Tunisie: Appel des ONG à «héberger en urgence» les migrants chassés de Sfax

Un migrant blessé qui a fui les violences à Sfax vers la zone tampon militarisée entre la Tunisie et la Libye, se repose après avoir été transporté en bus avec d'autres vers un abri temporaire dans un internat à Ben Guedane, le 12 juillet 2023. (Photo, AFP)
Un migrant blessé qui a fui les violences à Sfax vers la zone tampon militarisée entre la Tunisie et la Libye, se repose après avoir été transporté en bus avec d'autres vers un abri temporaire dans un internat à Ben Guedane, le 12 juillet 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 15 juillet 2023

Tunisie: Appel des ONG à «héberger en urgence» les migrants chassés de Sfax

  • Sans eau, ni nourriture, ni abris par des températures dépassant les 40 degrés, certains en ont été réduits à boire l'eau de mer et plusieurs seraient morts, selon Human Rights Watch
  • Entre 100 et 150 migrants, dont des femmes et des enfants, se trouvent encore dans une zone militarisée à la frontière libyenne, sans aucune aide, a indiqué vendredi à la presse Romdane Ben Amor, porte-parole du FTDES

TUNIS: Des ONG tunisiennes ont lancé vendredi un cri d'alarme sur la situation "catastrophique" des migrants d'Afrique subsaharienne expulsés de la ville de Sfax, dans le centre-est du pays, appelant à les "héberger d'urgence" dans des centres d'accueil.

Vendredi soir, une centaine de manifestants sont descendus dans les rues de Tunis à l'appel d'un collectif antifasciste pour exprimer leur "solidarité avec les migrants sans papiers". "Etat répressif policier qui vous expulse et nous réprime", "La Tunisie est africaine, non au racisme", "à bas le fascisme", ont-ils scandé.

A la suite d'affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien le 3 juillet, des centaines de migrants africains ont été chassés de Sfax, deuxième ville de Tunisie et devenue cette année le principal point de départ pour l'émigration clandestine vers l'Europe.

Ils ont été alors conduits par les autorités, selon des ONG, vers des zones inhospitalières près de la Libye à l'est, et l'Algérie à l'ouest.

Sans eau, ni nourriture, ni abris par des températures dépassant les 40 degrés, plusieurs sont morts, selon Human Rights Watch.

Entre 100 et 150 migrants, dont des femmes et des enfants, se trouvent encore dans une zone militarisée à la frontière libyenne, sans aucune aide, a indiqué vendredi à la presse Romdane Ben Amor, porte-parole du FTDES, une ONG tunisienne spécialisée dans les migrations.

Environ 165 migrants, abandonnés près de la frontière algérienne, ont en revanche été récupérés et emmenés dans un lieu inconnu, a-t-il dit.

"Des migrants sont transférés d'un endroit à un autre, et d'autres groupes, dans des conditions catastrophiques, se cachent dans la nature de peur d'avoir le même sort que ceux bloqués aux frontières", a déploré M. Ben Amor, appelant à leur fournir des hébergements d'urgence.

Les "arrestations arbitraires" ont repris vendredi matin, a assuré à l'AFP le président de l'association de la diaspora camerounaise, Eric Tchata, qui a publié une vidéo d'un compatriote où on voit un groupe comprenant des femmes et enfants "regroupés dans un entrepôt à Medénine".

"Ils sont environ 300 et ont été arrêtés autour de la gare de Zarzis (à 300 km au sud de Sfax, ndlr) juste sur la base de leur couleur", a dit M. Tchata.

Le Croissant rouge tunisien a pris en charge provisoirement dans des écoles depuis lundi un peu plus de 600 migrants, récupérés à la frontière libyenne.

M. Ben Amor a dit craindre que d'autres migrants ne périssent dans les jours à venir, après la découverte de deux corps dans le désert près de Hazoua ces derniers jours.

«pousse-au-crime»

Un grand nombre des migrants arrivant en Tunisie d'Afrique subsaharienne réussissent à travailler sans être déclarés, notamment sur des chantiers, dans l'agriculture ou comme femmes de ménage.

Un discours de plus en plus ouvertement xénophobe s'est répandu en Tunisie depuis que le président Kais Saied, qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021, a pourfendu le 21 février l'immigration clandestine, évoquant des "hordes de migrants subsahariens" venus "changer la composition démographique" du pays.

"La Tunisie a donné une leçon au monde avec la manière dont elle a pris soin de ces migrants", a-t-il déclaré lundi, tout en affirmant que la Tunisie "n'acceptera que ceux qui sont en situation régulière".

"Je ne pense pas qu'expulser des enfants et des femmes soit une leçon d'humanité comme prétend le pouvoir", a commenté vendredi M. Ben Amor.

Naila Zoghlami, présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates a souligné la grande vulnérabilité des migrants, en particulier les femmes, depuis le discours du 21 février, faisant état de plusieurs viols.

Dans un communiqué, 28 ONG locales et internationales dont Avocats Sans Frontières ont qualifié le discours de M. Saied de "pousse-au-crime" "qui n'a fait qu'encourager ces exactions et accorder un blanc-seing aux graves violences à l'encontre des personnes exilées".

Les ONG ont aussi dénoncé "les pressions exercées par l'UE sur la Tunisie dans le cadre d'une coopération inégale et marchandée en vue d'imposer à ce pays sa politique ultra-sécuritaire en matière d'immigration".

L'Union européenne veut faire de la Tunisie son "garde-frontière" pour "contenir les migrations +indésirables+ en échange d'une aide financière" à ce pays très endetté, selon eux.

Une délégation comprenant la présidente de la Commission européenne sera dimanche à Tunis dans l'objectif de finaliser un partenariat prévoyant des aides à la Tunisie pour lutter contre l'immigration clandestine.


La France se dit « prête à concourir à la sécurité des distributions alimentaires » à Gaza

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. (Photo AFP)
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. (Photo AFP)
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  • La France, ainsi que l'Europe, "se tiennent prêtes à contribuer à la sécurité des distributions alimentaires" dans la bande de Gaza en guerre, a déclaré samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.
  • Le ministre n’a pas précisé la nature exacte de cette assistance, mais a exprimé sa "colère" face aux "500 personnes" ayant perdu la vie lors de distributions alimentaires récentes à Gaza.

PARIS : La France, ainsi que l'Europe, "se tiennent prêtes à contribuer à la sécurité des distributions alimentaires" dans la bande de Gaza en guerre, a déclaré samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.

Cette initiative viserait à répondre à la préoccupation israélienne concernant le détournement de l’aide humanitaire par des groupes armés, faisant allusion au Hamas sans le nommer.

Le ministre n’a pas précisé la nature exacte de cette assistance, mais a exprimé sa "colère" face aux "500 personnes" ayant perdu la vie lors de distributions alimentaires récentes à Gaza.

Israël a partiellement assoupli fin mai un blocus total imposé depuis début mars, qui avait provoqué de graves pénuries de nourriture, médicaments et autres biens essentiels.

Un mécanisme de distribution piloté par la "Fondation humanitaire de Gaza" (GHF), soutenue par Israël et les États-Unis, a été mis en place, mais ses opérations ont donné lieu à des scènes chaotiques et meurtrières.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, près de 550 personnes ont été tuées et plus de 4 000 blessées dans les files d’attente depuis le lancement des opérations de la GHF fin mai.

La Défense civile de Gaza a par ailleurs rapporté vendredi la mort de 80 personnes dans des frappes ou tirs israéliens, dont 10 tuées alors qu’elles attendaient de l’aide humanitaire. L’armée israélienne nie catégoriquement avoir tiré sur des civils dans ces circonstances et examine ces allégations.

Après un cessez-le-feu entré en vigueur mardi avec l’Iran, le chef d’état-major israélien, le lieutenant-général Eyal Zamir, a indiqué que l’armée restait concentrée sur Gaza "pour ramener les otages et démanteler le régime du Hamas".

La guerre a débuté avec une attaque sans précédent du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, qui a fait 1 219 morts israéliens, principalement civils, selon un décompte AFP basé sur des données officielles. Parmi eux, 49 personnes ont été enlevées à Gaza, dont 27 déclarées mortes par l’armée israélienne.

De leur côté, plus de 56 412 Palestiniens, majoritairement civils, ont péri lors des représailles militaires israéliennes dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas, chiffres jugés fiables par l’ONU.


La France entend jouer "un rôle central" sur le nucléaire iranien

Des amendements ont assoupli le texte initial, en permettant que les drapeaux puissent être hissés à proximité des mairies ou sur leurs toits et surtout en exemptant les communes de moins de 1 500 habitants de l'obligation de pavoisement, pour des raisons financières (Photo, AFP).
Des amendements ont assoupli le texte initial, en permettant que les drapeaux puissent être hissés à proximité des mairies ou sur leurs toits et surtout en exemptant les communes de moins de 1 500 habitants de l'obligation de pavoisement, pour des raisons financières (Photo, AFP).
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  • "Si l'Iran refuse de négocier de bonne foi un encadrement strict et durable de son programme nucléaire,a déclaré le ministre.
  • Le mécanisme de réimposition des sanctions expirera le 18 octobre 2025.

PARIS : La France et ses principaux partenaires européens entendent jouer "un rôle central" dans les négociations sur le nucléaire iranien, en raison notamment de leur capacité à réimposer des sanctions contre Téhéran, a averti samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.

"Si l'Iran refuse de négocier de bonne foi un encadrement strict et durable de son programme nucléaire, la France, avec ses partenaires européens, peut, par une simple lettre, rétablir l'embargo mondial sur les armes, les équipements nucléaires, ainsi que sur les banques et les assurances", a-t-il déclaré.

Ce pouvoir de réactiver les sanctions appartient à chacun des signataires de l'accord de Vienne de 2015, appelé JCPOA ("Joint Comprehensive Plan of Action"), à savoir la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Chine et la Russie ,à l’exclusion des États-Unis, qui s'en sont retirés en 2018 sous la présidence de Donald Trump.

"C'est pourquoi nous jouons un rôle central dans ces négociations", a insisté M. Barrot, exprimant le souhait qu’un dialogue s’instaure entre l’Iran et les États-Unis, "qui tienne compte des exigences qui sont les nôtres" concernant l’activité nucléaire iranienne, soupçonnée par une grande partie de la communauté internationale de viser l’arme nucléaire, ce que Téhéran dément.

Le mécanisme de réimposition des sanctions expirera le 18 octobre 2025.

M. Barrot a également souligné que "ces derniers mois, le sort de nos otages a été au cœur des discussions avec les autorités iraniennes", en référence à Cécile Kohler, 40 ans, et à son compagnon Jacques Paris, arrêtés en mai 2022 à la fin d’un voyage touristique en Iran et accusés d’espionnage. Paris les considère comme des "otages" et réclame leur libération immédiate.

"J'ai demandé récemment qu’un contact soit établi avec eux, par notre consulat ou leurs familles. J’attends toujours une réponse claire, et je dois dire que je commence à m’impatienter", a-t-il ajouté. "Nous continuerons à accentuer la pression. Et comme vous avez sans doute pu le constater, nous disposons de leviers considérables vis-à-vis de l'Iran", a conclu le ministre.


Au Maroc, un projet ambitieux pour connecter le Sahel à l'Atlantique

Construction du port atlantique de Dakhla, situé à 40 km au nord de la ville de Dakhla, dans une zone relevant de la compétence de la commune rurale d'El-Argoub à Dakhla, dans le Sahara occidental contesté, principalement contrôlé par le Maroc, le 26 mai 2025 (Photo par Abdel Majid BZIOUAT / AFP)
Construction du port atlantique de Dakhla, situé à 40 km au nord de la ville de Dakhla, dans une zone relevant de la compétence de la commune rurale d'El-Argoub à Dakhla, dans le Sahara occidental contesté, principalement contrôlé par le Maroc, le 26 mai 2025 (Photo par Abdel Majid BZIOUAT / AFP)
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  • L'« Initiative Atlantique », annoncée en novembre 2023 par le roi du Maroc, vise à donner au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, tous enclavés, un accès à l'océan.
  • Cette annonce intervient dans un contexte géopolitique mouvant : entre 2020 et 2023, des coups d'État ont frappé ces trois pays.

MAROC : Le projet colossal de permettre aux pays du Sahel d'accéder à sa façade atlantique via des milliers de kilomètres de corridors logistiques terrestres est poursuivi par le Maroc, non sans défis, dans une région en pleine recomposition et minée par les violences jihadistes.

L'« Initiative Atlantique », annoncée en novembre 2023 par le roi du Maroc, vise à donner au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, tous enclavés, un accès à l'océan. Un projet qui, selon Mohammed VI, « transformera substantiellement l'économie de ces pays et de toute la région ».

Rabat ferait ainsi d'une pierre plusieurs coups : étendre son influence en Afrique, développer le territoire disputé du Sahara occidental dont la majeure partie est contrôlée par le Maroc mais revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l'Algérie, et damer le pion à Alger dont les relations avec le Mali, le Niger et le Burkina se sont dégradées.

Cette annonce intervient dans un contexte géopolitique mouvant : entre 2020 et 2023, des coups d'État ont frappé ces trois pays, et les régimes militaires qui y ont pris le pouvoir ont tourné le dos à l'Occident pour se rapprocher de la Russie.

Au même moment, certaines décisions de l'Union africaine et d'organismes régionaux comme la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) contribuaient à isoler les nouveaux régimes.

Or, fin avril à Rabat, le ministre des Affaires étrangères du Niger, Bakary Yaou Sangaré, a affirmé que le Maroc était « l'un des tout premiers pays auprès de qui on a trouvé la compréhension, au moment où la CEDEAO et d'autres pays étaient sur le point de nous livrer la guerre ».

Au regard de la situation, « l'initiative royale est une aubaine pour nos pays », a-t-il assuré après avoir été reçu par Mohammed VI en compagnie des ministres des Affaires étrangères du Burkina et du Mali. 

Actuellement, pour ses échanges commerciaux, l'AES s'appuie sur des ports situés dans plusieurs pays de la CEDEAO (Bénin, Togo, Sénégal, Côte d'Ivoire, Ghana), mais les tensions régionales peuvent compliquer l'accès à ces ports.

Le projet intervient également à un moment où les relations entre l'AES et son voisin algérien se tendent : les pays de l'alliance ont récemment rappelé leurs ambassadeurs à Alger, accusant les autorités algériennes d'avoir abattu un drone malien.

En outre, selon Beatriz Mesa, professeure à l'université internationale de Rabat, les mécanismes sécuritaires européens tels que Barkhane ou Takuba ont « échoué » en Afrique.

Le Maroc, qui se positionne dans une « triangularité » avec l'Afrique et l'Occident, est en train de « rentabiliser ces échecs en se positionnant comme partenaire fiable de l'Europe dans le Sud global », analyse-t-elle.

Après les grandes annonces, reste la question de la faisabilité et du financement. 

D'après la revue Afrique(s) en mouvement, qui réunit plusieurs experts, des pays comme les États-Unis, la France ou des États du Golfe, qui ont publiquement soutenu l'initiative marocaine, sont de potentiels bailleurs pour ce projet colossal.

Selon Abdelmalek Alaoui, président de l'Institut marocain d'intelligence stratégique (Imis), un réseau terrestre entre le Maroc et le Tchad, qui passerait par la Mauritanie, pourrait coûter près d'un milliard de dollars (environ 930 millions d'euros).

Le tracé reste pour l'instant flou, mais le Tchad, qui semble « un peu en retrait » dans le projet par rapport à l'AES, est distant de quelque 3 000 kilomètres du Maroc, souligne Seidik Abba, président du Centre international d'études et de réflexions sur le Sahel (CIRES). 

Il y a donc « encore des étapes à franchir », puisque pour l'instant, le « réseau routier ou ferroviaire n'existe pas », dit cet expert nigérien, relevant aussi le manque de parc automobile dans la région.

Selon Rida Lyammouri du Policy Center for the New South, un groupe de réflexion marocain, « une nouvelle route terrestre » entre le Maroc et la Mauritanie est « presque finalisée », et Nouakchott mène des travaux sur son territoire pour garantir la continuité du corridor.

Mais la question des routes dépend surtout de la sécurité au Sahel. « Si vous avez des escarmouches, de facto, vos travaux s'arrêtent », pointe M. Alaoui, alors que la région est en proie à des attaques persistantes de groupes jihadistes.

Concernant l'import-export, le futur port en eau profonde « Dakhla Atlantique », conçu dans le cadre du développement du Sahara occidental, sera mis à disposition de l'initiative marocaine.

Lancé fin 2021, ce chantier de 1,2 milliard d'euros, situé à El Argoub, au cœur du territoire, affiche un taux d'avancement de 38 %. La fin des travaux est prévue pour 2028.