteur sportif saoudien. Les Saoudiens font venir des athlètes célèbres et concluent des accords lucratifs qui attirent l’attention du monde entier. Ces accords impliquent de grosses sommes d’argent et visent à renforcer la ligue de football du Royaume.

L’un des intérêts des médias sociaux arabes tourne autour de la faisabilité de ces accords. Bien que ce soit compréhensible, ce qui est frappant, c’est que la plupart des discussions ne tiennent pas compte de la situation dans son ensemble. Il ne s’agit pas seulement d’attirer l’attention, comme beaucoup le pensent. Des considérations subtiles entrent en jeu, certaines liées au sport, mais surtout à la politique, aux médias et au marketing. Cela va au-delà du sport et concerne l’ensemble des progrès remarquables réalisés par le Royaume.

Cela nous fait penser au concept de sportswashing, ou «blanchiment de réputation», comme le suggèrent certains médias occidentaux. Toutefois, ces conclusions sont isolées et ne tiennent pas compte du contexte plus large, comme nous l’avons mentionné plus haut.

En réponse à l’évolution du paysage du Royaume, en particulier à l’évolution de la dynamique démographique, une approche stratégique et consciente est adoptée. Les jeunes sont de plus en plus éduqués et les Saoudiens sont de plus en plus nombreux à s’aventurer en tant que touristes. Cela nécessite la création d’emplois, l’expansion de secteurs prometteurs et l’investissement dans le divertissement, la culture, les arts et les sports.

Tous ces éléments s’alignent sur les objectifs du programme de qualité de vie lancé en 2018. Son but est d’introduire de nouvelles options qui renforcent l’engagement des citoyens, des résidents et des visiteurs dans les activités culturelles, sportives et de divertissement. Voilà qui contribue à la création d’emplois, à la diversification économique et à l’élévation des villes saoudiennes au niveau des normes internationales. Au cœur de ce projet se trouve une transformation qualitative globale qui vise à faire un bond en avant dans tous les domaines du développement. Pour y parvenir, l’investissement dans les ressources humaines saoudiennes est prioritaire.

L’idée de conclure des accords avec de grands acteurs, bien qu’elle soit importante, n’est que la partie émergée de l’iceberg par rapport aux changements plus vastes et plus profonds qui se produisent dans le royaume d’Arabie saoudite. Ces accords ne semblent pas distincts de l’évolution globale et rapide qui se produit.

Si le royaume d’Arabie saoudite dépense des sommes aussi colossales, ce n’est pas pour réaliser un objectif qui pourrait être atteint par des méthodes alternatives et moins coûteuses. Les personnes impliquées dans les relations publiques et leurs activités sont bien conscientes de cette réalité. C’est donc un véritable objectif stratégique qui est mis en œuvre sur le terrain.

En outre, ce type d’opérations se produit dans le monde entier. Le football s’est transformé en une industrie et une économie massives, alimentées par une mentalité d’investissement très professionnelle, que ce soit dans le Royaume ou dans d’autres pays à travers le monde.

À mon avis, il ne s’agit pas seulement de promouvoir de nouvelles images mentales et d’établir une nouvelle image de marque mondiale pour le Royaume, même si cela joue un rôle essentiel dans le processus de développement en cours. Il s’agit également d’inculquer de nouveaux modes de pensée aux jeunes générations du Royaume et de créer de nouvelles forces motrices pour le développement dans différents secteurs. Elle couvre tout ce qui contribue à renforcer l’influence mondiale du Royaume, y compris son soft power, où le sport, les arts et la culture jouent un rôle clé.

L’équipe nationale saoudienne de football a montré un visage différent lors de la récente Coupe du monde de la Fifa, au Qatar, reflétant une réorientation stratégique qui s’éloigne de la simple présence et de la participation pour s’efforcer de rivaliser avec les géants du sport. Il en va de même dans des domaines tels que l’économie, la politique, les sciences, la technologie, l’industrie, les arts, la culture et bien d’autres encore. C’est un saut qualitatif.

Selon moi, pour prendre la mesure de ce qui est en train de se passer, il faut éviter de cloisonner les différents aspects, qu’il s’agisse du sport, des arts ou de la culture. Ils ne doivent pas être considérés indépendamment les uns des autres ou dans le contexte plus large des avancées globales du royaume d’Arabie saoudite en matière de développement.

Ces progrès sont réalisés dans le cadre de la Vision 2030, qui influence actuellement tous les aspects de la vie quotidienne dans le pays. Il s’agit d’une phase dans laquelle l’individu saoudien occupe le devant de la scène en tant qu’élément le plus important et force motrice de tout cela. C’est aussi l’un des principaux objectifs.

Le monde assiste aujourd’hui à l’émergence de la jeunesse saoudienne dans divers domaines de la vie et ceux qui suivent les médias numériques peuvent clairement voir de quelle manière le rythme du changement s’accélère remarquablement en Arabie saoudite. Il devient difficile de le suivre, en particulier dans des domaines tels que les médias et leurs technologies.

Dans les domaines de la médecine, de la santé, de la science, de l’industrie, du tourisme et des investissements, la vie au royaume d’Arabie saoudite connaît une transformation remarquable. Le football ne fait pas exception à la règle. Toutefois, il risque de ne pas suivre le même rythme que les autres secteurs. Ainsi, la réalisation des objectifs de la Vision 2030 nécessite une vitesse soigneusement calculée. Le jeune prince héritier, Mohammed ben Salmane, surveille de près les attentes et les ambitions élevées qui nécessitent un travail minutieux et un dépassement des contraintes traditionnelles.

Les idées avant-gardistes ne sont pas nouvelles dans la mentalité saoudienne en général. Le Royaume n’a pas émergé de nulle part; il se réapproprie son passé et poursuit son voyage civilisationnel. Ce que nous observons dans les domaines de la culture et du sport en est la preuve.

 

Salem AlKetbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.