Après guerre et séisme, l’enfantement grandement précarisé dans le nord-ouest de la Syrie

Les services de grossesse et d’accouchement dans le nord-ouest de la Syrie ont été dévastés par le conflit, l’isolement et les tremblements de terre (Photo, AFP).
Les services de grossesse et d’accouchement dans le nord-ouest de la Syrie ont été dévastés par le conflit, l’isolement et les tremblements de terre (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 18 août 2023

Après guerre et séisme, l’enfantement grandement précarisé dans le nord-ouest de la Syrie

  • Même avant les tremblements de terre du 6 février, les centres de grossesse et d’accouchement avaient été dévastés par le conflit
  • Les mariages précoces, la malnutrition et la destruction des infrastructures de santé ont contribué à l’augmentation du taux de mortalité maternelle

LONDRES: Les grossesses et les accouchements peuvent être dangereux pour les futures mères dans des circonstances normales. Mais dans le nord-ouest de la Syrie, déchiré par la guerre et frappé par un tremblement de terre, la mise au monde d’une nouvelle vie est devenue une épreuve pénible.

Le mariage précoce, fait fréquent dans une région où les ménages sont confrontés à des difficultés financières et où les filles sont exposées à la violence sexiste, est souvent synonyme que les jeunes mères ne sont pas suffisamment développées pour faire face aux exigences physiques de l’accouchement.

Combinée à l’absence d’établissements de santé spécialisés, à la pénurie de professionnels de la santé et à l’impact de la malnutrition causée par le conflit en cours et les obstacles aux livraisons d’aide étrangère, la mortalité maternelle dans le nord-ouest de la Syrie est élevée.

Un récent rapport rédigé par l’Unicef (le Fonds des Nations unies pour l’enfance) a révélé une dégradation de l’état nutritionnel des enfants âgés de moins de cinq ans et des femmes enceintes et allaitantes dans les camps de déplacés et les communautés dévastées par la guerre de la région.

Diana al-Ali, fondatrice de l’organisation non gouvernementale locale Suriana, a déclaré à Arab News : «De nombreuses mères qui viennent d’accoucher dans les camps de déplacés souffrent d’anémie grave et de carences en vitamines.

«Il y a eu une pénurie de médicaments et d’aliments nutritifs. Nous avons réussi à fournir du lait maternisé, mais la quantité de nourriture allouée aux mères allaitantes a été insuffisante. Nous avons fait de notre mieux pour leur fournir du pain et de l’eau potable.»

Selon Physicians for Human Rights, au moins 2,3 millions de femmes et de filles du nord-ouest de la Syrie n’ont pas accès à des services de santé sexuelle et reproductive adéquats. Avant même les tremblements de terre du 6 février, les infrastructures de santé avaient déjà été dévastées par les combats.

La nouvelle maman, Abir, a accouché après être tombée lors du tremblement de terre en Syrie alors qu’elle était enceinte (Photo, Sonya al-Ali Maara/ActionAid).

Dans le nord-ouest du pays, les tremblements de terre ont endommagé 55 établissements de santé, interrompant les services dans 15 d’entre eux, selon un rapport de Médecins sans frontières publié en mars.

Al-Ali a indiqué : «Après le tremblement de terre, des femmes enceintes ont accouché sous les décombres fu après avoir survécu à la secousse. Cependant, aucune organisation n’a aidé ces femmes immédiatement après la catastrophe.

«Armanaz, dans le nord-ouest d’Idlib, où Suriana opère, ne dispose pas d’une maternité ni de cliniques spécialisées dans la santé reproductive des femmes. Même l’hôpital local manque de gynécologues et seule une sage-femme est disponible.»

Violet, une organisation syrienne qui gère deux hôpitaux à Ein et à Azaz, a constaté d’importantes pénuries de médicaments, d’équipement et de services, notamment dans le domaine de la santé reproductive des femmes.

Ces pénuries sont en partie dues au non-renouvellement d’un accord du Conseil de sécurité des Nations unies qui permettait à l’aide d'entrer directement dans le nord-ouest de la Syrie par le poste-frontière de Bab al-Hawa, en provenance de Turquie.

L’enclave, largement peuplée de familles déplacées par les combats qui se déroulent ailleurs en Syrie, est l’un des derniers bastions de l’opposition armée du pays qui s’est soulevée contre le régime du président syrien, Bachar al-Assad, à la suite de la répression des manifestations antigouvernementales en 2011.

Des années de bombardements et d’attaques aériennes du régime ont dévasté l’infrastructure sanitaire de la région du nord-ouest. Selon Physicians for Human Rights, de nombreux membres de la population traumatisée n’osent pas s’attarder dans les hôpitaux de peur d'être bombardés.

La Russie, principal soutien international du gouvernement syrien depuis 2015, a opposé son veto à l’accord de Bab al-Hawa, établi de longue date, en juillet, exigeant que toutes les livraisons humanitaires passent par Damas avant d’être distribuées dans les zones tenues par l’opposition.

Les mariages précoces, la malnutrition et l’effondrement des infrastructures sanitaires ont contribué à l’augmentation de la mortalité maternelle (Photo, AFP).

Mohammed Isso, responsable des projets de santé de Violet, a indiqué à Arab News : «Avec le non-renouvellement de la résolution transfrontalière, nous sommes très inquiets quant à la continuité des services de santé essentiels qui dépendent entièrement des opérations humanitaires transfrontalières.»

Heureusement, pour les 4,6 millions de personnes du nord-ouest de la Syrie qui dépendent de ce corridor d’aide vital, un accord a été conclu avec Damas le 9 août pour rouvrir le point de passage à l’aide humanitaire pour les six prochains mois – après quoi il sera de nouveau soumis à un renouvellement.

Malgré ces interruptions de l’aide, les hôpitaux de Violet ont réussi à fournir des consultations médicales à au moins 3 967 femmes et nourrissons au cours du mois de juin seulement.

Parmi ces consultations, 428 concernaient des accouchements, par voie naturelle ou par césarienne, 1 183 des consultations dans les cliniques externes, 262 des nourrissons hospitalisés et 2 094 des consultations pour nourrissons.

«Bien qu’il existe des centres de santé, ils ne répondent pas entièrement aux besoins des femmes en matière de services de santé reproductive», a déclaré Isso.

«Malgré les efforts continus de collaboration de diverses organisations locales et internationales, y compris, mais sans s’y limiter, l’ONU, des lacunes importantes persistent. Ces lacunes comprennent une pénurie de médicaments, les patients devant souvent se procurer eux-mêmes les médicaments qu’ils utilisent pendant leur hospitalisation.»

Isso a également souligné la pénurie de services dans des installations essentielles, telles que les laboratoires et l’imagerie avancée, qui sont particulièrement importants pour la détection précoce des tumeurs, y compris le cancer du sein et du col de l’utérus.

FAITS RAPIDES

  • Sur les 4,6 millions de personnes vivant dans le nord-ouest de la Syrie, 63% sont des personnes déplacées, dont près de 80% sont des femmes et des enfants.
  • 2,3 millions de femmes et de jeunes filles n’ont pas facilement accès aux soins médicaux, y compris en matière de santé sexuelle et reproductive.
  • Bien que 40% de la population vive dans des camps, seuls 18% des établissements de santé s’y trouvent.

(Source : Physicians for Human Rights)

«En outre, il y a une pénurie de talents humains et d’expertise en raison de la grave fuite des cerveaux, les cadres médicaux ayant migré vers l’Europe et d’autres parties du monde», a ajouté Isso.

Il y a aussi la question de l’accès, de nombreuses femmes et jeunes filles ayant du mal à se rendre dans les centres qui offrent des services de santé reproductive.

«Les difficultés d’accès résultent de plusieurs facteurs, notamment la distance géographique, l’insuffisance des moyens financiers ou le manque de moyens de transport. Cette situation est particulièrement pertinente pour les filles en âge de procréer et les femmes nouvellement mariées.
«La capacité des femmes à accéder aux centres de soins dépend de la présence d’un accompagnateur, tel qu’un conjoint ou un tuteur, pour les soutenir ou les protéger. Cette exigence complique encore davantage la capacité des femmes à programmer leurs visites chez le médecin», a déclaré Isso.

Les centres de santé qui existent sont souvent situés dans des zones urbaines surpeuplées, où le personnel et les services sont à la limite de leurs capacités. Les zones rurales sont quant à elles très mal desservies.

«La présence d’un centre de soins dépend de l’endroit où il se trouve. Dans la ville d’Idlib, par exemple, il y a des centres de santé et des hôpitaux qui fournissent des services intégrés de santé reproductive, mais ils sont toujours bondés en raison de la densité de la population», a ajouté Isso.

Dans les camps de déplacés où Violet opère, Isso a indiqué que «les installations sanitaires sont soit une clinique mobile, soit un centre de soins de santé primaires». Ces cliniques «sont équipées du matériel de base pour les examens et souffrent souvent d’une pénurie de médicaments» et «le seul professionnel médical disponible est une sage-femme».

D’autres camps ne sont pas aussi bien équipés.

Une femme syrienne enceinte marche dans un camp de réfugiés de la ville de Tyr, dans le sud du Liban (Photo, Reuters).

Al-Ali a déclaré : «Il n’y a pas de clinique mobile là où Suriana opère pour servir les femmes et leur fournir des médicaments, des suppléments vitaminiques nécessaires ou des produits hygiéniques.

«Pendant longtemps après le tremblement de terre, il n’y avait pas de toilettes à proximité pour les femmes déplacées. Les mères qui venaient d’accoucher devaient parcourir de longues distances pour passer aux toilettes, jusqu’à ce que des organisations caritatives en construisent de nouvelles pour elles.»

L’absence de services adéquats est particulièrement dangereuse pour les mineures, dont beaucoup ont été contraintes à un mariage précoce parce que leurs parents n’avaient plus les moyens de les garder, tant le désespoir financier des ménages déplacés est grand.F

Les complications lors de l’accouchement sont plus fréquentes chez ces jeunes mères.

Hamzah Barhameyeh, responsable du plaidoyer et de la communication à l’organisation caritative World Vision, qui s’occupe des enfants, a déclaré à Arab News que les conflits et l’effondrement économique étaient les principaux moteurs de l’augmentation du nombre de mariages d’enfants.

«Les habitants du nord-ouest de la Syrie ont du mal à joindre les deux bouts. Un moyen (apparemment) raisonnable de s’en sortir est de marier leurs filles à un jeune âge pour se soulager de certaines des charges économiques auxquelles ils sont confrontés», a-t-il indiqué.

«Avec le récent tremblement de terre, nous nous attendons à une augmentation spectaculaire du nombre de mariages d’enfants.»

Barhameyeh a souligné que le soutien de World Vision «adopte une approche holistique», aidant les enfants, les familles et leurs communautés par le biais de projets visant à lutter contre la malnutrition, ce qui inclut un soutien alimentaire direct aux femmes enceintes et aux mères allaitantes.

L’aide à la santé mentale des mères et de leurs enfants est également une mesure préventive, a-t-il ajouté.

Quant à Suriana, elle prépare actuellement des cours de formation spécialement conçus pour les nouvelles mères, afin de les aider à prendre soin d’elles-mêmes et de leurs enfants.

«Mais nos efforts doivent être soutenus par d’autres organismes, qui peuvent fournir des infirmeries mobiles pour aider les mères à prendre soin de leur santé et de leurs nouveau-nés», a ajouté Al-Ali.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le procureur de la CPI demande des mandats d'arrêts contre Netanyahu et des dirigeants du Hamas

Une activiste musulmane tient un écriteau représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une manifestation contre Israël et en soutien aux Palestiniens à Gaza, devant l'ambassade des États-Unis à Jakarta, en Indonésie, le 17 mai 2024. (REUTERS)
Une activiste musulmane tient un écriteau représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une manifestation contre Israël et en soutien aux Palestiniens à Gaza, devant l'ambassade des États-Unis à Jakarta, en Indonésie, le 17 mai 2024. (REUTERS)
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  • Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il demandait des mandats d'arrêt contre M. Netanyahu et le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant
  • Pour des crimes tels que « le fait d’affamer délibérément des civils », «homicide intentionnel » et «extermination et/ou meurtre »

LA HAYE : Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé lundi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et des dirigeants du Hamas pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza.

Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il demandait des mandats d'arrêt contre M. Netanyahu et le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant pour des crimes tels que "le fait d’affamer délibérément des civils", "homicide intentionnel" et "extermination et/ou meurtre".

"Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne dans la poursuite de la politique d’une organisation. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis", a affirmé M. Khan en référence à MM. Netanyahu et Gallant.

Les accusations portées contre les dirigeants du Hamas, dont Yahya Sinwar, le chef du mouvement, incluent "l'extermination", "le viol et d'autres formes de violence sexuelle" et "la prise d'otages en tant que crime de guerre".

"Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique menée par le Hamas ainsi que d’autres groupes armés dans la poursuite de la politique d'une organisation", est-il écrit dans le communiqué.

 


L'Iran en deuil après la mort du président Raïssi dans un accident d'hélicoptère

Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
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  • Le décès de M. Raïssi à 63 ans ouvre une période d'incertitude politique en Iran
  • En attendant, c'est le premier vice-président Mohammad Mokhber, un homme de l'ombre de 68 ans, qui assumera les fonctions de président par intérim

TEHERAN: L'Iran a décrété lundi cinq jours de deuil pour rendre hommage à son président, Ebrahim Raïssi, décédé dans un accident d'hélicoptère trois ans après l'arrivée au pouvoir de cet ultraconservateur qui était considéré comme l'un des favoris pour succéder au Guide suprême, Ali Khamenei.

Le décès de M. Raïssi à 63 ans ouvre une période d'incertitude politique en Iran, au moment où le Moyen-Orient est secoué par la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas palestinien, un allié de la République islamique.

Sa mort brutale va entraîner une élection présidentielle au suffrage universel qui devra être organisée "dans les 50 jours", soit d'ici au 1er juillet.

Mohammad Mokhber

En attendant, c'est le premier vice-président Mohammad Mokhber, un homme de l'ombre de 68 ans, qui assumera les fonctions de président par intérim.

A ce stade, aucun nom ne se dégage comme prétendant pour la présidentielle, qui se déroulera quatre mois avant le scrutin présidentiel aux Etats-Unis, principal ennemi de la République islamique avec Israël.

Elu président en 2021, Ebrahim Raïssi était, lui, considéré comme l'un des favoris pour succéder au Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, âgé de 85 ans.

"La nation iranienne a perdu un serviteur sincère et précieux", a déclaré le chef de l'Etat dans une déclaration. En soulignant que "ses ennuis dus à l'ingratitude et aux railleries de certains méchants ne l'empêchaient pas de travailler jour et nuit".

Le gouvernement a rendu hommage au "président du peuple iranien, travailleur et infatigable" qui "a sacrifié sa vie pour la nation".

L'annonce de son décès avait été faite en début de matinée par les agences de presse et les sites d'information après la découverte de l'épave de l'hélicoptère à l'aube. La télévision d'Etat a parallèlement diffusé des chants religieux en montrant des photos du président.

L'hélicoptère du président avait disparu dimanche en début d'après-midi alors qu'il survolait une région de l'Iran escarpée et boisée dans des conditions météorologiques difficiles, avec de la pluie et un épais brouillard.

«grande perte»

La perspective de découvrir vivants le président et les huit autres passagers, avait progressivement diminué durant la nuit.

Parmi eux figurait Hossein Amir-Abdollahian, 60 ans, nommé à la tête de la diplomatie par M. Raïssi en juillet 2021. Etaient également présents le gouverneur de la province d'Azerbaïdjan oriental, le principal imam de la région, ainsi que le chef de la sécurité du président et trois membres d'équipage.

Les secours ont récupéré lundi matin les dépouilles des neuf passagers éparpillés au milieu des débris de l'appareil, un Bell 212. Elles ont été transportées à  Tabriz, la grande ville du nord-ouest, où débuteront mardi les cérémonies de funérailles.

L'épave de l'hélicoptère a été découverte à l'aube sur le flanc d'une montagne qu'il aurait heurté pour une raison encore inconnue, selon des médias. Il s'était envolé dans des conditions météorologiques difficiles, avec des pluies et un épais brouillard.

De nombreux dirigeants, dont certains de pays entretenant des relations tièdes avec Téhéran, ont envoyé des messages de condoléances.

Le président russe, Vladimir Poutine, a rendu hommage à un  "politicien remarquable" et à un "véritable ami" de la Russie. Son décès est une "grande perte pour le peuple iranien", a salué le président chinois Xi Jinping.

«Pas de perturbations»

M. Raïssi, qui avait le titre d'ayatollah, présidait la République islamique depuis près de trois ans.

Considéré comme un ultraconservateur, il avait été élu le 18 juin 2021 dès le premier tour d'un scrutin marqué par une abstention record pour une présidentielle et l'absence de concurrents de poids.

Toujours coiffé de son turban noir et vêtu d'un long manteau de religieux, il avait succédé au modéré Hassan Rohani, qui l'avait battu à la présidentielle de 2017.

Il était soutenu par la principale autorité de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a appelé dimanche "le peuple iranien" à "ne pas s'inquiéter" car "il n'y aura pas de perturbation dans l'administration du pays".

Dernier message pro-palestinien 

Raïssi s'était rendu dimanche dans la province d'Azerbaïdjan oriental, où il a notamment inauguré un barrage en compagnie du président d'Azerbaïdjan, Ilham Aliev, à la frontière entre les deux pays.

Au cours d'une conférence de presse commune, il a de nouveau apporté son soutien au Hamas face à Israël. "Nous pensons que la Palestine est la première question du monde musulman", a-t-il dit.

Dans un message de condoléances, le Hamas a salué un "soutien à la résistance palestinienne".

L'Iran avait lancé une attaque inédite le 13 avril contre Israël, avec 350 drones et missiles, dont la plupart ont été interceptés avec l'aide des Etats-Unis et de plusieurs autres pays alliés.

M. Raïssi était sorti renforcé des législatives qui se sont tenues en mars, premier scrutin national depuis le mouvement de contestation qui a secoué l'Iran fin 2022 à la suite du décès de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict de la République islamique.

Né en novembre 1960, Raïssi a effectué l'essentiel de sa carrière dans le système judiciaire, en étant notamment procureur général de Téhéran puis procureur général du pays, des postes où s'est construite sa réputation de fermeté envers les "ennemis" de la République islamique.

M. Raïssi figurait sur la liste noire américaine des responsables iraniens sanctionnés par Washington pour "complicité de graves violations des droits humains", des accusations balayées comme nulles et non avenues par Téhéran.


Dans le désert syrien, des milliers de déplacés oubliés

Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes. (AFP)
Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes. (AFP)
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  • "Nous sommes pris au piège", regrette Khaled, un policier de 50 ans ayant fait défection, qui refuse de donner son nom de famille pour des raisons de sécurité
  • Khaled a fui il y a huit ans sa région du centre de la Syrie, pour échapper aux exactions des jihadistes du groupe Etat islamique et aux forces du régime

BEYROUTH: Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes.

Au milieu d'un paysage lunaire balayé par les tempêtes du désert, le camp de Rokbane est situé dans un no man's land près de la frontière avec l'Irak et la Jordanie, qui ont tous deux fermé leurs frontières aux réfugiés syriens.

"Nous sommes pris au piège", regrette Khaled, un policier de 50 ans ayant fait défection, qui refuse de donner son nom de famille pour des raisons de sécurité.

"Nous ne pouvons pas nous rendre (dans les autres régions) de Syrie car nous sommes recherchés par le régime, et nous ne pouvons pas entrer en Jordanie ou en Irak", ajoute-t-il.

Khaled a fui il y a huit ans sa région du centre de la Syrie, pour échapper aux exactions des jihadistes du groupe Etat islamique et aux forces du régime.

Le conflit en Syrie s'est déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, et s'est complexifié au fil des ans avec l'implication d'acteurs régionaux, de puissances étrangères et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé.

Le camp de Rokbane est situé dans une enclave protégée par une base militaire de la coalition internationale antijihadiste dirigée par Washington.

Le régime syrien contrôle les zones tout autour et le passage de l'aide est tributaire de son bon vouloir.

Rokbane a été établi en 2014, au plus fort de la guerre et a compté à un moment plus de 100.000 résidents, mais il n'en reste plus que 8.000 aujourd'hui.

« De pain et de thé »

Poussés par la faim, la pauvreté et l'absence de soins, un grand nombre de déplacés sont partis, surtout depuis que la Jordanie a fermé sa frontière en 2016.

L'ONU qualifie la situation de "désespérée" dans le camp où aucun convoi d'aide humanitaire n'a pénétré depuis 2019. Les vivres y sont acheminées en contrebande et revendues à prix d'or.

Mais les habitants risquent de ne plus recevoir ces maigres réserves. Ils affirmant que les postes de contrôle du régime ont mis fin à tous les itinéraires de contrebande vers le camp il y a environ un mois.

"Mes filles vivent de pain et de thé. Les vivres commencent à manquer", déplore Khaled, joint au téléphone par l'AFP.

La plupart des familles subsistent grâce à l'envoi d'argent par leurs proches à l'étranger ou aux salaires de quelque 500 hommes qui travaillent dans la base américaine voisine pour 400 dollars par mois, explique Mohammad Derbas al-Khalidi.

Ce père de 14 enfants, qui dirige le conseil local du camp, indique être recherché par le régime pour avoir aidé des déserteurs au début de la guerre.

"Si je n'avais pas peur pour mes enfants et pour moi-même, je ne serais pas resté dans ce désert", assure-t-il.

Déportés de Jordanie

Les seuls nouveaux arrivants dans le camp sont chaque année quelques dizaines de Syriens déportés à leur sortie de prison par les autorités jordaniennes, selon le conseil local du camp et l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Depuis début 2024, 24 Syriens ont été déportés, dont Mohammed al-Khalidi, un mécanicien de 38 ans, qui était emprisonné en Jordanie pour trafic de drogue.

Il dit craindre d'être arrêté s'il revient dans la région de Homs dont il est originaire, sous contrôle des forces gouvernementales syriennes, et où il ne lui reste ni maison ni famille.

"Mes proches sont tous en Jordanie, et tous ceux qui étaient en Syrie ont été tués ou sont partis", affirme-t-il à l'AFP qui l'a contacté par téléphone.

Interrogé par l'AFP, un responsable jordanien a affirmé sous couvert de l'anonymat que le royaume "n’a pas forcé et ne forcera aucun réfugié syrien à retourner en Syrie".

« Comme une prison »

"Ce camp a les pires conditions de vie", affirme à l'AFP Mouaz Moustafa, de l'association Syrian Emergency Task Force, basée aux Etats-Unis, qui s'est rendu à Rokbane.

Son groupe a réussi à y acheminer de l'aide par avion, avec l'aide de la base américaine voisine.

"Mais ils ont besoin en premier, avant même la nourriture, de médecins", souligne Mouaz Moustafa, évoquant le cas d'un nouveau né souffrant de problèmes respiratoires ou d'accouchements compliqués.

Après un appel aux dons, Mohammed, 22 ans, a pu partir pour Homs dans le centre de la Syrie, pour subir une intervention chirurgicale au foie.

Quelques mois plus tard, il a échappé au service militaire en Syrie en fuyant au Liban. "N'importe quel endroit sur terre est mieux que Rokbane", dit-il à l'AFP, joint au téléphone.

Il n'a plus vu sa mère et ses deux frères depuis deux ans, ces derniers étant toujours bloqués à Rokbane. "Ma famille sait qu'elle ne sortira jamais (...) Ce camp est comme une prison."